04 // FRANCE Vendredi 18 et samedi 19 octobre 2019 Les Echos
« Les revenus de source française sont
aujourd’hui taxés de façon extrême-
ment complexe, ce qui constitue une
source d’illisibilité et d’erreurs »,
estime la députée En marche, Anne
Genetet.
Vent de fronde
La réforme adoptée l’an dernier
passe par la suppression d’une rete-
nue à la source (de 0 %, 12 % ou
20 %) qui serait remplacée par un
taux minimum de 20 % dès le pre-
mier e uro (30 % a u-delà de
27.519 euros). Les contribuables
pourraient opter pour une imposi-
tion au « taux moyen », à condition
de déclarer leurs revenus mon-
diaux. Ces nouvelles règles ont sou-
levé un vent de fronde dans les
milieux e xpatriés, où certains pour-
les effets de cette réforme, le gou-
vernement a accepté de décaler son
entrée en vigueur d’un an.
Initialement prévue pour jan-
vier 2020, la mise en œuvre inter-
viendra en 2021, le temps de pro-
duire une étude d’impact et de
corriger d’éventuels effets de bords
dans le prochain projet de loi de
Finances. « Nous avons constaté que
la réforme proposée l’an dernier ne
couvrait pas correctement certaines
situations – transfrontaliers, conven-
tions bilatérales parfois incorrectes,
entre autres – et présentait des risques
de double imposition », a défendu le
député Modem, Frédéric Petit, dans
l’hémicycle. L’A ssemblée a voté l’an
dernier une refonte de la fiscalité des
non-résidents dans l’objectif d’un ali-
gnement avec celle des résidents.
Ingrid Feuerstein
@In_Feuerstein
La réforme controversée de la fisca-
lité des non-résidents sera finale-
ment décalée d’un an. C’est la posi-
tion de compromis q ui s’est dégagée
mercredi soir lors de l’examen du
projet de loi de finances à l’A ssem-
blée nationale. Alerté par les dépu-
tés des Français de l’étranger contre
Le gouvernement a finale-
ment accepté mercredi soir
lors de l’examen du projet
de loi de finances à l’Assem-
blée nationale de tempori-
ser. Initialement prévue
pour janvier 2020, la refonte
de la fiscalité des non-rési-
dents interviendra en 2021,
énergétique (CITE) en aide directe.
Deux amendements portés par
l’exécutif ont été votés en soirée par
les députés, l’un en faveur des clas-
ses moyennes et l’autre pour cer-
tains travaux des 20 % des ménages
français les plus aisés. Un geste
mesuré néanmoins, p uisque le coût
de ces nouvelles mesures ne devrait
pas excéder 45 millions d’euros,
selon nos informations.
Une chute du nombre
de chantiers redoutée
Dans le détail, l’exécutif a d’abord
aménagé à la marge l’un des points
clefs du nouveau dispositif, à savoir
l’exclusion des 20 % de ménages les
plus aisés (au-delà d’un seuil de
revenus de 27.000 euros par an,
43.000 euros pour un couple).
Ceux-ci étaient censés ne plus b éné-
ficier du tout du CITE l’an prochain,
avant même sa transformation
complète en prime en 2021. Pro-
blème : ce sont justement ces ména-
ges qui réalisent le plus de travaux
de rénovation énergétique, repré-
sentant même l a moitié d e la
dépense fiscale.
Le risque – pointé par le secteur
du bâtiment et certains députés –
est d’aboutir à une chute drastique
du nombre de chantiers de rénova-
tion en 2020, compromettant du
coup l’objectif de 500.000 rénova-
tions thermiques annuelles. « Au
sein du groupe, beaucoup de députés
ont pesé pour réclamer un geste »,
souligne un membre important de
la majorité présidentielle. Les pres-
sions sont également venues de
Matthieu Orphelin, député écolo-
giste ex-LREM.
En réponse, le gouvernement a
donc accepté que ces Français aisés
(les deux derniers déciles de la
population en matière de revenus)
soient réintégrés partiellement au
CITE. L’amendement accorde le
droit au crédit d’impôt « pour les
travaux d’isolation des parois opa-
Renaud Honoré
@r_honore
La réforme des a ides à la rénovation
énergétique fait p artie des points l es
plus sensibles du projet de loi de
finances pour 2020 actuellement
débattu à l’Assemblée nationale.
