16 |économie & entreprise JEUDI 24 OCTOBRE 2019
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Amazon accélère la robotisation de ses sites
Le marchand en ligne américain a inauguré un nouvel entrepôt, à BrétignysurOrge, dans l’Essonne
B
rétignysurOrge (Es
sonne), à une trentaine
de kilomètres au sud de
Paris. Passé un rond
point, une longue file de camions
commence à s’étirer sur quelques
centaines de mètres. Leur desti
nation? Le tout nouveau centre
de distribution que vient d’ouvrir
Amazon, son sixième en France.
Celuici est un peu particulier.
« Aujourd’hui, nous disposons,
dans le monde, d’une cinquan
taine de sites robotisés. Celui de
Brétigny est le premier de ce type
en France », a expliqué Ronan
Bolé, directeur France d’Amazon
Logistics, mardi 22 octobre, lors
de l’inauguration officielle.
A l’intérieur, les robots forment
une armée de 4 000 petits carrés
orange à roulettes. Autant d’uni
tés autonomes chargées, dans
cet espace de 152 000 m^2 , d’or
donner les stocks et d’aller cher
cher les articles pour les con
duire vers les employés qui en as
surent l’acheminement.
Un des principaux avantages de
cette technologie est de pouvoir
stocker jusqu’à 40 % d’objets en
plus, assure Amazon. Un entrepôt
traditionnel est quadrillé de cou
loirs afin que les équipes puissent
aller déposer ou retirer les pro
duits dans les linéaires. Les robots
permettent d’entasser les étagè
res en rang serré et de les déplacer
dès qu’un article doit être retiré.
En outre, ils sont capables de réor
donner les armoires pour que les
produits les plus demandés soient
toujours facilement accessibles,
permettant un gain de temps.
En Europe, 83 000 « amazoniens »
Mardi, Amazon a invité le secré
taire d’Etat chargé du numérique,
Cédric O, et nombre d’élus locaux
qui, depuis quatre ans, ont été as
sociés à l’ouverture de ce centre. A
la tribune, certains ont reconnu
des discussions tendues pendant
les négociations avec le groupe de
Seattle (Washington) et quelques
inquiétudes sur ses pratiques,
mais tous se sont félicités de l’im
pact économique lié à l’ouverture
de ce centre pour l’Essonne.
Amazon s’était engagé à créer
1 000 emplois en contrat à durée
indéterminée (CDI) dans les trois
ans. Il dit en avoir déjà signé 700,
sur les 3 000 personnes qui tra
vaillent dans le centre. Selon Ro
nan Bolé, le site de Brétigny de
viendra, à terme, celui qui, en
France, emploiera le plus de sala
riés en CDI, audelà de 2 500.
Cédric O – tout en rappelant au
passage les contentieux qui oppo
sent la France à Amazon sur les su
jets de fiscalité et de concurrence –
a choisi de voir dans l’ouverture
de ce centre « l’importance qu’a
pris le numérique dans les créa
tions nettes d’emplois ». « Aux
EtatsUnis, il en représente entre un
tiers et la moitié », atil assuré.
Devançant le débat sur la des
truction d’emplois par l’automa
tisation, M. O a affirmé : « Il y a six
fois plus de robots en Allemagne
qu’en France, et pourtant ils con
naissent le pleinemploi. » Et
d’ajouter : « Nous avons tout à ga
gner à jouer le jeu de cette transfor
mation. »
Régulièrement accusé de dé
ployer des technologies tueuses
d’emplois, Amazon a un argu
mentaire rodé : si elle a introduit
200 000 robots dans ses sites de
puis 2012, elle a, dans le même
temps, embauché 300 000 em
ployés, pour atteindre 650 000.
En Europe, les « amazoniens »
sont passés de 40 000 à 83 000
depuis 2015.
Mais cette croissance des effec
tifs est d’abord liée au succès de sa
plateforme de vente : le chiffre
d’affaires de son activité de com
merce en ligne a crû de 25 %
en 2018.
Pionnier de l’innovation, Ama
zon pourraitil un jour avoir des
entrepôts entièrement automati
sés? Tye Brady, l’un des princi
paux responsables d’Amazon Ro
botics, affirmait, en mai, que ce
n’était pas « la vision » de l’entre
prise de Jeff Bezos. Et de préciser :
« On ne pourrait pas faire ce qu’on
fait sans nos collaborateurs. »
Ronan Bolé assure, lui, que les
technologies de robotique utili
sées par Amazon restent assez ru
dimentaires, avec des unités mo
biles capables de communiquer
entre elles, des robots pour cons
tituer des palettes...
Mais les ambitions du groupe
américain dans l’automatisation
semblent sans limite. Depuis le
rachat, en 2012, de Kiva, l’entre
prise qui a développé les unités
mobiles, Amazon a nettement ac
céléré ses recherches sur la robo
tisation. Sa division Amazon Ro
botics explore les possibilités of
fertes par les techniques de per
ception du langage, de vision par
ordinateur, d’apprentissage auto
matique, pour améliorer le fonc
tionnement de ses centres. La so
ciété travaille aussi activement
sur des projets de véhicules auto
nomes et de drones pour achemi
ner les milliards de commandes
des consommateurs.
