10 |france DIMANCHE 20 LUNDI 21 OCTOBRE 2019
0123
Bronca des départements
contre la réforme
de la fiscalité locale
Réunis à Bourges, les congressistes
ont opposé une vive opposition au projet
bourges envoyé spécial
I
l y avait eu, un an plus tôt,
l’« appel de Marseille », l’appel
des Territoires unis à défen
dre les libertés locales. Il y aura le
« serment de Bourges », le ser
ment d’unité des départements
prononcé vendredi 18 octobre,
lors du congrès de l’Assemblée des
départements de France (ADF),
pour demander le « respect impé
ratif de leur autonomie financière
et de leur liberté fiscale ».
Sans surprise, les départements
refusent le projet de réforme de la
fiscalité locale, intégré dans le pro
jet de loi de finances pour 2020,
qui les privera, à partir de 2021, de
la part de taxe foncière sur les pro
priétés bâties, remplacée par une
fraction de TVA. Le président de
l’ADF, Dominique Bussereau, et
ses collègues ne cessent de le répé
ter : « C’est une mauvaise réforme. »
Mais les rencontres entre le gou
vernement et les représentants
des départements laissaient pen
ser que, à défaut d’un accord, il
pourrait y avoir quelques fragiles
points de convergence. C’est ce
que voulait espérer le gouverne
ment. De leur côté, M. Bussereau
et le président de la commission
des finances locales de l’ADF, Jean
René Lecerf, chefs de file de la dé
légation de l’ADF, n’étaient pas in
sensibles à certaines garanties
concédées en matière de compen
sation. Restait à en convaincre les
congressistes. La partie a tourné
au vinaigre.
Avant la réunion du bureau de
l’ADF mercredi, les groupes politi
ques de droite et de gauche de l’as
sociation se sont réunis chacun de
leur côté. Tous deux ont exprimé
une position nette de rejet des
dernières propositions gouverne
mentales. Le bureau qui a suivi a
mis en minorité les partisans de la
conciliation. La tonalité à l’ouver
ture du congrès, jeudi, était donc à
la combativité, voire à la suren
chère. « Le compte n’y est pas », ont
quasi unanimement souligné les
intervenants, tirant « un constat
d’échec des négociations ».
« Nous sommes sur une mau
vaise pente, déplore Olivier Riche
fou (Mayenne). Il y a toujours cette
volonté de nous faire disparaître.
La dévitalisation nous attend si
nous ne réagissons pas. Nous ne
pouvons pas accepter la proposi
tion du premier ministre. » Tandis
qu’André Viola (Aude), président
du groupe de gauche, se dit « très
en colère » : « On ne peut pas parler
de transfert de compétences
quand le cœur même de la décen
tralisation est atteint. Il est hors de
question d’abdiquer. » M. Lecerf
(Nord) est bien isolé quand il in
vite ses collègues à « cranter les
progrès réalisés ».
Le point nodal porte sur les
droits de mutation à titre oné
reux, autrement dit les « frais de
notaire » sur les transactions im
mobilières perçus par les départe
ments. Ceuxci réclament une
augmentation de 0,2 point du pla
fond. Le gouvernement, pour
l’heure, y est opposé. Il fait en
outre remarquer que la dispari
tion de la taxe foncière sur les pro
priétés bâties (TFPB) est rempla
cée par une recette fiscale dyna
mique et que la compensation
excédera de 250 millions d’euros
le montant des recettes de la TFPB.
« C’est la première fois qu’on sup
prime un impôt sans le remplacer
par un autre », souligne Matignon,
qui s’étonne du décalage entre « la
tonalité très constructive dans les
négociations et les propos de
tribune entendus à Bourges ».
« Les rognons couverts »
Une virulence qui masque aussi,
peutêtre, des divergences d’ap
préciation entre départements
« riches » – « qui ont les rognons
couverts », selon l’expression du
président du Sénat, Gérard Lar
cher – et les départements qui ne
bénéficient pas de la dynamique
de la TPFB et des droits de muta
tion à titre onéreux. Ces derniers
gagnent au change puisque la frac
tion de TVA qui remplace la part de
TPFB bénéficiera de la même ma
nière à tous les départements.
« La réalité, c’est que la solidarité
n’est pas naturelle, déplore un in
fluent président de département.
Certains ont secrètement l’espoir
de faire capoter l’accord du gou
vernement d’inscrire le fonds de
péréquation que nous avons voté
dans le projet de loi de finances. Le
front du refus, c’est une posture. »
En dépit de ces divergences
potentielles, la motion du bureau
de l’ADF présentée par M. Busse
reau a été adoptée à l’unanimité,
moins une abstention, celle de
M. Lecerf, avant que la ministre de
la cohésion des territoires, Jacque
line Gourault, prenne la parole.