Devant les critiques du secteur du
bâtiment e t de membres de la majo-
rité, le gouvernement a consenti ce
jeudi à des gestes censés renforcer
le nouveau dispositif, transformant
le crédit d’impôt pour la transition
BUDGET
raient être désavantagés, notam-
ment les retraités touchant une
petite pension française. Dans ce
contexte, le gouvernement a pré-
féré se donner du temps pour
mieux évaluer la réforme. Avec une
contrainte : les données manquent
sur l’impôt des 241.000 contribua-
bles t raités p ar la Direction des non-
résidents.
Pour autant, cette r efonte est sou-
haitée par le gouvernement,
comme la majorité dans un souci de
simplification. « La réforme de l a fis-
calité des Français de l’étranger doit
se faire, mais pas pour la rendre con-
fi scatoire ou difficilement supporta-
ble par l es contribuables concernés »,
a assuré le ministre de l’Action et
des Comptes publics, Gérald Dar-
manin, dans l’hémicycle.n
Fiscalité des non-résidents : la réforme reportée d’un an
ques » (les murs, le toit, les combles
et le plancher). « Ces travaux lourds,
coûteux et souvent complexes engen-
drent en effet des difficultés particu-
lières lors d e leur phase d e réalisation
alors même qu’ils ont un impact
environnemental important », justi-
fie l’exécutif.
Propriétaires bailleurs
Autre changement, sur le périmè-
tre des travaux donnant droit à une
aide pour les 80 % de ménages res-
tants. Le nouveau dispositif était
centré sur une suite de travaux
différents, mais rien n’était prévu
pour les chantiers g lobaux. L’amen-
dement voté accorde une aide de
150 euros par mètre carré habitable
pour les rénovations globales
de maisons s’apparentant à des
passoires t hermiques (classées F o u
G), pour peu que les travaux procu-
rent « un gain d’efficacité énergéti-
que de 55 % en énergie primaire »
(soit une classification C pour la
maison).
Matthieu Orphelin a salué ces
amendements, parlant « d’avan-
cées », tout en réclamant que le gou-
vernement fasse u n pas pour
inclure les propriétaires bailleurs
au dispositif. Pour l’instant, il est
seulement prévu un rapport sur le
sujet.n
lLes députés ont voté jeudi un amendement au projet de budget pour 2020.
lLes 20 % de ménages français les plus riches sont réintégrés dans le crédit
d’impôt pour la transition énergétique, mais seulement pour certains travaux.
Un geste fiscal de l’exécutif
pour les travaux d’isolation
Le gouvernement a décidé d’ajouter une aide pour les chantiers de rénovation globale des passoires thermiques valable pour 80 %
des ménages. Photo Shutterstock
RETROUVEZDOMINIQUE SEUX
DANS«L’ÉDITOECO»
À7H
DULUNDIAUVENDREDI
SUR
Léa Delpont
— Correspondante à Lyon
La semaine fut mouvementée.
Lundi soir, La République En
marche officialisait, après des
mois de tergiversations, l’inves-
titure du maire de Lyon, Gérard
Collomb, pour la campagne
des élections métropolitaines
en mars. Mardi, son premier
adjoint Georges Képénékian,
pressenti pour l’investiture du
parti à l’Hôtel-de-Ville, annon-
çait sa candidature mais dans
l’autre camp, en soutenant
le dissident LREM David
Kimelfeld, actuel président
de la Métropole.
Cet ex-dauphin devenu rival,
qui s’était vu confier le Grand
Lyon en 2017 quand le baron
avait rejoint le gouvernement,
n’entend pas rendre le fauteuil.
Il organisait son premier mee-
ting de campagne mercredi soir
devant un millier de personnes.
L’occasion, en miroir de la
conférence de presse de Gérard
Collomb convoquée en urgence
la veille, d e compter les s outiens
politiques d es deux bords. Vice-
présidents de la Métropole,
maires d’arrondissement,
adjoints à la mairie centrale,
députés de la majorité, maires
des communes métropolitai-
nes, les deux camps sont équili-
brés, en attendant le choix des
attentistes. Aucune surprise
d’un côté ni de l’autre. Une
incongruité : Prosper Kabalo,
investi par LREM à Villeur-
banne – deuxième commune
de la métropole après Lyon –
le même j our que Gérard
Collomb était au meeting de
David Kimelfeld.
