Les Echos - 18.10.2019

(Grace) #1

Guillaume Bregeras
@gbregeras


Ce ne sont pas les 500.000 déve-
loppeurs français qui vous diront le
contraire : la demande de recrute-
ment sur ce type de profil est expo-
nentielle et ne va pas se tarir dans
les années à venir. Avec sa plate-
forme de mise en relation entre
candidats et entreprise, Talent.io
veut continuer à surfer sur cette
vague en multipliant les points de
contact avec les futures recrues et
en se développant encore davan-
tage à l’international.
Fort de ses 120 millions d’euros de
volume d’activité (montant total des
salaires annuels accordés aux
recrues) enregistrés lors des douze
derniers mois, la jeune pousse pari-
sienne vient d’ouvrir une activité en
Belgique. Pilotée pour le moment
depuis Paris, elle s’appuie sur une
poignée de résidents belges impli-
qués dans l’écosystème local,
détaille Jonathan Azoulay, cofon-
dateur et PDG de Talent.io.
« Lorsque l’on ouvre un nouveau
pays, nous participons à la commu-
nauté tech qui rassemble les talents
locaux et les entreprises qui ont
besoin d’eux. C’est pourquoi nous
avons besoin de personnes qui con-
naissent bien les deux univers. »
Cette nouvelle enclave dans la mar-
che européenne de la start-up s’est
créée après avoir déjà mis un pied
au Royaume-Uni, en Allemagne, et
récemment aux Pays-Bas. Outre-
Rhin, l’activité créée en 2017 s’y
déploie rapidement depuis Berlin,
et va se poursuivre avec l’ouverture
de bureaux à Munich et Hambourg.
« Il y a six villes en Allemagne où la
taille du marché est suffisamment


Madbox veut


concrétiser


ses premiers


succès


JEUX


Le studio parisien
de jeux sur mobile
lève 15 millions
d’euros pour
renforcer son
modèle d’automati-
sation et de création
en interne.

tissement. Bpifrance, Breega,
Daphni, Elaia, Idinvest, Korelya
Capital, One Ragtime, Raise... Au
total, 56 fonds de la place de Paris
se sont engagés jeudi à Bercy, en
présence des secrétaires d’Etat
Cédric O et Marlène Schiappa, à
mettre en place un financement
plus inclusif. Avec des objectifs
chiffrés : un quart des start-up
financées en 2025 devront être fon-
dées o u cofondées par d es femmes,
puis un tiers en 2030 et enfin, la
moitié d’ici à 2050.

Rendre les données
publiques
Sista préconise d’abord que les
fonds lancent un audit interne :
dossiers reçus de projets portés
par des femmes, montants investis
dans les start-up féminines, nom-
bre de rendez-vous, et surtout, que
ces données soient rendues publi-
ques, en étant anonymisées. Un
travail qu’Elaia, un fonds d’inves-
tissement spécialisé dans la deep-
tech et signataire de la charte, indi-
que déjà faire en interne. Ce

dernier finance entre 10 et 15 % de
start-up fondées ou cofondées par
des femmes. Des chiffres supé-
rieurs à la moyenne, puisque, en
France, les start-up mixtes ou fémi-
nines n’ont reçu que 5 % des finan-
cements en capital-risque depuis
2008 (étude Sista-BCG 2019).
C’est justement le postulat de
Sista. Favoriser la mixité dans la
sélection des projets passe, selon le
collectif, d’abord par une féminisa-
tion des équipes d’investissement,
y compris au board. En signant la
charte, les fonds s’engagent à avoir
50 % de femmes dans les équipes
d’ici à 2025, et au moins un tiers
d’associées, contre 14 % actuelle-
ment. « Il est démontré qu’une
minorité ne parvient à s’exprimer
utilement et de façon autonome
dans un groupe qu’à partir d’une
proportion de 30 % », est-il précisé
dans la charte.