Mission quasi impossible. Malgré
les efforts de pédagogie qu’elle
déployait, c’est devant un audito
rium déserté de la moitié des par
ticipants qu’elle achevait son dis
cours, interrompu par des sifflets
ou des huées. A Bourges, cité de
Jacques Cœur, « à cœur vaillant,
rien d’impossible », estil coutume
de dire. Mais parfois, c’est vrai
ment compliqué.
patrick roger
Stéphane Noël, nouveau président
du tribunal de grande instance de Paris
Son prédécesseur, JeanMichel Hayat, a été nommé premier président de la cour d’appel
L
e Conseil supérieur de la
magistrature a décidé jeudi
17 octobre de proposer
pour la nomination du prochain
président du tribunal de grande
instance de Paris, Stéphane Noël,
l’actuel président de Créteil.
L’information ne sera officielle
que dans une dizaine de jours,
passé le délai d’examen d’éven
tuelles contestations. Sa rivale la
plus sérieuse dans cette course à
la présidence de la plus grande
juridiction du pays était Isabelle
Gorce, présidente du tribunal de
Marseille et exdirectrice de l’ad
ministration pénitentiaire.
Depuis quatre ans à la tête du
tribunal de Créteil, M. Noël est
parvenu à améliorer le fonction
nement de cette grosse machine
francilienne, tout en n’hésitant
pas à innover comme dans le dé
veloppement volontariste de la
médiation judiciaire ou dans la
prise en charge des victimes de
violences conjugales.
Dans le cadre du Grenelle des
violences conjugales en septem
bre, Créteil a été désigné comme
site pilote en vue de généraliser
les circuits courts mis en place par
le tribunal avec le parquet et les
associations pour un traitement
rapide des demandes d’ordon
nance de protection du conjoint
victime. Ancien conseiller de
Dominique Perben à la chancelle
rie (20042006), Stéphane Noël a
laissé un souvenir amer dans le
monde judiciaire en ayant piloté,
au cabinet de Rachida Dati, la
douloureuse réforme de la carte
judiciaire de 2008.
Hasard du calendrier, c’est ce
même 17 octobre que JeanMichel
Hayat faisait son pot de départ au
tribunal de Paris. Celui qui a piloté
cette juridiction pendant le déli
cat et titanesque déménagement
dans le nouveau tribunal de la
porte de Clichy a déjà rejoint la
vieille île de la Cité où il a pris,
mardi 15 octobre, ses nouvelles
fonctions de premier président
de la cour d’appel de Paris. Il
succède à Chantal Arens, partie
présider la Cour de cassation.
Changement complet de casting
La présidence de M. Hayat a sur
tout été marquée par l’irruption
du terrorisme de masse en 2015
avec les attentats contre Charlie
Hebdo et l’Hyper Cacher puis
ceux du Bataclan et des terrasses.
Un dédoublement de la 16e cham
bre correctionnelle a été néces
saire pour faire face au volume
des procès sur les délits terroris
tes comme de ceux des candidats
au djihad en Syrie. M. Hayat ne va
pas quitter cette matière puisque
les crimes sont jugés aux assises
qui relèvent de la cour d’appel, et
les procèsfleuves des attentats de
Paris et de Nice sont annoncés
pour 2020 et 2021.
Ces dernières années ont aussi
été marquées par la création du
Parquet national financier (PNF)
en 2014. Pour juger ce nouveau
flux d’affaires souvent techni
ques, M. Hayat a créé la 32e cham
bre au tribunal de Paris, devant
laquelle se sont tenus par exem
ple les deux procès des époux
Balkany dont le second jugement
est attendu vendredi.
Dans une entente avec Eliane
Houlette, première procureure fi
nancière, le président de la juridic
tion a permis l’émergence du nou
vel instrument du PNF qu’est la
convention judiciaire d’intérêt pu
blic, une procédure qui permet de
négocier une sanction rapide des
personnes morales (les sociétés).
JeanFrançois Bohnert, qui a
pris ses fonctions à la tête du PNF
lundi 14 octobre, a indiqué lors
d’une réunion avec la presse qu’il
inscrirait son action dans la conti
nuité de Mme Houlette. Mais avec
584 dossiers en cours (+ 9 % en dix
mois) suivis par une équipe de
dixhuit magistrats, le nouveau
procureur national financier
compte obtenir de la chancellerie
des effectifs supplémentaires.