Reconversion des employés
Quant aux limites techniques, el
les reculent régulièrement : l’en
treprise a commencé, en juin, à
déployer des robots capables
d’empaqueter les colis. Et Jeff
Bezos a frappé les esprits en assu
rant, au même moment, que
faire attraper des objets par un
robot – une tâche difficile à exé
cuter pour une machine – « serait
un problème résolu d’ici dix ans ».
Dix ans, c’est lointain, mais c’est
aussi « proche », souligne Benoit
Berthelot, auteur du livre
Le Monde selon Amazon (Le Cher
che Midi, 240 p., 18 euros).
« D’ailleurs, Amazon a mis en
place un vaste système de forma
tion de 100 000 de ses employés
en vue de leur reconversion... Cela
montre que le groupe anticipe le
problème social que l’automatisa
tion pourrait poser », commente
le journaliste.
Annoncé en juillet, ce pro
gramme a suscité des critiques sé
vères : « La vision de Jeff Bezos est
de supprimer l’existence de tous les
bons jobs en les automatisant », a
dénoncé, dans un communiqué,
Marc Perrone, le président de
l’UFCW, syndicat nordaméricain
de salariés des secteurs alimen
taire et de la distribution. Et d’ap
peler les politiques à s’opposer au
« modèle économique brutal
d’Amazon, qui engendrera des per
tes d’emplois massives ».
De son côté, Amazon martèle
qu’il cherche toujours à recruter
et que l’automatisation crée de
nouveaux métiers : « L’occurrence
du mot robotique a été multipliée
par trente dans nos offres d’em
ploi de puis 2014 », indique l’entre
prise sur son site.
Les destructions d’emplois en
gendrées par la robotique dépas
serontelles largement les créa
tions de postes inédits? Les ex
perts divergent sur ces perspecti
ves de long terme. Mais Amazon
constitue une expérience gran
deur nature qui apportera des élé
ments de réponse à cette ques
tion cruciale.
vincent fagot
et alexandre piquard
SoftBank vole à la rescousse
du géant du coworking WeWork
Le plan de 5 milliards de dollars implique le départ du PDG
C
ette foisci, c’est la fin de
l’aventure WeWork pour
Adam Neumann. Après
avoir été évincé de son poste de
PDG, le 24 septembre, le cofonda
teur du géant américain du cowor
king perd le contrôle de sa société.
Dans le cadre de ce qu’il faut bien
appeler une opération de sauve
tage, le conseil d’administration
de la compagnie a accepté l’offre
du japonais SoftBank, son princi
pal actionnaire, qui a déjà injecté
plus de 10 milliards de dollars
(8,98 milliards d’euros) dans l’af
faire. Le conglomérat japonais va
mettre 5 milliards de dollars de
plus au pot et lance une offre
d’achat d’un montant maximal de
3 milliards. Plus qu’un investisse
ment sur l’avenir, cette opération,
qui doit permettre à SoftBank de
détenir 80 % du capital, ressemble
à la mise sous perfusion d’un pa
tient (très) malade.
De son côté, Adam Neumann va
céder environ un tiers de ses ac
tions, pour un montant de près de
un milliard de dollars, selon le
Wall Street Journal. Il devrait aussi
toucher 185 millions de dollars de
frais de consultants. A 40 ans, celui
qui fut l’un des visages les plus
fiers de l’économie numérique de
ces dernières années, va ainsi de
venir milliardaire, même s’il
s’imaginait amasser une fortune
de 1 000 milliards.
A court de liquidité, WeWork
avait un besoin urgent de finance
ment, son activité étant très gour
mande en capitaux. En 2018, le
groupe a accusé une perte de
2 milliards de dollars pour un chif
fre d’affaires de 1,82 milliard. Sa di
rection avait tout misé sur une en
trée en Bourse : au cœur de l’été
2019, la compagnie était valorisée
47 milliards de dollars.
Fuite des investisseurs
Mais, qui dit introduction en
Bourse, dit obligation de faire la lu
mière sur ses cuisines internes,
sur son fonctionnement. Or, cela a
coûté très cher à WeWork : gestion
laxiste, train de vie dépensier des
dirigeants, confusion entre les in
térêts privés du PDG et ceux de
l’entreprise, le tout avec des pers
pectives de profits très lointai
nes... Devant un tel tableau, les in
vestisseurs ont fui. Le projet de
mise sur le marché a été ajourné,
et la valorisation s’est effondrée à
8 milliards de dollars à peine.
Pour reprendre en main l’acti
vité de la société, le nom de Mar
celo Claure est pressenti. Charge à
cet ancien dirigeant de l’opérateur
Sprint et proche du patron de Soft
Bank, Masayoshi Son, de tracer un
nouveau projet d’entreprise. De
puis longtemps, le modèle écono
mique, fondé sur de la relocation
d’espaces commerciaux, est con
testé. Car, contrairement à ce qu’a
longtemps martelé la direction,
WeWork n’est pas une entreprise
de la nouvelle économie, où la lo
gique de plateforme et les écono
mies d’échelle doivent permettre
de générer des bénéfices. En fait,
WeWork a seulement modernisé
un business de location d’espaces
de travail, certes avec des locaux
plus attrayants et fonctionnels,
mais sans trouver la solution pour
réduire le coût de leur location.
