12 |france MARDI 15 OCTOBRE 2019
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Dupont de Ligonnès : récit d’un emballement
La nouvelle de l’arrestation du fugitif le plus recherché de France, vendredi, a rapidement été démentie
V
endredi 11 octobre, le
dossier Dupont de
Ligonnès, du nom de
cet homme suspecté
depuis 2011 de l’assassinat de sa
femme et de ses quatre enfants,
a semblé connaître un spectacu
laire rebondissement. Un mes
sage arrivé d’Ecosse, à destination
de l’agence européenne de police
criminelle (Europol), a indiqué
que Xavier Dupont de Ligonnès,
introuvable depuis huit ans, était
à Paris sous une fausse identité et
qu’il s’apprêtait à prendre un vol à
destination de Glasgow. Europol
retransmet aussitôt l’informa
tion en France. En fin de matinée,
la Brigade nationale de recherche
des fugitifs (BNRF) est chargée
d’aller vérifier. Mais l’avion a déjà
décollé. Les Ecossais sont contac
tés. Ils doivent réceptionner le
passager, vérifier son identité et
comparer ses empreintes avec
celles de la notice Interpol rouge
de Xavier Dupont de Ligonnès.
En découvrant la photo trans
mise par les Ecossais, les poli
ciers français restent dubitatifs.
L’homme ne ressemble absolu
ment pas au fugitif. Mais plus de
huit ans se sont écoulés, il a pu
changer. A cette heure, l’ADN n’a
pas été analysé, de nombreuses
vérifications restent à mener et
les enquêteurs français de la
BNRF et de l’antenne de police ju
diciaire de Nantes ne sont même
pas encore sur place – ils n’arrive
ront à Glasgow que samedi en
tout début d’aprèsmidi. Mais les
autorités écossaises sont affir
matives : l’empreinte digitale est
la sienne. Elles le répètent à
plusieurs reprises à leurs homo
logues français. Vendredi en
début de soirée, les enquêteurs
français les plus sceptiques finis
sent par croire que c’est bien lui.
A 20 h 33, un enquêteur de la
police judiciaire proche du dos
sier Dupont de Ligonnès appelle
un des journalistes du Monde :
« Dupont de Ligonnès a été arrêté
en Ecosse. Ses empreintes viennent
d’être identifiées par les Ecossais »,
affirmetil. Selon cet enquêteur,
le suspect a été « arrêté à sa
descente d’avion à Glasgow ». A
20 h 40, après avoir reçu cette
information, notre journaliste
appelle sa rédaction en chef pour
la transmettre. D’autres journa
listes du Monde cherchent alors à
la vérifier en la recoupant auprès
d’autres sources policières ou
judiciaires. Contacté, le procureur
de la République de Nantes ne
donne pas suite. Pas plus que la
famille de Xavier Dupont de
Ligonnès et son avocat.
Premiers bémols
Au même moment, Le Parisien
publie l’information et envoie
une alerte : « Xavier Dupont de
Ligonnès a été arrêté ce vendredi
en Ecosse. » A 21 h 01, l’Agence
FrancePresse (AFP) envoie à son
tour une alerte : « Xavier Dupont
de Ligonnès arrêté à l’aéroport de
Glasgow », en précisant qu’il
s’agit d’une « source proche de
l’enquête ». A 21 heures, l’un de
nos journalistes reçoit de l’une de
ses sources policières le message
suivant : « La police écossaise est
affirmative. »
A 21 h 03, Le Monde publie l’in
formation à son tour en alertant
sur son site et son application mo
bile, sous cette formulation : « Xa
vier Dupont de Ligonnès arrêté
en Ecosse. » A ce stade, la formula
tion correcte de l’article aurait dû
être la suivante : « Un homme sus
pecté par la police d’être Xavier
Dupont de Ligonnès a été arrêté à
Glasgow. » Dans le même temps,
une source policière confirme au
Monde l’interpellation à Glasgow
d’un homme dont les empreintes
digitales correspondent à celles
de Xavier Dupont de Ligonnès
et précise que le relevé et les
comparaisons ont été effectués
par la police écossaise. A 21 h 07,
une seconde source policière offi
cielle confirme la première.
Alors que la plupart des médias
nationaux mettent à la « une »
l’arrestation du fugitif sur leurs
sites, les premiers bémols se font
entendre. A 21 h 23, une autre
source policière contactée par Le
Monde se montre plus prudente.
Elle se contente d’indiquer que
« des vérifications sont en cours ».
Moins de deux heures plus tard,
l’AFP modifie sa formulation, en
citant une « source écossaise » :
« Dupont de Ligonnès : un homme
arrêté à l’aéroport de Glasgow à la
demande des autorités fran
çaises ». Plusieurs heures après les
confirmations policières, à
00 h 26, le procureur de Nantes
s’exprime auprès de l’AFP.
Evoquant une « suspicion sur les
empreintes », il appelle à la « pru
dence » dans l’attente de la confir
mation de l’identité.
