sance chinoise, qui reste le moteur
du luxe au niveau mondial avec
un bond en avant attendu entre
18 % et 20 % cette année.
Maquillage en berne
Signal négatif, le secteur de la
beauté a subi un net ralentisse-
ment ces derniers mois. Ce qui a
freiné les ventes de L’Oréal comme
du réseau sélectif chez LVMH. « Le
maquillage est en négatif depuis le
début 2019, après plusieurs années
de hausse à deux chiffres, relève
Loïc Morvan, analyste chez Bryan,
Garnier & Co. Nous entrons dans
une phase de normalisation. »
A ce stade, les ventes de mode
et maroquinerie restent bien
orientées. Au premier semestre,
Hermès a enregistré une hausse
de 10 % aux Etats-Unis. Seul Gucci
a souffert au deuxième trimestre
(– 2 %), victime de l’environnement
économique et de l’affaire du
« blackface ».
La politique de l’administration
Trump touche aussi le secteur. Les
vins français (comme les froma-
ges) vont ainsi subir des taxes
douanières à partir du 18 octobre.
Taxes auxquelles échappe pour
l’instant le cognac, un pilier du
luxe. Sur neuf mois, l’activité mon-
diale vins et spiritueux de LVMH,
en progression de 7 %, a été tirée en
partie par les Etats-Unis, en plus de
la Chine. Déjà, en 2018, selon Bain
& Co, la réforme fiscale décidée p ar
le président a d’abord créé « des
incertitudes pour les consomma-
teurs et a eu un impact négatif ».
Depuis, ces baisses d’impôts ont
relancé les ventes. « Les plus riches
ont bénéficié de plus de pouvoir
d’achat, ce qui a favorisé la consom-
mation locale de luxe, estime l’asso-
cié et responsable du secteur du
luxe au Boston Consulting Group
Olivier Atban. Reste à savoir si ce
sera pérenne. »
Côté distribution, les grands
magasins continuent de souffrir.
Barneys, connu pour son position-
nement luxe, a été placé cet été en
sauvegarde. Il est victime, comme
ses c oncurrents, de la baisse du tra-
fic dans les points de vente, résultat
de la montée en puissance d’Inter-
net... e t de la stratégie des g éants du
luxe. « Les marques de luxe ont été
beaucoup p lus sélectives concernant
ces enseignes, au profit de leur
réseau de boutiques, reprend Loïc
Morvan, car elles veulent contrôler
les prix. » Les maisons continuent
d’investir localement. Hermès a
inauguré en avril son 36 e magasin
aux Etats-Unis, dans le quartier de
Meatpacking, à New York.
Le recul de la fréquentation
touristique pèse aussi. En cause un
dollar fort. « Les voyageurs, en par-
ticulier venus d’Asie, sont très sensi-
bles au taux de change, et n’hésitent
pas à réorienter leurs déplacements
vers d’autres destinations », souli-
gne Olivier Atban. Sans compter
les tensions sino-américaines.
Déjà, selon le cabinet Bain & Co,
elles ont entraîné un recul des visi-
tes de Chinois aux Etats-Unis.
Le marché a méricain n’en recèle
pas moins encore du potentiel. Il
reste cependant très localisé dans
quelques grandes villes, comme
New York, Los Angeles ou Miami.
L’e-commerce s’avère donc un
bon levier pour s’ouvrir l’immense
territoire du pays.n
Le gigantesque marché américain sous tension
Dominique Chapuis
dchapuis@lesechos. fr
Le marché du luxe pourrait se
gripper aux Etats-Unis. Après une
croissance modérée en 2018, les
perspectives pour la suite restent
incertaines, selon Bain & Com-
pany. Car celles-là sont en partie
liées aux effets de l’imprévisible
politique économique américaine.
Les experts restent donc pru-
dents. Dans son étude publiée en
juin, le cabinet de conseil en stra-
tégie estime que le marché outre-
Atlantique, qui resterait le premier
au monde, devrait progresser de
2 % à 4 % en 2019. Loin de la crois-
Dollar fort, effet de la
politique fiscale américaine,
menaces de taxes douaniè-
res : les perspectives du
marché du luxe restent
incertaines aux Etats-Unis.
Le cabinet Bain & Co table
sur une croissance molle
cette année, entre 2 % à 4 %.
