Le Monde - 24.10.2019

(Jacob Rumans) #1
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JEUDI 24 OCTOBRE 2019 flottes d’entreprise| 3

Haro sur les SUV


Les 4×4 urbains, très à la mode, sont pointés du doigt : plus lourds, ils consomment et polluent plus


D


écidément, pour les fabricants
de voitures, les ennuis volent en
escadrille. Après le diesel et le
dioxyde de carbone (CO 2 ), un
nouveau front hostile s’ouvre :
une campagne anti­SUV qui,
cette fois, cible non pas directement les émis­
sions du moteur des automobiles, mais la forme
de leur carrosserie et leur poids. Une petite musi­
que monte inexorablement pour fustiger les
Sport Utility Vehicles, ces 4×4 urbains qui repré­
sentent 38 % des parts de marché en France (34 %
en Europe et plus de 40 % aux Etats­Unis ou en
Chine). De 2012 à 2018, leur part dans les imma­
triculations des sociétés a triplé dans l’Hexagone,
selon l’Observatoire Arval de la mobilité, spécia­
liste du véhicule d’entreprise. En France, le sym­
bole du SUV, c’est la Peugeot 3008, une des auto­
mobiles best­sellers des flottes professionnelles,
première de sa catégorie depuis 2017.
Le « SUV bashing », qui incubait depuis l’été,
s’est cristallisé à la mi­septembre lors du Salon
de l’automobile de Francfort. Une étude de
Greenpeace, publiée juste avant la fête de l’auto­
mobile allemande, pointait du doigt la responsa­
bilité des 4x4 urbains dans les émissions mon­
diales de CO 2 ces dernières années ; ces véhicules
étant souvent plus lourds que les berlines et leur
silhouette moins aérodynamique.
Une étude de l’Agence internationale de
l’énergie (AIE), parue le 16 octobre, est venue
confirmer les affirmations de Greenpeace, en
établissant que les SUV ont été la deuxième
source d’augmentation des émissions de CO 2
dans le monde entre 2010 et 2018, après le sec­
teur de l’énergie, mais avant l’industrie lourde
(acier, ciment...), les poids lourds ou l’aviation.
En Allemagne, l’opinion s’est mobilisée vers la
mi­septembre (une manifestation au salon de
Francfort a réuni 20 000 militants anti­voitures),
après qu’un accident de la circulation impliquant

un SUV Porsche avait fait quatre morts dont un
enfant en bas âge, à Berlin. En plus d’être soup­
çonnés d’être des tueurs de climat, les SUV ont
aussi été accusés d’être des tueurs tout court.
Massifs, ils feraient de gros dégâts lorsqu’ils quit­
tent leur trajectoire, et la position de conduite
haute ne faciliterait pas la perception des pié­
tons et des cyclistes.

Menaces de malus et de taxes
En France, c’est sur le terrain législatif et régle­
mentaire que les attaques se concentrent. Début
octobre, plusieurs députés (dont certains LREM)
ont proposé d’ajouter au projet de loi de finances
2020 un malus sur le poids du véhicule, en plus
de celui existant portant sur les émissions de
CO 2. Pour le moment, en vain. Ils se sont inspirés
d’une note de France Stratégie, un think tank
gouvernemental, recommandant un malus pour
les véhicules lourds et un bonus pour les plus lé­
gers. De son côté, la Mairie de Paris envisage sé­
rieusement de pénaliser le stationnement des
voitures lourdes et encombrantes.
Les industriels de l’automobile ont de quoi
s’inquiéter. Ces derniers réalisent aujourd’hui
l’essentiel de leurs profits grâce à ces engins,

vendus plus cher que les berlines, mais pas réel­
lement plus coûteux à fabriquer. « Le SUV est le
cœur du réacteur de l’industrie automobile, expli­
que Nicolas Meilhan, économiste et auteur de la

note de France Stratégie. Et c’est un problème : les
marges des constructeurs sont proportionnelles
au poids des véhicules qu’ils fabriquent. »
Les industriels voient venir ces nouvelles bar­
rières avec quelque agacement. « On ne fait pas
des grosses voitures pour le plaisir de faire des
grosses voitures, expliquait Carlos Tavares, le
président de PSA, au salon de Francfort. On a
compris que les consommateurs se sentaient,
dans ces voitures, plus en sécurité que dans les