« Boulette monstrueuse »
Face à ces premiers doutes, l’ar
ticle du Monde est retitré de
manière plus prudente : « Un
homme soupçonné d’être Xavier
Dupont de Ligonnès arrêté en
Ecosse ». Nos équipes mettent à
jour l’article en reprenant notam
ment les propos du procureur.
Malgré de nombreuses sollici
tations afin de comprendre les
raisons qui l’ont poussé à faire ce
communiqué, le procureur de
Nantes reste injoignable.
A 6 h 15, Europe 1 diffuse le
témoignage d’un voisin de
l’homme arrêté, domicilié dans
les Yvelines. Il assure qu’il s’agit
d’une « boulette monstrueuse »,
qu’il connaît l’homme depuis
« trente ans » et affirme avoir
assisté à son mariage en Ecosse.
Au fil des heures, des doutes de
plus en plus importants apparais
sent sur l’identité véritable de la
personne interpellée. Toute la
matinée, nos journalistes actuali
sent l’article mis en ligne la veille,
en publiant notamment la décla
ration de l’avocat de la famille des
victimes, qui appelle lui aussi à la
plus grande prudence.
A 9 h 58, l’une des sources poli
cières contactées la veille et qui se
montrait affirmative quant à
l’arrestation de M. Dupont de Li
gonnès se rétracte. Elle explique
désormais que l’on se dirige vers
un « no match », c’estàdire que
l’ADN de l’individu interpellé ne
devrait pas correspondre avec
celui de l’homme recherché.
A 10 h 49, la chaîne d’information
BFMTV assure que les emprein
tes digitales relevées sur
l’homme interpellé ne corres
pondent que très partiellement
à celles de Xavier Dupont de Li
gonnès. Quelques instants après,
c’est au tour de l’AFP d’alerter sur
un « doute sur l’identité de
l’homme arrêté à Glasgow ».
A 12 h 55, la révélation de la veille
s’effondre. Plusieurs sources af
firment à Europe 1, à l’AFP ou en
core au Parisien que le test ADN
mené sur l’homme arrêté à Glas
gow s’avère négatif : il ne s’agit
pas de Xavier Dupont de Ligon
nès. Plusieurs sources policières
confirment cette information au
Monde. C’est l’épilogue d’une
immense méprise.
service france
Treize jeunes jugés pour l’attaque de policiers à ViryChâtillon
Trois ans plus tard, les accusés, âgés de 19 à 24 ans, comparaissent à partir de mardi devant les assises de l’Essonne pour « tentative de meurtre »
C
ette caméra, accrochée au
pylône d’un lampadaire
de l’avenue VictorSchœl
cher à ViryChatillon (Essonne),
avait été installée pour surveiller
le trafic de drogue et mettre fin
aux innombrables vols à la por
tière commis au feu rouge du
« carrefour du Fournil », point
d’entrée dans le quartier sensible
de la GrandeBorne.
L’idée s’était révélée efficace,
l’activité délictuelle du secteur
avait diminué, mais la caméra elle
même était désormais prise pour
cible. Les weekends précédents, le
pylône avait été attaqué à la voitu
rebélier et à la scie de chantier.
Alors, ce samedi 8 octobre 2016,
deux véhicules de police station
naient à son pied pour le protéger.
A 14 h 55, les quatre policiers en
service ont vu apparaître dans
leur rétroviseur une vingtaine de
jeunes gens cagoulés. Dans leurs
mains, des pavés et des cocktails
Molotov allumés. Les premiers
font exploser les vitres, on jette
les seconds à l’intérieur de l’habi
tacle. Deux policiers sont grave
ment brûlés. Le traumatisme est
immense au sein de la profession.
Trois ans plus tard s’ouvre, mardi
15 octobre devant la cour d’assises
de l’Essonne, le procès de 13 accu
sés âgés de 19 à 24 ans, dont trois
étaient mineurs à l’époque des
faits – les débats pourraient donc
se tenir à huis clos. Pour « tentative
de meurtre sur personne déposi
taire de l’autorité publique », la
peine maximale encourue est la
perpétuité. Tous les auteurs ne se
ront pas jugés : 19 silhouettes ap
paraissent sur les images de vidéo
surveillance, dont 16 ayant parti
cipé directement à l’agression.
L’audience, qui s’achèvera le
6 décembre, promet d’être labo
rieuse. L’enquête le fut déjà,
rendue extrêmement compliquée
par ce que les juges d’instruction
ont qualifié de « contexte parti
culier du recueil des preuves » : les
agresseurs étaient masqués ;
aucune trace ADN n’a été retrou
vée sur les projectiles ; la vidéosur
veillance n’est pas nette ; la Gran
deBorne n’est pas bavarde. « Un
peu plus de 1 000 personnes étaient
visitées au cours des enquêtes de
voisinage, et aucun témoignage
n’était recueilli », liton dans l’or
donnance de mise en accusation.
