Les Echos - 18.10.2019

(Grace) #1

10 // MONDE Vendredi 18 et samedi 19 octobre 2019 Les Echos


Yves Bourdillon
@yvesbourdillon


La Syrie va faire face à l’invasion tur-
que « par tous les moyens » militaires,
a déclaré jeudi le président syrien
Bachar Al Assad. L’armée syrienne,
que les milices kurdes YPG menacées
d’anéantissement par l’offensive tur-
que lancée le 9 octobre ont appelé à
leur secours, a continué son déploie-
ment près de la frontière nord au con-
tact des forces adverses. Ces derniè-
res sont constituées seulement de
rebelles syriens contre le régime,
l’armée turque demeurant en
« deuxième échelon ».
Les rebelles, appuyés par l’artille-
rie d’Ankara, se sont emparés de la
moitié de la ville de Ras Al Aïn, tan-
dis que les loyalistes, à l’inverse, se
déployaient dans la ville stratégique
de Kobané. Cette dernière « ne fait


vraisemblablement pas partie des
objectifs » du président turc, Recep
Tayyip Erdogan, qui veut seulement
s’emparer d’un rectangle de 120 km
sur 30, jusqu’à l’autoroute M4 au
sud, estime Thomas Pierret, d e l’Ins-
titut de recherches et d’é tudes sur
les mondes arabes et musulmans.

Les élus républicains
critiquent Trump
En revanche, souligne-t-il, le
déploiement de l’armée de Damas
dans la ville de Manbij, mercredi,
constitue un revers pour Erdogan.
Damas a « préempté » une ville
dans laquelle Ankara aurait pu ins-
taller des réfugiés syriens. Pour
l’instant, « c’est surtout le régime
syrien qui reprend à peu près tout et la
Turquie qui prend quelques miettes le
long de la frontière », a conclu Tho-
mas Pierret. Si le risque d’accrocha-
ges entre soldats syriens et turcs est
désormais non négligeable, celui
d’un affrontement à grande échelle
est réduit, selon les analystes, en rai-
son du soutien russe à Damas.
Par ailleurs, aux Etats-Unis, une
motion critiquant la décision de
Trump de retirer le 7 octobre les sol-
dats déployés auprès des YPG, ce qui
a ouvert la porte à l’opération tur-
que, a été votée mercredi à la Cham-

MOYEN-ORIENT


Trump va abroger les
sanctions. La Turquie
mettra fin à son
offensive après le re-
trait des forces kurdes.


rité sociale universelle, qui coûte
0,7 % du PIB, lui vaut quelques
solides suffrages.

Une croissance légèrement
au-dessus de 4 %
Les craintes qu’un régime fort
puisse conduire à une dérive du
type Venezuela sous-tendent une
campagne électrique où les inci-
dents se multiplient. D’un strict
point de vue économique, ce pays
de 11 millions d’habitants est, pour
l’instant, à l’abri d’une crise. Depuis
plusieurs années, la croissance y
est stable, légèrement supérieure à
4 %, portée par une forte politique
d’investissements publics. Le plan
pluriannuel 2016-2020, centré sur
le développement des infrastructu-
res et des entreprises publiques,
notamment d ans l’énergie, a été mis
en place en 2015. Il vise surtout le
secteur gazier (35 % des exporta-
tions en 2017) et le raffinage.
Parallèlement, le gouvernement,
soucieux d’enrayer la baisse de pro-
duction d’hydrocarbures, a signé,
en 2017, avec plusieurs firmes
étrangères des protocoles de coopé-

L’offensive turque a aussi pour
conséquence d’obliger les YPG à
relâcher leur surveillance des
camps où ils détiennent près de
12.000 djihadistes, dont 2.500 étran-
gers. En raison du risque d’évasion
des 60 djihadistes français, accom-
pagnés de 400 enfants et épouses, le
ministre français des Affaires étran-
gères, Jean-Yves Le Drian, a rencon-
tré jeudi à Bagdad son homologue
irakien, Mohammed Ali Al Hakim,
et le Premier ministre, Adel Abdel-
Mahdi, pour discuter des moyens de
les faire juger en Irak. Ils y risquent la
peine de mort, mais Bagdad n’a
encore exécuté aucun des 500 djiha-
distes étrangers condamnés à la
peine capitale. Fin de non recevoir
polie du patron de la diplomatie ira-
kienne, selon qui les pays concernés
doivent « prendre des mesures néces-
saires et appropriées« pour juger
leurs ressortissants.Les pays occi-
dentaux répugnent à récupérer
leurs ressortissants en raison d’un
rejet de l’opinion et de divers risques
judiciaires et sécuritaires. Près de
800 femmes et enfants de djihadis-
tes ont profité des affrontements au
Kurdistan pour s’enfuir il y a quel-
ques jours, mais aucune évasion de
combattant n’a été confirmée, hor-
mis celle de deux Belges. n