L’ancien procureur général de
Reims, qui était le candidat de la
France pour diriger le futur par
quet européen, ne sera finalement
pas si éloigné de cette matière de
la fraude aux intérêts communau
taires, car le PNF pourrait bien
abriter les deux délégués du par
quet européen pour la France.
Avec la création en juillet du
parquet national antiterroriste,
confié à JeanFrançois Ricard, et la
nomination il y a onze mois de
Rémy Heitz comme procureur de
la République, c’est donc un chan
gement complet de casting qui a
eu lieu à Paris. Mais, dans une ma
gistrature très majoritairement
composée de femmes, quatre
hommes, un président du tribu
nal et trois procureurs, ont été
choisis pour piloter cette juridic
tion emblématique.
jeanbaptiste jacquin
Pour les municipales, la gauche
marseillaise veut jouer collectif
LFI, PCF, PS, Génération.s, Place publique... une dizaine de partis
vont constituer une liste commune pour le scrutin de mars 2020
marseille correspondant
I
l s’est, tour à tour, appelé
Rassemblement inédit, puis
Mouvement sans précédent.
C’est finalement sous l’ap
pellation, moins présomptueuse
mais plus verte, de Printemps
marseillais que le collectif réunis
sant une dizaine d’organisations
politiques de gauche, des structu
res citoyennes et des représen
tants syndicaux a officialisé, ven
dredi 18 octobre, son entrée en
campagne pour les élections mu
nicipales de mars 2020.
« Nous serons la seule force poli
tique capable d’aller très haut dès
le premier tour face au RN, à LR et à
LRM », ont promis, lors d’une con
férence de presse chorale à deux
pas de la Canebière, les représen
tants de cette union. D’une même
voix, ils dénoncent « vingtcinq
ans d’incurie, d’absence totale de
stratégie en matière d’écoles, de cli
mat, de logement, de transports... »
de la municipalité de JeanClaude
Gaudin (Les Républicains, LR).
Le Printemps marseillais ne
veut pas être réduit à une simple
« union de la gauche ». « C’est con
noté, daté... Ce que nous avons ini
tié va bien audelà », assure le
communiste JeanMarc Coppola,
exviceprésident de la région Pro
venceAlpesCôte d’Azur. « Nous
ne sommes pas ici parce que des
appareils politiques l’ont décidé.
Nous avons pris nos responsabili
tés face à la situation d’urgence
que vit Marseille », pose Sophie
Camard, chef de file La France
insoumise (LFI) et suppléante du
député JeanLuc Mélenchon, qui
soutient la démarche.
Après de longs mois de discus
sions et même si Europe Ecologie
Les Verts (EELV) lui a récemment
tourné le dos, le collectif peut
s’enorgueillir d’avoir fédéré large
ment. LFI, le Parti communiste
(PCF), le Parti socialiste (PS), Géné
ration.s, Ensemble !, Place publi
que, Nouvelle Donne ou encore le
Parti de gauche ont validé leur
participation.
Côté mouvements citoyens, on
y retrouve Mad Mars, qui, il y a un
peu plus d’un an, a été à l’origine
des premiers rapprochements
entre habitants et politiques,
mais aussi des membres du
collectif contre les partenariats
publicprivé. Un mouvement de
venu symbole de la résistance à la
municipalité Gaudin depuis qu’il
a fait casser par le tribunal admi
nistratif de Marseille le plan de ré
novation des écoles, qui devait
coûter plus de 1 milliard d’euros.
Conserver l’équilibre entre poli
tiques et citoyens reste l’un des
défis du Printemps marseillais et
l’un des points que surveillent ses
détracteurs. Vendredi, à l’orée de
la conférence de presse, un petit
jeu de chaises musicales en a
montré toute la difficulté. Les élus
PCF, PS et LFI trustaient les places
centrales face aux journalistes.
Avant que l’un d’eux ne cède son
siège à Olivia Fortin, l’initiatrice
de Mad Mars.
Pour éviter de devenir ce que la
tête de liste écologiste Sébastien
Barles pointe comme « un cartel
des gauches », le Printemps mar
seillais s’est doté de règles. Son
« parlement », qui décide de la
ligne de la campagne, regroupe
34 membres, moitié citoyens,
moitié politique. « Et cela se passe
très bien », note l’astrophysicien
Jacques Boulesteix, coopté dans le
premier collège.