Le calvaire des agressés, lui,
est bien établi. Dans la Renault
Kangoo, Vincent R., 28 ans, n’a pas
le temps de démarrer. Ses jambes
et son torse prennent feu. Il ne
parvient pas à s’extraire de sa voi
ture, portière bloquée. Sur le siège
passager, Jenny D., 39 ans, prend
feu également. En s’extirpant du
véhicule, elle reçoit des pavés sur
la tête. Vincent R., réussissant en
fin à ouvrir sa portière, devient
une torche humaine. Il se roule au
sol, tout en essuyant des jets de
pierres. Dans la Peugeot 307, le feu
a pris moins vite et les deux occu
pants, Sébastien P., 38 ans, et
Virginie G., 28 ans, sortent sans
être touchés par les flammes. Les
agresseurs s’enfuient vers le
dédale de la GrandeBorne. La
scène dure moins d’une minute.
Le policier le plus touché, Vincent
R., est brûlé sur 25 % du corps et
plongé dans le coma.
L’épisode donnera naissance à
la « mobilisation des policiers en
colère » et suscitera des mani
festations d’ampleur inédite
contre la « haine antiflics ». « Ces
individus seront retrouvés, tra
duits en justice et très sévèrement
punis, promet alors le premier
ministre, Manuel Valls. Quand on
s’attaque à des policiers, on s’atta
que tout simplement à la France. »
Alibis grossiers
La surveillance des réseaux
sociaux – où des vidéos de l’agres
sion avaient été postées dans
la demiheure – et un témoi
gnage anonyme providentiel ont
orienté les policiers vers la
« bande de la S », un groupe
d’amis d’enfance du quartier.
Les premières interpellations ont
eu lieu deux mois après les faits.
Seuls trois des mis en cause
reconnaissent une participation
a minima – une présence passive,
un jet de pierre tout au plus. Les
dénégations des autres et l’ab
sence de preuves scientifiques
incontestables (ADN, vidéosur
veillance) rendent délicates la
reconstitution précise des faits et
la définition des rôles de chacun.
Restent la géolocalisation télé
phonique, la litanie d’alibis gros
siers vite invalidés, les nombreu
ses écoutes – téléphone ou par
loir – dévoilant les arrangements
sur la version à fournir aux poli
ciers. L’enquête a été marquée par
les rétractations de ceux qui
avaient parlé : les pressions ont
été fréquentes. « Un témoin qui se
rétracte, c’est un problème pour
l’accusation. Tous les témoins qui
se rétractent, ça devient une
charge en plus », estime Me Thi
bault de Montbrial, avocat de
l’une des policières.
Que l’on sache qui a lancé les
cocktails Molotov ou non, la
culpabilité des accusés pourrait
être établie par leur simple
présence sur les lieux de l’attaque,
en vertu du principe de la coac
tion : « Dès lors qu’ils ont participé
à une action collective, il convient
de les considérer comme coau
teurs, sans qu’il n’y ait lieu de préci
ser la part individuellement prise
par chacun », dit la jurisprudence.
Charge au juge de définir précisé
ment la responsabilité de chacun
et des peines individuelles.
Le policier le plus
touché, Vincent R.,
est brûlé
sur 25 % du corps
et plongé
dans le coma
Journalistes
à Limay
(Yvelines),
à proximité
du domicile
de l’homme
arrêté
en Ecosse,
le 12 octobre.
THOMAS SAMSON/AFP
Au fil des heures,
des doutes
de plus en plus
importants
apparaissent sur
l’identité véritable
de la personne
interpellée
Autre objectif du procès : éva
luer l’intention homicide. « Ce
sont des petits cons qui veulent en
découdre et dire “Cassezvous de
notre cité”. Ils ne réalisent pas la
gravité de leur geste », a estimé un
avocat de la défense, cité par
l’Agence FrancePresse. Me de
Montbrial, qui évoque « l’agres
sion la plus grave contre des poli
ciers, hors terrorisme, depuis des
années », n’est pas d’accord : « Si
quelqu’un peut m’expliquer que
lancer des cocktails Molotov dans
une voiture puis caillasser des poli
ciers qui sont en train de brûler, ça
n’est pas une intention de tuer, j’at
tends sa démonstration. »
Le procès qui s’ouvre est celui
de petits délinquants déscolarisés
- sept accusés ont un casier judi
ciaire, deux ont le bac – qui ont
basculé dans l’action criminelle et
empoisonnent la vie d’un quartier
faisant l’actualité avec une régula
rité décourageante. Ce sera, peut
être, l’occasion d’une réflexion
plus vaste sur ce qui a transformé
l’utopie de la GrandeBorne, fleu
ron des grands ensembles sortis
de terre dans les années 1960, en
l’illustration de leur pourrisse
ment. « Ce ne sont pas des badauds
du boulevard SaintGermain qui
ont caillassé des policiers, souligne
Me Antoine Vey, qui défend l’un
des accusés. On ne peut pas les
juger si on ne comprend pas ça. »
henri seckel - CESSATIONS DE GARANTIE
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
D’APPLICATION N° 72-
DU 20 JUILLET 1972 -ARTICLES 44
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Gaulle – 92931 La Défense Cedex ( RCS
Paris 414 108 708), succursale de QBE
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