Le Monde - 20.10.2019

(lily) #1
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DIMANCHE 20 ­ LUNDI 21 OCTOBRE 2019

FRANCE


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L


a vaste salle 2.01 du tribu­
nal de Paris était pleine, le
box des prévenus était
vide. Patrick Balkany,
condamné à quatre ans de prison
et incarcéré le 13 septembre pour
fraude fiscale, était pourtant
attendu derrière la vitre pour as­
sister, vendredi 18 octobre, au ju­
gement de son procès pour blan­
chiment de fraude fiscale et cor­
ruption. Mais il n’a pas souhaité


  • c’était son droit – être extrait de
    sa cellule de la prison de la Santé.
    C’est donc en son absence que le
    maire (Les Républicains) de
    Levallois­Perret (Hauts­de­Seine),
    71 ans, a été condamné par la
    32 e chambre correctionnelle à cinq
    ans de prison, assortis d’un man­
    dat de dépôt, pour blanchiment
    de fraude fiscale. Bien présente
    sur le banc des prévenus, Isabelle
    Balkany, sa femme, première ad­
    jointe et maire par intérim, a,
    quant à elle, été condamnée à qua­
    tre ans de prison pour ce même
    délit, mais sa santé fragile lui évite
    l’incarcération. Elle avait été con­
    damnée à trois ans de prison lors
    du procès pour fraude fiscale.
    Les deux élus ont été reconnus
    coupables d’avoir déposé le
    produit de leur fraude « sur des
    comptes [offshore] non déclarés à
    l’administration fiscale », et de


l’avoir utilisé pour « l’acquisition
et l’embellissement de biens im­
mobiliers », en l’occurrence leurs
villas à Saint­Martin (Antilles
françaises) et Marrakech (Maroc).

« Ferme et dissuasive »
Tâchant de faire bonne figure
dans la cohue de la sortie
d’audience, Isabelle Balkany s’est
contentée d’affirmer que l’affaire
ne concernait « pas 1 centime d’ar­
gent public » mais « uniquement
notre patrimoine familial », lais­
sant planer une confusion entre
argent public détourné – il n’y en
a pas eu, en l’espèce – et argent
dont l’Etat a été privé en raison de
l’impôt éludé par le couple – soit
4,3 millions d’euros, selon le fisc.
L’austère président du tribunal,
Benjamin Blanchet, a repris mot
pour mot dans son second juge­
ment certaines formules du pre­
mier. Sur la « déchirure du pacte
républicain » et le « lourd dom­
mage occasionné à la solidarité
nationale » que constituent ces
faits ; sur leur caractère « d’autant
plus intolérable au corps social
qu’ils ont été commis par des
personnes choisies par le suffrage
universel pour incarner l’intérêt
général » ; sur la nécessité d’y ap­
porter « une réponse pénale parti­
culièrement ferme et dissuasive ».

Le parquet national financier
avait demandé sept ans contre Pa­
trick Balkany dans un réquisitoire
qui tenait compte de l’infraction
de corruption, laquelle n’a pas été
retenue par le tribunal. L’accusa­
tion soutenait que le prévenu
s’était fait offrir la villa de Marra­
kech par un richissime promoteur
saoudien, Mohamed Al Jaber, en
échange de délais de paiements
favorables dans une énorme opé­
ration immobilière à Levallois.
Compte tenu de la chronologie
des faits, de l’avantage limité que
constituait la modification de
l’échéancier, et des nombreux
contentieux juridiques qui ont
opposé M. Balkany et M. Al Jaber
dans le cadre de ce projet, le tribu­
nal a jugé qu’« il n’a pu exister [de]
pacte de corruption » entre les
deux hommes. Selon le tribunal,
la villa de Marrakech appartient
bien aux Balkany – ce que les inté­
ressés ont nié, en dépit de l’évi­

dence –, mais il n’a pas été prouvé
qu’elle s’inscrivait dans un
schéma de corruption.
Patrick et Isabelle Balkany, élus à
la tête de Levallois­Perret presque
sans discontinuer depuis 1983, se
sont par ailleurs vu infliger dix
ans d’inéligibilité – comme lors
du premier procès – et la saisie de
tous leurs biens immobiliers, y
compris le moulin de Giverny,
dans l’Eure. Ils devront, enfin, so­
lidairement avec trois autres co­
prévenus, verser 1 million d’euros
de dédommagement à l’Etat.
Face à cette peine jugée « mons­
trueuse », « jamais vue » dans une
affaire de fraude fiscale, par
Me Eric Dupond­Moretti, avocat
de Patrick Balkany, le couple a fait
appel – il l’avait déjà fait pour le
jugement de septembre.
Une demande de mise en liberté,
concernant la première condam­
nation, doit être examinée le
22 octobre. Une seconde a été dé­

posée vendredi, mais ne sera pas
forcément traitée le même jour
que la première. « Absolument rien
ne justifie qu’il soit maintenu en dé­
tention », assure l’autre avocat de
Patrick Balkany, Me Antoine Vey.
La question d’une éventuelle
confusion des peines prononcées
ne se posera qu’une fois les re­
cours épuisés. Si, à l’issue de leur
parcours judiciaire, les deux élus
étaient définitivement condam­
nés dans les deux dossiers, il leur

Isabelle Balkany
s’est contentée
d’affirmer
que l’affaire
ne concernait
« pas 1 centime
d’argent public »

appartiendrait de déposer un
recours pour tenter d’obtenir une
confusion de leurs peines qui,
sans intervention de leur part,
s’additionneraient.
Quid du destin politique du duo,
qui souhaite se succéder à lui­
même lors des municipales de
mars 2020? L’appel étant suspen­
sif, les époux Balkany pourraient
se présenter à l’élection si elle
avait lieu aujourd’hui. Si leur iné­
ligibilité était confirmée en appel