EELV fait cavalier seul
L’ex-ministre de l’Intérieur a
expliqué, mardi, avoir reçu le
soutien du Modem au cours du
week-end, alors que François
Bayrou était à Lyon pour suivre
un match de l’équipe de rugby
de Pau. « Ça s’est fait dans le dos
de LREM », glisse un député.
Le maire prône à son habitude
« le rassemblement le plus large
possible », entouré d’adjoints
qui versent encore leur contri-
bution d’élus au PS et d’anciens
cadres LR. « La porte est encore
ouverte », lance-t-il à l’adresse
de David Kimelfeld. Une porte
aussitôt refermée par le prési-
dent de la Métropole dans son
discours.
Lui, tend la main à la gauche,
la droite humaniste et surtout
aux écologistes de son actuel
POLITIQUE
La République En
marche est divisée
en deux camps.
Le fief du macro-
nisme tiendra-t-il
face à ce duel
fratricide entre
Gérard Collomb
et David Kimelfeld?
Municipales :
à Lyon, la bataille
de la Métropole
est lancée
exécutif, avec qui il a créé la
« zone à faible é mission », lancé
la piétonnisation de la Pres-
qu’île et abaissé la vitesse à
70 km/h sur le périphérique.
« Qu’ils ne l’oublient pas à
l’approche des élections. » Mais
EELV, f ort d e ses 21 % a ux
européennes dans le Grand
Lyon, se sent pousser des ailes
et fait cavalier seul, derrière
le méconnu Bruno Bernard,
désigné la semaine dernière.
Gérard Collomb, souvent
taxé d e manquer de convictions
écologiques, a rappelé sa pré-
sence au premier Sommet de la
Terre à Rio en... 1992, alors à la
tête de la Fondation Jean-Jau-
rès. David Kimelfeld, soup-
çonné par ses adversaires de
cautionner la « décroissance »,
a fait monter des chefs d’entre-
prise sur scène (il en est un
lui-même) tout en appuyant
sur sa fibre sociale, manifeste
depuis trois ans.
Scrutin inédit
Les deux camps brandissent
des arguments économiques,
sociaux et écologiques assez
semblables à l’égard des Lyon-
nais e t des 58 a utres c ommunes.
Bonnet blanc et blanc bonnet?
Gérard Collomb revendique
son bilan : c’est lui le bâtisseur
de la Métropole. Il fait campa-
gne sur son nom et sa marque,
pour l’heure candidat indistinc-
tement à la Métropole et à la
Ville, deux fonctions qu’il ne
pourra pourtant plus cumuler.
C’est justement l’exercice soli-
taire du pouvoir, une critique
souvent faite au maire, qui
pousse de nombreux élus vers
David Kimelfeld : ils vantent
à qui mieux mieux sa gouver-
nance « collective », « collabora-
tive », « ouverte », « à l’écoute ».
Alors que le premier part
avec une investiture sollicitée
du bout des lèvres in extremis,
le second, qui la réclamait
depuis des mois, se lance « libre
de tous appareils politiques ». Ce
qui rappelle à un député mar-
cheur « un certain Emmanuel
Macron en 2016 ».
Reste à savoir si cette dange-
reuse scission, qui fait saliver le
ticket LR Etienne Blanc/Fran-
çois-Noël Buffet, appellera
des sanctions, à cinq mois d’un
scrutin inédit en France. Dans
la Métropole, les électeurs
devront voter d eux f ois le
même jour, au suffrage univer-
sel direct, pour élire leurs con-
seillers municipaux, d’un côté,
et métropolitains, de l’autre.n
Gérard Collomb
revendique
son bilan : c’est lui
le bâtisseur
de la Métropole.
Son ex-dauphin
David Kimelfeld est
devenu son rival.
« Amendements Ghosn » :
765 entreprises concernées
L’Assemblée nationale a voté l’obligation pour
les dirigeants d’entreprises françaises d’être domiciliés
fiscalement en France pour les groupes de plus
de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires. Le projet
de loi de finances fixait initialement ce seuil à 1 milliard
de chiffre d’affaires, mais les députés ont voté à une
très large majorité l’extension de cette mesure.
« Avec ce seuil de 250 millions, 765 entreprises et environ
1.500 dirigeants sont concernés », a indiqué Gérald
Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics,
précisant que « la très grande majorité paient
leurs impôts en France ».