Le Monde - 24.10.2019

(Jacob Rumans) #1

4 |flottes d’entreprise JEUDI 24 OCTOBRE 2019


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Entre hybride et


pur électrique,


il faut choisir


Avant de convertir sa flotte d’entreprise,


il est nécessaire d’évaluer les besoins des salariés


et de respecter les critères de coût


D


u haut de leurs 2 100 m dans
les Alpes suisses, les cols du
Saint­Gothard, de la Furka et
du Grimsel sont par nature
hostiles à la circulation de
véhicules électriques. Ils ont
beau ne pas être équipés de bornes de re­
charge, ils n’effraient pourtant plus les
conducteurs des nouvelles voitures, qui
disposent d’une autonomie accrue et dont
les batteries se rechargent avec une éton­
nante facilité.
Entre Zurich et Milan, à bord du nouveau
Mercedes EQC 100 % électrique, dès
l’amorce des premiers cols, l’autonomie de
400 km disponible tend à fondre comme
neige au soleil. Cependant, alors qu’il redou­
tait la « coupure » de courant en haut du
Saint­Gothard, le conducteur se retrouve avec
plus de 100 km d’autonomie au bas de ses
pentes. Magique! Grâce aux commandes de
l’accumulateur d’énergie au volant, l’exercice
en descente consiste à faire varier le niveau

d’intensité de la récupération d’énergie ciné­
tique afin que celle­ci recharge les batteries.
En quelque sorte faire jouer le frein moteur
plutôt que la pédale de frein. Ce système, qui
fonctionne aussi en milieu urbain, est un
argument supplémentaire en faveur de la
conversion des flottes d’entreprise.

Bien plus petite mais tout aussi véloce, la
nouvelle Peugeot 208, dans sa version électri­
que qui sera commercialisée en fin d’année,
encourage aussi cette pratique. Le construc­
teur de Sochaux annonce même des coûts
d’utilisation identiques avec la version ther­
mique : 326 € par mois pour un contrat de lo­
cation portant sur 40 000 km et quarante­
huit mois. Plus cher à l’achat, le modèle élec­
trique se rattrape par des coûts d’entretien et
d’énergie nettement moins élevés. Selon
Anne­Lise Richard, en charge des véhicules
électriques de Peugeot, « pour 80 % des auto­
mobilistes qui parcourent en moyenne 50 km
par jour, une charge suffit pour chaque se­
maine d’utilisation, pour un coût inférieur à
9 € ». 50 km, c’est aussi l’autonomie pure­
ment électrique que proposent aujourd’hui
les voitures dotées de la technologie hybride
rechargeable, à condition toutefois de rechar­
ger régulièrement leurs batteries.
Toutefois ces avancées technologiques ne
suffiront pas : l’équipement des entreprises
en bornes de recharge et la formation des
conducteurs seront nécessaires. Car les re­
tours d’expérience ne sont pas toujours posi­
tifs. « Nous avons souvent été surpris de cons­
tater lors de la restitution d’un modèle hybride

en fin de contrat de location que les câbles de
recharge du véhicule n’avaient jamais été utili­
sés », confie­t­on par exemple chez Mercedes.
Autrement dit, l’utilisateur avait bénéficié du
bonus écologique mais ne circulait jamais en
mode purement électrique.

Au cas par cas
Ainsi, pour Gérard de Chalonge, directeur
commercial et marketing du loueur Athlon,
« une formation des conducteurs à la conduite
d’une voiture hybride s’impose. Car un mo­
dèle hybride rechargeable doté aujourd’hui
d’une autonomie électrique de 50 km répond
aux besoins quotidiens des automobilistes
mais à condition qu’ils puissent recharger
leurs véhicules à leur domicile ou sur leur lieu
de travail ».
Les entreprises doivent également bien cer­
ner les besoins de leurs salariés. Comme l’ex­
plique Stéphane Crasnier, PDG du loueur
Alphabet, « pour choisir entre une voiture hy­
bride et un modèle électrique, les entreprises
doivent se pencher sur les usages des véhicules
et sur les facilités d’accès à une prise de re­
charge accordées aux collaborateurs. Si ces
derniers y ont accès et ne font pas de kilomé­
trages importants, le véhicule électrique est

alors recommandé. Si, à l’inverse, l’accès est
plus difficile et les kilométrages réalisés plus
mixés avec de l’usage en ville et occasionnelle­
ment de longues distances à parcourir, alors
un modèle hybride s’impose ».
Il reste que pour être sélectionnés par les en­
treprises, les véhicules électrifiés doivent
d’abord répondre aux critères de coûts impo­
sés. L’Arval Mobility Observatory, think tank
qui compare notamment chaque année les
coûts de possession (TCO) des modèles, cons­
tate par exemple que dans la catégorie des ci­
tadines, les coûts d’usage de la Renault Zoe
électrique demeurent plus élevés que ceux de
sa cousine thermique, la Renault Clio. Idem
dans la catégorie des grands SUV premium,
où le DS7 Crossback e­Tense hybride rechar­
geable ne parvient pas, lui non plus, à s’impo­
ser face aux coûts d’utilisation moins élevés
proposés par les versions essence ou diesel de
ce modèle. A l’inverse, la Peugeot 508 SW hy­
bride rechargeable commercialisée dans quel­
ques semaines s’impose largement face à son
équivalent diesel. C’est bien au cas par cas et
en fonction de leurs usages respectifs que les
entreprises vont devoir faire leur choix entre
voitures électriques et hybrides.
jean­pierre lagarde