Syrie : Washington annonce


un cessez-le-feu


En Bolivie, Evo Morales en piste


pour un quatrième mandat


ration (exploration et exploitation),
dont les effets seront ressentis à
partir de 2020 voire 2021. Outre
les hydrocarbures, le pays dispose
d’importantes ressources en
lithium, mais aussi en zinc, argent,
or et manganèse.
Malgré la volonté affichée des
autorités de relance du secteur
pétrolier, l’environnement des
affaires demeure cependant com-
plexe, à la fois du fait de craintes
de nationalisation, voire de discri-
mination entre les intérêts privés et
publics, au profit de ces derniers,
mais aussi à cause de l’économie
informelle, de l’insécurité et du
narcotrafic qui pèsent sur le déve-
loppement des affaires.
A son actif, Evo Morales, premier
président amérindien de Bolivie,
proche de Cuba et du Venezuela,
met en avant la baisse du taux de
pauvreté passé, entre 2006 et 2018,
de 38 % à 15 %, selon lui. Il a promis
que « l’extrême pauvreté sera à
moins de 5 % en 2025 », à la fin d’un
éventuel nouveau mandat. Il est
pour l’instant donné vainqueur
dans les sondages.n

Michel De Grandi
@MdeGrandi


Au pouvoir depuis 2005, Evo Mora-
les est en piste pour un quatrième
mandat. Lors du scrutin de diman-
che, le président bolivien espère
rester en place cinq années de plus
« pour finir nos grands travaux »,
a-t-il lancé à ses supporteurs, lors
d’un dernier meeting à côté de
La Paz. Tandis que son principal
opposant, le centriste Carlos Mesa,
n’a de cesse de dénoncer la dérive
autoritaire du pouvoir : « Le
20 octobre, jour de l’élection, la Boli-
vie va vaincre l’autoritarisme de près
de quatorze ans », a-t-il déclaré,


AMÉRIQUE DU SUD


Le président de gauche
s’appuie sur une
politique d’investisse-
ments publics et sur
une relance du secteur
des hydrocarbures
pour rester au pouvoir.


Jean-Jacques Franck
—Correspondant à Berne

La question climatique et la
hausse constante des primes
d’assurance-maladie devraient
profiter aux partis écologistes
et, dans une moindre mesure, à
la gauche, sans pour autant
faire perdre au parti souverai-
niste UDC sa première place au
Parlement. Voilà ce que l’on
peut tirer des derniers sonda-
ges, avant le vote aux élections
fédérales du 20 octobre.
Surfant sur les manifesta-
tions de rue et la mobilisation
des jeunes électeurs, les Verts
enregistrent une hausse de
3,6 points des intentions de
vote pour dépasser, pour la
première fois, la barre des
10 %. Si la poussée se confirme,
le parti écologiste pourrait
dépasser pour la première fois
le PDC, démocrate-chrétien,
qui poursuivrait une chute
entamée depuis plusieurs
années. La vague verte
entraîne dans son sillage
le parti des Vert’libéraux, une
spécificité suisse, qui dépasse-
rait les 7 %, soit un tiers de plus
d’électeurs.

Le parti d’extrême droite
à la peine
A l’autre extrémité du spectre
politique, l’UDC pourrait être
le grand perdant de l’élection
avec une baisse de plus de
2 points par rapport à 2015.
Contrairement aux années
précédentes, le parti d’extrême
droite n’a pas réussi à faire des
relations avec l’Union euro-

EUROPE


Les deux partis
« verts » suisses
devraient, selon
les sondages, tirer
profit des élections
fédérales
du 20 octobre.

en bref


Natalia

Kolesnikova/AFP

Russie : la consommation des ménages
marque le pas en septembre

CONJONCTURE La consommation des ménages russes a
encore ralenti en septembre, alors que le pouvoir d’achat est en
berne depuis des années et que la croissance est poussive, a indi-
qué jeudi l’agence de statistiques russe. Selon le rapport mensuel
de conjoncture de Rosstat, les ventes de détail ont augmenté de
0,7 % en septembre après 0,8 % en août, ce qui en fait le taux de
croissance le plus faible depuis plus de deux ans. Le salaire réel
moyen a pour sa part augmenté de 2,4 % sur un an, un ralentisse-
ment par rapport aux 3 % du mois d’août sur un an.