L’enseigne de
luxe Barneys
sur le point
d’être sauvée
Racheté par LVMH il y a deux ans, le « ranch Rochambeau » produira six différents types de sacs. Photo Paul Warchol/LVMH
lité qu’en Europe », affirme Michael
Burke. Certains des « artisans » tra-
vaillaient pourtant, il y a quelques
mois encore, dans des enseignes de
grande distribution du coin.
Le « ranch Rochambeau » (du
nom du général français qui s’est
illustré lors de la guerre d’indépen-
dance américaine) a été racheté par
LVMH il y a deux ans. C’est le troi-
sième atelier de production de
Louis Vuitton aux Etats-Unis. Il y
produira s ix différents types de sacs.
Aujourd’hui, 150 salariés y tra-
vaillent, après avoir été formés par
des équipes américaines et françai-
ses. Mais, d’ici à cinq ans, ce sont
1.000 personnes qui devraient être
embauchées ici et un deuxième ate-
lier y verra le jour. L’investissement
est estimé à 38 millions de dollars, et
le chiffre pourrait encore grimper
dans les années à venir. Bernard
Arnault tiendrait ainsi les promes-
ses qu’il avait faites à Donald
Trump peu de temps après son élec-
tion. Le groupe LVMH avait ensuite
signé le « Pledge to America’s Wor-
kers » (comme Apple, FedEx ou
encore Boeing), qui vise à dévelop-
per des programmes de formation
pour les travailleurs américains.
Les deux hommes sont d’ailleurs
apparus côte à côte lors de l’inaugu-
ration, jeudi.
Les taxes de Donald Trump
Les deux premiers ateliers de Louis
Vuitton étaient situés en Californie,
le premier ouvert en 1990 suite au
rachat d’un fabricant, le second en
- Et la marque possède, au total,
plus de 100 boutiques aux Etats-
Unis. L’objectif est de conserver un
équilibre (50-50), sur le marché
américain, entre les produits de
maroquinerie venus de France et
ceux produits aux Etats-Unis.
« Le made in USA est un argument
de vente, mais il n’est pas le seul »,
indique Michael Burke, qui souli-
gne que la croissance des ventes est
encore forte outre-Atlantique. Les
tensions commerciales n’ont, elles,
pas eu d’impact sur l’activité, les
produits de luxe n’étant pas touchés
par les surtaxes. Le groupe est néan-
moins en train d e vérifier que certai-
nes matières premières et des
machines importées n’entrent pas
dans la nouvelle vague de produits
européens taxés par Donald Trump
récemment.n
lLa marque du groupe LVMH a inauguré son nouveau site texan, jeudi, en présence de Donald Trump,
dans un ranch à une heure de Dallas.
lAvec les deux autres unités, cet atelier doit alimenter la moitié du marché américain sur les produits de maroquinerie.
Louis Vuitton mise sur le made in USA
avec son nouvel atelier texan
Nicolas Rauline
@nrauline
—A Keene (Texas)
L’hélicoptère présidentiel a à peine
effrayé le bétail. Les quinze vaches,
la c entaine d e cerfs et de biches et les
quelques moutons de ce paisible
ranch près de Keene, à une heure au
sud-ouest de Dallas, au Texas,
n’avaient pourtant jamais vu cela.
Son métayer, un Texan pur jus, offi-
cier de police à la retraite, non plus.
Depuis une semaine, les services
secrets américains inspectaient les
105 hectares de la propriété pour
préparer l a venue de Donald
Trump. Jeudi, le président améri-
cain a inauguré le site, choisi par
Louis Vuitton pour installer son
troisième site de production aux
Etats-Unis.
Un choc des cultures qui marque
la volonté du groupe LVMH (pro-
priétaire des « Echos ») de renforcer
son empreinte sur le marché améri-
cain, même si la démarche n’est pas
si différente de ses autres emplace-
ments. « Nous voulons participer au
maintien d’un monde rural », expli-
que Michael Burke, le patron de
Louis Vuitton. En Europe aussi,
la plupart des ateliers de la marque
se situent en milieu rural. Si LVMH
a choisi le Texas, c’est d’abord
pour son emplacement, au carre-
four d’axes nord-sud et est-ouest,
pour la qualité de sa main d’œuvre
et l’implication des collectivités
locales (fiscalement et sur les
infrastructures).