Limiter les biais inconscients
Viennent ensuite des recomman-
dations de communication non
genrée dans le recrutement des

équipes, ou encore l’adoption
d’une grille de questions neutres à
poser de la même manière à tous
les entrepreneurs, hommes et
femmes. Une mesure destinée à
combattre les biais inconscients.
Selon Sista, les équipes 100 % fémi-

nines ont 30 % de chance en moins
que leurs homologues masculins
de lever des fonds. « Les études
montrent que les investisseurs ne
posent pas les mêmes questions aux
hommes et aux femmes. Ils ques-
tionnent davantage les entrepre-
neurs sur les possibles succès. Les
entrepreneuses, plutôt sur les
potentiels facteurs d’échec », indi-

que Valentine de Lasteyrie, secré-
taire générale chez Sista et asso-
ciée chez Fiblac.
Reste aussi la question du faible
nombre de femmes sur le marché.
« Comme on est sur un vivier assez
faible, il faut que derrière on tra-
vaille à ce qu’il y ait plus de start-up
dirigées par des femmes. Il faut
davantage les pousser pour qu’elles
entreprennent », revendique
Samantha Jerusalmy, associée
chez Elaia. Rappelons qu’en
France, seules 9 % des start-up
sont mixtes ou féminines. « On ne
pourra pas atteindre la parité en
une nuit. Que ce soit dans les finan-
cements ou les équipes », poursuit
Benoist Grossmann, associé chez
Idinvest Partners. Pour éviter les
effets d’annonce, Sista compte
accompagner les fonds, mais les
modalités sont encore en discus-
sion. D’ici à quelques mois, des
grandes entreprises internationa-
les qui financent des fonds et
investissent en direct pourraient
rejoindre les signataires, espère le
collectif.n

Camille Wong


Après les paroles, les actes. En
décembre 2018, Sista publiait une
tribune dans « Les Echos » pour
dénoncer les inégalités d’accès des
femmes aux levées de fonds. Un an
plus tard, le collectif d’entrepre-
neuses et investisseuses revient
avec une charte de bonnes prati-
ques à l’adresse des fonds d’inves-


FONDS


Le collectif Sista
et le Conseil national
du numérique publient
aujourd’hui une charte
de bonnes pratiques
à destination des fonds
d’investissement.


Objectif : 50 %
des start-up financées
devront être fondées
ou cofondées par
des femmes d’ici à 2050.


Des investisseurs s’engagent pour la parité


dans le financement des start-up


importante p our s’y installer, précise
l’entrepreneur. Contrairement à la
France où Paris concentre la majo-
rité de l’activité. »

Côté britannique, le marché est
plus habitué aux transferts d’un
cadre d’une entreprise à une autre
et donc beaucoup plus concurren-
tiel. De nombreux acteurs y sont
déjà présents et le géant américain
Hired, déjà e n France, s’y est i nstallé

avant Talent.io. « Les investisse-
ments marketing sont très élevés et
l’incertitude liée au Brexit a entraîné
une baisse des demandes en recrute-
ment », note Jonathan Azoulay. Ce
signal est d’ailleurs l’un des pre-
miers annonçant un ralentisse-
ment économique, ce qui pousse le
startuppeur à faire évoluer son
modèle. Jusqu’à présent, il prenait
une commission située entre 15 et
20 % sur le coût de chaque recrute-
ment. Désormais, il veut établir une
offre d’abonnement destinée aux
grands comptes : « Cette offre sera
lancée en novembre prochain, et cela
devrait nous permettre de mieux
accompagner sur le long terme ceux
qui effectuent plus de 10 recrute-
ments par an. »

Ce virage est stratégique pour la
jeune pousse dont 70 % des
5.000 entreprises clientes sont des
start-up et des PME. Si elle compte
déjà des piliers du CAC 40 comme
Safran, C rédit Agricole ou Renault,
elle doit encore en séduire davan-
tage pour se donner une chance de
devenir, un jour, un leader européen.