Certains actifs considérés moins
stratégiques vont être mis en
vente. Un plan de licenciement
massif – que WeWok n’a pu lancer
jusquelà vu la faiblesse de ses fi
nances – devrait aussi être rapide
ment mis en œuvre, touchant en
viron 15 % des 12 500 employés.
L’exemple WeWork devrait faire
date, jetant un doute sur la valori
sation des startup les plus en vue
de la planète tech. Au mieux, la
saga WeWork ramènera les inves
tisseurs à la raison. Au pire, elle les
plongera dans la panique.
vi. f.
Le centre d’Amazon,
à BrétignysurOrge
(Essonne),
mardi 22 octobre.
PHILIPPE LOPEZ/AFP
Si, depuis 2012,
le groupe
a introduit
200 000 robots
dans ses sites, il a
aussi embauché
300 000 salariés
A É R O N A U T I Q U E
737 MAX : éviction
du patron des avions
commerciaux de Boeing
Boeing a annoncé, mardi
22 octobre, l’éviction du res
ponsable de sa division
d’aviation commerciale
(BCA), Kevin McAllister, pre
mier départ d’un cadre diri
geant depuis le début de la
crise du 737 MAX, immobilisé
au sol depuis la mimars,
après deux accidents rappro
chés ayant fait 346 morts.
M. McAllister est remplacé
immédiatement par Stan
Deal, salarié du groupe de
puis 1986, et jusquelà à la
tête de la division proposant
différents services (mainte
nance, formation des équipa
ges...) de l’avionneur.
T O U R I S M E
Une offre pour
reprendre des agences
de Thomas Cook France
Havas Voyages a fait une offre
commune avec quatre autres
candidats (le groupe Sainte
Claire, Salaün Holidays, Kara
velle et Le Vacon) pour re
prendre une grosse partie des
agences de voyage de Tho
mas Cook France, indique Le
Figaro, mercredi 23 octobre.
La société, qui compte
780 employés, est en redres
sement judiciaire depuis le
1 er octobre. Des offres de re
prise pouvaient être dépo
sées jusqu’à mardi 22 octobre
au soir, et seront examinées
le 5 novembre par le tribunal
de commerce de Nanterre.
L’affaire de dopage Salazar
fait tomber le patron de Nike
M
ark Parker assure que son départ « n’a absolument
rien à voir » avec la polémique Salazar, cette affaire de
dopage qui l’éclabousse, ainsi que le groupe, depuis
près d’un mois. Le directeur général de Nike a annoncé, mardi
22 octobre, qu’il quitterait son poste en janvier 2020, après qua
torze années passées aux manettes de la société de Beaverton
(Oregon). Il sera remplacé par John Donahoe, expatron d’eBay,
qui siège au conseil d’administration de Nike depuis 2014.
De fait, la marque à la virgule cède aux injonctions de l’Agence
américaine antidopage (Usada). A la suite de la suspension,
pour quatre ans, de l’entraîneur américain Alberto Salazar pour
incitation à une conduite dopante, le groupe avait annoncé ces
ser de financer son camp d’entraînement Nike Oregon Project
(NOP). Mais cette décision n’a pas suffi à amadouer Travis
Tygart, patron de l’Usada.
Après six ans d’enquête, l’Usada a mis au jour « l’organisa
tion » de M. Salazar et ses « incitations à une conduite dopante
interdite » : injections trop importan
tes d’acides aminés, qui détruisent les
graisses, application de gel de testosté
rone sur ses propres fils... L’agence a
aussi révélé plusieurs courriels mon
trant que, en 2011, M. Parker était au
courant de l’avancée des recherches
du NOP et que, en 2009, il avait invité
un médecin du projet à « déterminer la
quantité minimale d’hormone mascu
line requise pour déclencher un test positif ».
Depuis, le numéro un de Nike réfute toute incitation au do
page et explique que le groupe souhaitait éviter à ses athlètes
d’être testés positifs à la suite de l’application d’un « gel de tes
tostérone à leur insu ». Une ligne de défense raillée par l’Usada.
Son patron avait estimé, en octobre, que Nike « n’avait plus le
droit de trouver d’excuses » et l’avait incité à réagir. C’est chose
faite. Le groupe américain qui, sous la houlette de M. Parker, a
enregistré une forte croissance pour atteindre 39,1 milliards de
dollars (35 milliards d’euros) de chiffre d’affaires en 2018, a an
noncé qu’il demeurerait président exécutif de son conseil d’ad
ministration aux côtés de Philip Knight, son fondateur.
juliette garnier
MARK PARKER SERA
REMPLACÉ DÉBUT
PAR JOHN DONAHOE,
EXDIRIGEANT D’EBAY