Volonté de ne pas personnaliser
la liste trop tôt ou hasard du
calendrier? L’entrée en campagne
s’est étonnamment déroulée en
l’absence de deux des figures du
mouvement et têtes de listes po
tentielles. Le socialiste Benoît
Payan, président du groupe d’op
position au conseil municipal, et
la conseillère départementale
Michèle Rubirola, suspendue par
EELV depuis son refus, le 5 octo
bre, de suivre l’option d’une
candidature autonome des écolo
gistes marseillais, ont toutefois
confirmé leur engagement dans
un duplex surréaliste, bricolé de
puis l’hémicycle départemental.
Eclatement « mortifère »
Les questions des têtes de liste de
secteurs (huit à Marseille) et cen
trale sont repoussées à plus tard.
Le Printemps marseillais assure
que son expérience sera « incar
née par une seule personnalité » et
non un collectif, et a déjà défini la
méthode de désignation. « Un col
lège électoral composé d’un tiers
de représentants des partis politi
ques, d’un tiers des collectifs ci
toyens et d’un tiers d’habitants si
gnataires de notre appel tirés au
sort », détaille ainsi Olivia Fortin.
Cet appel, lancé en juillet, a réuni,
à ce jour, 3 248 signataires.
D’ici à décembre, et le grand
meeting qui révélera le casting
des candidats, d’autres priorités
sont à l’agenda. Organiser une
série de trentedeux rencontres
publiques (deux par arrondisse
ment) pour se faire mieux con
naître des Marseillais, mais aussi
débusquer quelques colistiers. Fi
naliser un programme autour des
« quatre piliers fondateurs » déjà
définis « sans hiérarchie de prio
rité » : « réunifier Marseille par
l’égalité de traitement », « transfor
mer la démocratie locale pour que
la ville soit gouvernée avec ses ha
bitants », « installer une écologie
qui change la vie » et « relancer
économiquement la ville pour
qu’elle bénéficie aussi aux habi
tants défavorisés ».
Dans les prochaines semaines,
le Printemps marseillais compte
résister aux divisions, tout en
élargissant son socle. Certains
élus PS, comme l’exdéputé
Patrick Mennucci ou la con
seillère municipale Annie Levy
Mozziconacci, ont ouvert une
première faille en demandant
publiquement un vote des mili
tants socialistes concernant la
stratégie à Marseille. Initiative re
gardée avec intérêt par la séna
trice Samia Ghali, qui pense tou
jours à une candidature.
Alors qu’il a repris en coulisses
des pourparlers avec certains ca
dres d’EELV, le Printemps mar
seillais espère aussi, autre feuille
ton de la gauche marseillaise, une
jonction avec les membres du
Pacte démocratique. Cette struc
ture réunit des mouvements ci
toyens et associatifs comme la
Fondation Abbé Pierre, Emmaüs
ou le Collectif du 5 novembre, né
après les effondrements de la rue
d’Aubagne. Elle reproche au Prin
temps marseillais son manque de
diversité sociale et géographique
et une démarche trop hégémoni
que. Alors que se profilent les
commémorations des effondre
ments du 5 novembre 2018,
drame catalyseur de la colère ci
toyenne à Marseille, chaque camp
a en tête que, comme le résume
l’avocat Christian Bruschi, mem
bre du Printemps marseillais,
« l’éclatement des forces de gauche
serait mortifère ».
gilles rof
Les questions
des têtes de liste
de secteurs
(huit à Marseille)
et centrale
sont repoussées
à plus tard
A Créteil, M. Noël
a innové en
développant
la médiation
judiciaire
BÉNÉDICTE LINARD
Vice-présidente du gouvernementdelaFédération
Wallonie-Bruxelles, ministredelaCulture, de la Petite
enfance, des Droits desfemmes, de la Santé et desMédias
répond aux questions deFrançoiseJoly
(TV5MONDE)etJean-Pierre
Stroobants(LeMonde).
Diffusion sur TV5MONDE
et sur Internationales.fr
Le grand entretien
surl’actualitédumonde
Ce dimancheà12h
en partenariatavec
BÉNÉDICTE LINARD
Vice-présidente du gouvernement de la Fédération
Wallonie-Bruxelles, ministre de la Culture, de la Petite
enfance, des Droits des femmes, de la Santé et des Médias
Françoise Joly
BÉNÉDICTE LINARD
Vice-présidente du gouvernement de la Fédération
Wallonie-Bruxelles, ministre de la Culture, de la Petite
enfance, des Droits des femmes, de la Santé et des Médias
Françoise Joly
Photo
©C
hristophe Lartige
/T
V5MONDE