Jusqu’à 1.000 employés
Le ranch se veut un véritable lieu de
vie, symbolisant l’ancrage améri-
cain du groupe, décoré de produits
Vuitton : des clients et les salariés de
passage pourront même être héber-
gés sur place. Un enjeu d’image
essentiellement – le bétail ne four-
nira pas les peaux qui serviront aux
produits de maroquinerie, dans
l’immédiat en tout cas. Les barbelés,
les insectes et le climat du Texas n’y
sont pas propices.
« Tout est importé d’Europe, les
tanneries, les machines... La seule dif-
férence, c’est la main-d’œuvre. Mais
une fois formée, elle est de même qua-
LUXE
L’avenir de Barneys, l’enseigne de
grands magasins de luxe améri-
caine en faillite, que d’aucuns
croyaient scellé n’est plus aussi
sombre. Le distributeur a sélec-
tionné une offre de reprise présen-
tée par un consortium dirigé par
Authentic Brands Group LLC.
Propriétaire de licences de mar-
ques de mode, de célébrités et de
médias, comme Nine West, Aéro-
postale et « Sports Illustrated »,
Authentic propose d’acheter le
nom « Barneys » et d’autres actifs
en partenariat avec la chaîne de
grands magasins Saks Fifth Ave-
nue, selon Bloomberg et le « Wall
Street Journal ». Sollicités, ni
Authentic ni la société mère de
Saks, Hudson’s Bay Co., n’ont sou-
haité commenter.
Fermeture de magasins
Un représentant du distributeur en
faillite a, lui, déclaré dans un e-mail
que l’offre constitue « une recon-
naissance forte de la valeur des actifs
et de la marque Barneys ». L’offre,
déposée mercredi au tribunal amé-
ricain des faillites à Poughkeepsie,
dans l’Etat de New York, serait d’un
montant de 271 millions de dollars
et permettrait d’éviter une liquida-
tion totale de la célèbre chaîne de
luxe. Elle prévoit l’ouverture de cor-
ners Barneys dans les magasins
Saks Fifth Avenue, mais aussi la fer-
meture des sept derniers magasins
Barneys, dont ses deux sites de
Manhattan et celui de Beverly Hills.
Néanmoins, le sort de certains
d’entre eux, notamment le
« flagship » de Madison Avenue,
ferait l’objet de discussions, selon
une source anonyme citée par la
presse américaine. Lorsqu’il s’est
placé sous la protection de la loi sur
les faillites en août, Barneys avait
annoncé son intention de fermer
six de ses treize grands magasins et
de ses neuf entrepôts, et de conti-
nuer d’exploiter sept sites, dont
celui de Madison Avenue.
Si aucune autre offre concur-
rente n’est présentée avant mardi
prochain, c’est celle d’A uthentic qui
sera retenue. Si des enchérisseurs
se manifestaient d’ici là, une vente
aux enchères aura lieu le 24 octo-
bre. Un g roupe d e vétérans de l a dis-
tribution et d’investisseurs, dirigé
par Sam Ben-Avraham, fondateur
de la marque de streetwear Kith,
avait tenté de monter une offre qui
n’a pas abouti.n
Sur un marché du luxe en
petite forme aux Etats-Unis,
la célèbre chaîne de grands
magasins s’était mise en
faillite en août dernier. Le
groupe Authentic propose,
en partenariat avec Saks
Fifth Avenue, de reprendre
la marque et certains actifs.
L’offre, déposée
mercredi, serait
d’un montant de
271 millions de dollars
et permettrait d’éviter
une liquidation totale.
« Les voyageurs,
en particulier
ceux venus d’Asie,
sont très sensibles
au taux de change,
et n’hésitent pas
à réorienter
leurs déplacements
vers d’autres
destinations. »
OLIVIER ATBAN
Responsable du secteur
du luxe au Boston Consulting
Group
Les chiffres clefs
SALARIÉS
L’effectif du groupe
LVMH aux Etats-Unis,
sur un total de 156.
à travers le monde.
24 %
DU CHIFFRE D’AFFAIRES
du groupe est réalisé
aux Etats-Unis. La division
mode et maroquinerie
génère, elle, 18 % de ses
revenus outre-Atlantique.
ENTREPRISES
Vendredi 18 et samedi 19 octobre 2019Les Echos