Etats-Unis : la production
manufacturière en repli en septembre

INDUSTRIE La production manufacturière a reculé plus forte-
ment que prévu en septembre aux Etats-Unis, pénalisée en
grande partie par la grève chez General Motors. D’une manière
générale, les perspectives pour l’industrie restent faibles sur
fond de tensions commerciales et de ralentissement de l’écono-
mie mondiale. Cette production a reculé de 0,5 % après une
hausse révisée à 0,6 % le mois précédent, a annoncé jeudi la
Réserve fédérale.

après avoir été reçu aux cris de
« dé-mo-cra-tie! » par 2.000 à
3.000 militants habillés en orange.
En 2017 seulement, et bien qu’il ait
été désavoué par un référendum un
an plus tôt, Evo Morales a obtenu du
Tribunal constitutionnel d’abolir
la limite à deux mandats pourtant
inscrite dans la Loi fondamentale.
Carlos Mesa, historien et ex-
président (2003-2005), a rallié,
ces derniers jours, une série de

soutiens au sein d’une opposition
divisée et pourrait, pour la pre-
mière fois depuis treize ans, con-
traindre Evo Morales à un second
tour. Mais le président en place a
des atouts dans son jeu. La mise
en place cette année d’une Sécu-

Le principal opposant
au président Morales,
le centriste Carlos
Mesa, dénonce
la dérive autoritaire
du pouvoir.

péenne, de la migration et de
l’asile, les thèmes dominants
de la campagne électorale.
La prédominance de l’envi-
ronnement, l’inquiétude des
Suisses face à la hausse cons-
tante des primes de santé et,
parallèlement, à la baisse des
rentes des fonds de pension,
créent un climat défavorable
au puissant parti libéral PLR,
souvent qualifié de « parti de
l’économie ». La défection ne
profite pas pour autant au
Parti socialiste qui devrait sta-
gner mais r ester, t out de
même, le deuxième parti d’un
pays qui aligne depuis plus
d’une décennie les excédents
budgétaires, et qui dispose
aujourd’hui de plus de 57 mil-
liards de francs (52 milliards
d’euros) de liquidités et de pla-
cements à court terme

Gonflés à bloc par ces
enquêtes d’opinion, les deux
partis écologistes envisagent
de se regrouper pour p résenter
un candidat commun au Con-
seil fédéral, le gouvernement
composé de 7 ministres. « Si les
élections se déroulent comme
l’annoncent les sondages, il
nous faudra discuter de la for-
mule magique », annonce
le président du parti des
Vert’libéraux, Jürg Grossen.
Cette règle tacite de répartition
des sièges au gouvernement
octroie deux ministres au PS,
deux aux libéraux, deux à
l’UDC et un aux chrétiens-dé-
mocrates. L’entrée d’un Vert au
gouvernement mettrait à mal
cette « formule magique »
rarement contestée depuis sa
création en 1959, et constitue-
rait une grande première.n

La percée attendue


des Verts bouscule


la politique suisse


L’entrée
d’un écologiste
au gouvernement
constituerait une
bre des représentants par 354 voix grande première.
contre 60. Surtout, la motion a été
votée par les deux t iers des 197 repré-
sentants républicains. Espérant
faire taire les critiques par l’obten-
tion d’un cessez-le-feu, Donald
Trump a dépêché jeudi à Ankara
son vice-président, Mike Pence, et
son secrétaire d’Etat, Mike Pompeo,
qui ont rencontré Recep Tayyip
Erdogan et ont trouvé un accord.
Le président turc exige le retrait
complet et le désarmement des
YPG avant toute suspension de son
opération militaire, qui bénéficie
d’un large soutien de l’opinion
publique turque, laquelle assimile
les YPG au PKK, le parti séparatiste
des Kurdes en Turquie, classé
comme organisation terroriste.
Donald Trump, qui menace la Tur-
quie de sanctions économiques si
son offensive continue, avait pré-
venu Recep Tayyip Erdogan dès le
9 octobre : « Ne jouez pas au dur, ne
faites pas l’idiot. »

12.
DJIHADISTES
sont emprisonnés dans des
camps gardés par les Kurdes.
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