  • le second procès pour fraude fis­
    cale se tiendra en décembre, celui
    pour blanchiment et corruption
    doit encore être fixé –, il leur reste­
    rait un recours : le pourvoi en cas­
    sation, également suspensif. Au
    vu des habituels délais judiciaires,
    il est peu probable qu’un éven­
    tuelle décision de la cour de cassa­
    tion tombe avant mars 2020. Le
    prochain maire de Levallois pour­
    rait bien s’appeler Balkany.
    henri seckel


Les Balkany condamnés pour blanchiment


Le maire de Levallois­Perret et son épouse ont fait appel de leurs condamnations à cinq et quatre ans de prison


Levallois entre « dégoût »


et soutien inconditionnel


L’annonce des condamnations du couple a été
accueillie diversement par les administrés

REPORTAGE


P


lace de la République, à
Levallois­Perret (Hauts­de­
Seine), il y a sans doute plus
de journalistes que de gens du cru,
dans l’après­midi de ce vendredi
18 octobre, pour accueillir la nou­
velle de la condamnation à respec­
tivement cinq ans et quatre ans de
prison pour blanchiment de Pa­
trick et Isabelle Balkany, et leur re­
laxe du chef de corruption.
Les Levalloisiens seraient­ils
indifférents aux affaires judiciai­
res de leur maire depuis trente ans
et de sa première adjointe, qui as­
sure l’intérim? A l’entrée de l’hôtel
de ville le livre d’or de soutien au
maire est presque plein. « Mon­
sieur le maire, bon courage pour ce
temps douloureux de la déten­
tion », a inscrit un administré.
D’autres voient loin : « On vous at­
tend pour une nouvelle conquête
de la mairie! Forever. » Minoritai­
res, des messages moins favora­
bles barrent aussi les pages : « Bon­
nes vacances! C’est mérité! » ou en­
core, non signé, « Reste en taule ».

« Il n’en méritait pas tant »
Sur le parvis de la mairie, c’est fin
de marché. « Un brigand », s’ex­
clame Françoise, Levalloisienne de
toujours et « de gauche », qui se
souvient avec plaisir du temps où
la ville était communiste. « S’il se
présente, il repasse », prédit­elle,
pointant une population de
« bourgeois, bobos et retraités ». Un
ancien jardinier communal est
venu, dans l’espoir d’apercevoir
Isabelle Balkany à son retour du
tribunal, mais la première ad­
jointe a été discrète. Loin de soute­
nir les époux, il dit son « dégoût »
et son désaccord pour leur politi­
que urbaine. « C’est une ville asepti­
sée, sans vie et pas belle », juge­t­il.
D’autres sont sensibles aux rues
propres, aux quartiers rénovés,
aux animations régulières pour
enfants et seniors. « On lui souhaite
de revenir vite », conclut une pas­
sante. Philippe et Rose­Marie ac­

quiescent : « Il a un peu magouillé
mais il n’en méritait pas tant. »
« Ce jugement aggrave leur cas »,
estime le conseiller municipal
Arnaud de Courson (divers droite),
qui travaille à une alternative pour
les élections municipales de mars


  1. « La page se tourne, c’est la fin
    des Balkany », veut­il croire. Phi­
    lippe Lhaute, de l’association des
    contribuables de Levallois­Perret,
    fustige un clientélisme extrême et
    espère « la fin d’un système qui a
    trop perduré ». A gauche, deux
    élues, Anne­Eugénie Faure (PS) et
    Dominique Cloarec (EELV), appel­
    lent à la démission des époux :
    « S’ils n’ont ni la morale ni l’éthique
    pour décider d’eux­mêmes de quit­
    ter leurs fonctions, il revient au gou­
    vernement de les révoquer. »
    Du côté de la majorité munici­
    pale, en dépit des nouvelles peines
    de prison ferme prononcées, on
    préfère retenir une chose : « Il n’y a
    pas de corruption. » Isabelle Balk­
    any brandit la décision comme un
    alibi moral. Passée l’annonce du
    juge Blanchet, la première
    adjointe a rejoint l’hôtel de ville
    par la porte de derrière. Elle y offi­
    cie toujours en tant que maire par
    intérim, faute de mandat de dépôt
    requis contre elle et étant donné
    l’appel immédiat interjeté, qui
    suspend les peines d’inéligibilité.
    Au­delà des peines, les spécula­
    tions commencent. Mardi, la
    demande de remise en liberté de
    Patrick Balkany sera examinée. S’il
    sortait, rien ne l’empêcherait juri­
    diquement d’entrer en campagne,
    conformément à ce qu’il a laissé
    entendre il y a bientôt un an, lors
    d’un conseil municipal. A moins
    qu’il ne préfère encourager son
    épouse. Mais le calendrier très res­
    serré d’un procès en appel avant
    les municipales, dès le 11 décembre
    pour le volet fraude fiscale, pour­
    rait s’avérer imparable. Pourtant,
    près de la place de la République,
    certains ont déjà choisi, à l’instar
    de Martine, retraitée. « Oui, pour­
    quoi pas, on votera pour lui! »
    julie carriat


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BIO/Spirit Insight,févri er 2019.

DÉFENDRETOUT


CEQUICOMPTEPOURVOUS.


GALE

C – 26 Quai Marcel Boyer – 94200 Ivry-sur-Seine, 642 007 991 RCS Créteil.
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