petites. Et, en plus, ces véhicules offrent une
bonne habitabilité. Tout cela explique pourquoi
ils ont, aujourd’hui, remplacé les monospaces. »
Et les patrons de l’automobile de défendre la li­
berté de leurs clients. « Cela pose une vraie ques­
tion de société, renchérit M. Tavares, qui est
aussi président de l’Association des construc­
teurs européens d’automobiles (ACEA). Si de­
main quelqu’un vous dit : les SUV, vous arrêtez,
c’est terminé, après­demain, il vous interdira les
voyages en avion, de manger telle ou telle nourri­
ture ou de partir en vacances à plus de 100 kilo­
mètres de chez vous. » Et le PDG de PSA de pour­
suivre : « Jusqu’à quel point le citoyen européen
acceptera­t­il de se faire dicter son mode de vie
par un courant de pensée qui se focalise sur l’ob­
jet de mobilité, et sur ce qui sort de son tuyau
d’échappement, sans regarder l’ensemble du cy­
cle de vie : la production d’énergie, la production
des composants, l’extraction des matières pre­
mières, le recyclage. » Pour Carlos Tavares, « il ne
faut pas regarder les SUV avec un œil critique,
mais si vous voulez avoir un œil critique ration­
nel sur ces véhicules, il faut les regarder sous un
angle plus large que le seul objet SUV ».
éric béziat

Les industriels


de l’automobile réalisent


l’essentiel de leurs


profits grâce à ces engins


Une conversion


à la carte


Les loueurs longue durée ont développé


des solutions d’aide au passage


vers l’électrique dans les flottes


P


our aider les flottes à
prendre la route de la
transition énergétique,
les loueurs de véhicules
multiplient les prestations de
conseil et d’analyse des parcs
automobiles de leurs clients. « De­
puis 2013, nous conseillons nos
clients avec notre solution Alpha
Electric, qui permet de prendre en
compte les usages de leurs flottes »,
explique Stéphane Crasnier, PDG
d’Alphabet France. Ce loueur lon­
gue durée procède en effet à l’ana­
lyse d’un parc automobile grâce à
l’apport d’un outil GPS embarqué
à bord des véhicules des clients in­
téressés. Celui­ci permet, à partir
des remontées de données, de
déterminer et d’identifier les vé­
hicules susceptibles de passer du
thermique à l’électrique.
Le loueur LeasePlan propose,
de son côté, une offre complète
de location longue durée inté­
grant des solutions de bornes de
recharge adaptées aux besoins
des collaborateurs : à domicile,
avec remboursement automati­
que pour le conducteur ; au bu­
reau, en intégrant le pilotage
énergétique et une carte de re­
charge pour le réseau public.
« Nos équipes commerciales sont
formées sur l’expertise qu’atten­
dent nos clients, indique Jérôme
Conrad, président de LeasePlan
France. Des missions d’accompa­
gnement consulting sont égale­
ment proposées, pour atteindre
des résultats durables en termes
de réduction d’empreinte carbone,
mais également de coûts. »
Selon Ferréol Mayoly, directeur
général d’Arval France, un autre
loueur, « au­delà de l’analyse des
parcours réalisés par les véhicules
d’une flotte, il est aussi nécessaire

de prendre en compte la situation
du collaborateur, selon qu’il inter­
vient comme technicien, mana­
geur ou commercial de l’entre­
prise. Un modèle hybride ne s’uti­
lise pas comme une voiture 100 %
électrique. De plus, une entreprise
qui met à disposition une vérita­
ble offre électrique doit installer
des bornes de recharge sur son site
mais aussi, éventuellement, au
domicile de son collaborateur ».

Test de quelques mois
Arval France propose à ses
clients, dans le cadre d’un contrat
de location, de tester un véhicule
électrique pendant trois à six
mois et de le restituer sans péna­
lité si la solution ne convient pas.
De même, il complète son offre
avec la possibilité de bénéficier,
en complément, d’un véhicule
thermique pendant une durée
déterminée, afin de répondre à
des besoins ponctuels de déplace­
ments plus longs, notamment le
week­end ou durant les vacances.
Une formule que développe
également le loueur ALD Auto­
motive avec son offre ALD
Switch, qui accorde aux colla­
borateurs d’une entreprise un
véhicule électrique accompagné
d’une mise à disposition, durant
soixante jours par an, d’un véhi­
cule thermique. ALD Automotive
vient par ailleurs de mettre sur
pied une cellule de Business In­
telligence, pour accompagner
l’arrivée des véhicules électriques
et hybrides dans les flottes, et te­
nir compte également de l’intro­
duction de la connectivité et de la
demande de mise en place de
bornes de recharge électrique
dans le parc de ses clients.
jean­pierre lagarde
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