Les utilitaires se branchent au réseau


Alors que les camionnettes sont soumises au nouveau protocole de test des émissions, les modèles électriques se multiplient


L


es véhicules utilitaires légers
(VUL) ne passeront plus au tra­
vers. Jusqu’à présent, fourgons
et fourgonnettes échappaient à
la douloureuse réévaluation de leurs
consommations de carburant et de leurs
émissions de CO 2. Désormais, tout
comme les voitures particulières, les VUL
de moins de 3,5 tonnes sont soumis au
nouveau protocole de test introduit par
la norme WLTP (Worldwide Harmonized
Light Vehicles Test Procedure). Depuis le
1 er septembre, les nouveaux modèles
sont immatriculés selon cette procédure
et les chiffres de consommation de car­
burant et des émissions de CO 2 obtenus
seront communiqués aux consomma­
teurs à partir du 1er janvier 2020.
L’opération est loin d’être neutre. Sur
le marché automobile, en passant de la
norme NEDC (New European Driving
Cycle) au protocole WLTP, le même véhi­
cule a vu ses émissions de CO 2 augmen­
ter de 34,9 g/km en moyenne. Calculée
sur ces données, la fiscalité s’est envolée

et perturbe le marché des flottes depuis
le début de l’année. Selon certains spécia­
listes des utilitaires, le passage du NEDC
au WLTP entraîne une hausse du taux de
CO 2 et de la consommation comprise
entre 10 et 50 %. Heureusement pour les
artisans, les commerçants et l’ensemble
des entreprises, ces utilitaires ne sont
pas assujettis à la taxe sur les véhicules
des sociétés (TVS) et au malus, dont les
montants sont indexés sur ces valeurs.
En revanche, la norme WLTP va avoir
un impact direct sur le Total Cost of
Ownership (TCO), le coût total de pos­
session d’un véhicule. Avec des consom­
mations de carburant plus fidèles à la
réalité et revues à la hausse, les TCO
vont s’envoler. De plus, les données des
différents modèles ne vont pas évoluer
de la même manière. Par conséquent,
les gestionnaires de flottes vont devoir
se livrer à une nouvelle étude de marché
pour départager les offres.
Les modèles électriques constituent
une alternative intéressante pour aider

les entreprises à réduire leur consom­
mation de carburant et à continuer à
travailler dans les zones à circulation
restreinte (ZCR). Problème, les utilitaires
zéro émission se comptent encore sur
les doigts d’une main. Modèle histori­
que dynamisé à ses débuts par les
achats de La Poste, le Renault Kangoo
Z.E. reste en tête des ventes. Il s’en est
écoulé 2 664 exemplaires au premier
semestre. La camionnette devance la
Renault Zoe en version société deux
places (943) et le Nissan e­NV200 (473).

Un marché encore embryonnaire
Mais, avec une offre limitée, le marché
de l’utilitaire électrique reste embryon­
naire. Même si elles ont progressé de
18 % de janvier à août dernier par rapport
à la même période de 2018, les ventes re­
présentent seulement 1,7 % du marché
global des VUL. Les freins sont déjà bien
identifiés : la rareté des modèles disponi­
bles, un réseau de points de recharge pu­
blics à la densité encore trop faible et une

autonomie incompatible avec certaines
utilisations. Le prix reste également un
obstacle, même si le coût de l’énergie et
de l’entretien permet de faire pencher in
fine la balance en leur faveur.
A Paris, Chronopost dispose d’une flotte
de 190 véhicules électriques pour livrer
ses colis. Le modèle choisi, un Nissan
e­NV200 de 8 m^3 , affiche une autonomie
de 300 kilomètres. L’entreprise a investi
20 millions d’euros. D’ici à 2022, 30 mil­
lions d’euros supplémentaires vont être
mobilisés pour mettre de 1 200 à 1 500 vé­
hicules propres en service dans les gran­
des villes françaises. « Si nous ne chan­
geons pas de modèle, souligne Martin
Piechowski, son président, nous serons
bannis des villes et nous ne pourrons plus
exercer notre métier. »
Si les voitures électriques ont illuminé
le dernier Salon de l’automobile de
Francfort en septembre, les construc­
teurs commencent tout juste à élargir
leur offre de camionnettes. Seul modèle
d’origine étrangère à entrer dans le

top 10 des meilleures ventes toutes éner­
gies confondues, le Fiat Ducato s’enrichit
d’une version électrique. Le fourgon
transalpin offrira plusieurs formats de
batteries avec des autonomies allant de
220 à 360 km. Doté des mêmes volumes
de chargement que son homologue ther­
mique, ce Ducato Electric n’est autre que
le cousin des Peugeot Boxer et Citroën
Jumper, dont les versions électriques ont
été présentées au Salon des véhicules
utilitaires de Birmingham, en avril.
Ce segment des grands fourgons électri­
ques commence à véritablement s’étof­
fer avec les récentes arrivées des Renault
Master Z.E. et Iveco Daily Electric et la
prochaine venue du Mercedes eSprinter.
Son lancement est prévu dans la foulée
de celui de l’eVito, dont les premières li­
vraisons ont lieu en cette fin d’année.
Les professionnels disposent d’une offre
plus étoffée pour limiter l’impact envi­
ronnemental de leurs déplacements et
anticiper les restrictions de circulation.
éric gibory

« Si les salariés ont accès


à une borne de recharge


et roulent peu,


le véhicule électrique


est alors recommandé »
stéphane crasnier
PDG du loueur Alphabet
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