Une offre dédiée
aux free-lances
L’un des autres enjeux de Talent.io
est de rassembler davantage sa
communauté composée de
265.000 personnes en Europe, dont
14 % de femmes, qui se sont inscrites
sur sa plate-forme. La jeune pousse
leur dédie un événement, dont la
première édition aura lieu en

juin 2020, et qui mettra en avant des
personnalités de l’écosystème. Très
sollicitée, cette communauté esti-
mée à 6 millions de travailleurs par
Atomico, se répartit entre ceux qui
rejoignent des entreprises et ceux
qui privilégient le statut d’indépen-
dant. C’est pourquoi la start-up a
également lancé l’an dernier une
offre spécifique dédiée aux free-lan-
ces, un marché sur lequel évoluent
déjà Malt et Comet, deux pépites tri-
colores également bien financées.
Avec un total de 10 millions d’euros
levés depuis quatre ans, Talent.io
assure avoir les moyens de ses
ambitions, mais se pose la question
d’un nouveau tour de financement,
notamment en vue de la consolida-
tion inévitable du secteur.n

EMPLOI


Après l’Allemagne,
le Royaume-Uni,
les Pays-Bas, la jeune
pousse parisienne
se lance en Belgique.


Elle prépare un modèle
d’abonnement pour
faciliter la relation
avec les entreprises
qui recrutent plus de
10 profils tech par an.


Talent.io étend le champ


de sa plate-forme de recrutement


Jonathan Azoulay, cofondateur et PDG de Talent.io, lors d’une conférence devant un parterre de développeurs. Photo Sandie Boloto

Avec ses tout p remiers succès,
Madbox veut s’installer dura-
blement dans le paysage des
start-up de jeu vidéo mobile.
Si le chemin est encore long, la
jeune pousse peut s’enor-
gueillir d’avoir placé trois jeux
dans le Top 10 des télécharge-
ments sur l’AppStore aux
Etats-Unis en février dernier.
Un premier jalon qui a con-
vaincu Alven d’injecter seul
15 millions d’euros, afin
d’aider la start-up à séquencer
ses prochaines étapes.
« Nous voulons être capables
d’attirer des talents et conti-
nuer à réaliser tous nos jeux
en i nterne », explique
Jean-Nicolas Vernin, PDG et
cofondateur de Madbox.
L’entrepreneur ouvre une

filiale à Barcelone et veut
doubler la taille de son
équipe d’ici à la fin de l’année
pour atteindre 40 personnes,
notamment en recrutant des
créatifs. C e type d e profil, très
rare sur le secteur et con-
voité, est indispensable pour
l’entreprise, qui veut conti-
nuer à maîtriser en interne
l’ensemble de la chaîne de
création de ses jeux.

Vers des jeux
plus complexes
Pour le moment, elle évolue
sur la niche de l’« hyper-casual
gaming » et a franchi la barre
des 100 millions de télécharge-
ments, mais ne veut pas se
contraindre à ce type de jeu,
dont le principe est d’avoir un
déroulé et une prise en main
très simple. « L’hyper-casual
permet d’entraîner nos équipes
sur une verticale, mais nous
voudrions nous étendre à
d’autres », précise l’entrepre-
neur qui a démarré sa carrière
il y a quinze ans chez Gameloft.
Discret sur le chiffre d’affai-
res de sa société, Jean-Nicolas
Vernin assure avoir atteint la
rentabilité dès le début de
Madbox, né en juillet 2018 de
la fusion de deux studios exis-
tants. Ce qui lui laisse une
marge de manœuvre pour
continuer à affirmer l’identité
de Madbox et préparer l’ave-
nir, très incertain sur le sec-
teur. L’offensive d’Apple et de
Google dans le jeu vidéo et la
vision de Mark Zuckerberg
d’un monde sans smartphone
devraient rebattre les cartes à
long terme. « Nous sommes
agnostiques quant à la plate-
forme où évoluent nos jeux,
détaille Jean-Nicolas Vernin.
Les jeux gratuits sont une cons-
tante du divertissement et le
support nous importe peu,
nous nous adapterons aux rup-
tures technologiques à venir. »
—G. B.

La jeune pousse
peut s’enorgueillir
d’avoir placé
trois jeux dans
le Top 10 des
téléchargements
sur l’AppStore
aux Etats-Unis.

En France,
les start-up mixtes
ou féminines
n’ont reçu que 5 %
des financements
en capital-risque
depuis 2008.

70 % des
5.000 entreprises
clientes de la jeune
pousse sont des start-
up et des PME.

STARTUP


Les EchosVendredi 18 et samedi 19 octobre 2019

Free download pdf