Le Monde - 24.10.2019

(Jacob Rumans) #1
0123
JEUDI 24 OCTOBRE 2019 flottes d’entreprise| 5

La recharge des batteries en net progrès


Les réseaux de bornes se développent et les avancées technologiques permettent de faire le plein plus vite


L


a faible densité du ré­
seau public de bornes
de recharge constitue
l’un des principaux
freins à une conversion
massive aux véhicules
électriques et hybrides rechargea­
bles. Selon l’Association nationale
pour le développement de la mobi­
lité électrique, Avere­France, la
France comptait, au 10 avril der­
nier, 25 880 points de recharge
accessibles au public, soit une pro­
gression de 29 % sur un an et une
prise pour 6,8 voitures électriques.
L’Ile­de­France est la mieux dotée,
avec 3 823 points de charge, suivie
par l’Occitanie (3 255) et la Nouvelle­
Aquitaine (3 024). Fort de ce résul­
tat, le gouvernement se félicite
d’être en avance sur l’objectif
d’une borne pour dix véhicules.
Mais la France compte seulement
250 000 véhicules électriques et
hybrides rechargeables alors que le
gouvernement table sur 1 million
d’unités à l’horizon 2022.
Pour tenir leur cap d’un point
de charge pour 10 véhicules,
les autorités publiques visent
100 000 points ouverts à tous à
l’horizon 2022. En parallèle, Enedis
estime à 180 800 le nombre de pri­
ses privées d’ores et déjà installées
dans les maisons et les immeubles
d’habitation ou de bureaux et le
gouvernement estime que 12 mil­
lions de ménages ne disposent pas
de places de parking privatives.
Selon différentes estimations, entre

80 % et 90 % des recharges se font
au domicile ou au travail et 10 % sur
les infrastructures publiques.
Pour accélérer le déploiement des
bornes, le gouvernement a mis en
place plusieurs mesures. Une offre
d’installation sera systématique­
ment proposée lors de l’achat d’un
véhicule. Dans les copropriétés, le
délai d’installation devra passer de
six à trois mois. Les entreprises peu­
vent, quant à elles, offrir gratuite­
ment la recharge à leurs salariés. Et
sur le marché des flottes, les règles
fiscales de l’avantage en nature vont
évoluer pour renforcer l’attractivité
des véhicules électriques.
Malgré ces mesures, le Conseil
national des professions de l’auto­
mobile critique sévèrement le pro­
jet de loi de finances 2020 et de­
mande l’instauration d’un disposi­
tif de soutien pour aider les entre­
prises à s’équiper d’infrastructures.
Car parmi les différents axes de
progrès de la mobilité électrique, la

recharge est sans doute le plus pro­
metteur. Parmi les premiers chan­
tiers en cours, la recharge rapide
sur autoroute : lorsque le futur
standard de borne à 350 kW sera
généralisé, l’autonomie complète
pourra être récupérée en une ving­
taine de minutes. En France, Ionity,
le consortium créé par BMW,
Daimler, Ford et Volkswagen, a déjà
commencé à équiper le réseau
Vinci Autoroutes : 400 points de
charge de ce type vont être installés
en Europe d’ici à 2020.

Roue de secours du réseau
A plus long terme, les véhicules
électriques pourront se passer de
câble pour récupérer de l’énergie,
grâce à la technologie de l’induc­
tion : l’électricité passera d’une pla­
que installée au sol ou sur la voie
publique à une autre fixée sous le
véhicule. Selon Renault, le surcoût
de cette technologie atteint encore
5 000 euros par voiture. Ses ingé­

nieurs cherchent aujourd’hui à
ramener le coût à 1 000 euros pour
une commercialisation possible à
l’échelle du grand public.
Dans un futur plus lointain, l’in­
duction permettra au véhicule de
se recharger automatiquement en
roulant. Renault mène des expéri­
mentations avec un Kangoo lancé à
50 km/h. Mais l’importance des in­
vestissements nécessaires à l’équi­
pement des routes repousse la mise
en œuvre de cette technologie.
La recharge intelligente est tout
aussi prometteuse. En France, un
parc roulant de 1 million de véhi­
cules électriques mobiliserait seu­
lement 1 % de la consommation
d’électricité. Seules les périodes de
pics de consommation pourraient
poser problème. Pour y remédier,
la recharge intelligente permet­
trait de solliciter le réseau pen­
dant les heures creuses, quand
l’énergie est disponible et les prix
au plus bas.

Les ingénieurs envisagent déjà la
prochaine étape, la recharge bidi­
rectionnelle ou V2G (vehicle to grid,
« véhicule au réseau »). Dans cette
configuration, la batterie de la voi­
ture conserve 20 kWh d’autono­
mie pour alimenter la maison pen­
dant les heures de pointe de la soi­
rée (une famille de 4 à 5 personnes
consomme en moyenne moins de
10 kWh par jour) et récupère toute
son énergie au cours de la nuit. Le
gain financier peut atteindre 200 à
250 euros par an.
« Grâce à cette technologie, les
électriciens ne considèrent plus le
véhicule électrique comme un ris­
que mais comme une opportunité
pour stabiliser les réseaux », remar­
que Gilles Normand, directeur de
la division électrique pour le
groupe Renault. Ces nouveaux
usages pourraient permettre au
véhicule électrique de s’imposer
enfin à une grande échelle.
e. gi.

Les quatre


options


technologiques


Pour passer à l’électrique, les entreprises


ont différents choix possibles


E


lectrique, « full hybrid »,
hybride rechargeable ou
« mild hybrid » : entre ces
différentes technologies,
le choix des constructeurs auto­
mobiles n’est pas tranché ; celui
des entreprises non plus. Revue
de détails.

Le « mild hybrid » ou hybride
léger Cette technologie, qui va se
généraliser dans les prochains
mois, permet une économie de
carburant de près de 10 % grâce à
l’apport d’une assistance électri­
que de 12 ou 48 volts sur un mo­
teur thermique lors du démar­
rage et des phases d’accélération.

Le « full hybrid » ou hybride
classique Toyota est le champion
incontesté de cette technologie,
qui associe un moteur à essence
et un moteur électrique. Ces véhi­
cules embarquent également une
batterie qui ne se recharge pas
sur prise électrique mais unique­
ment grâce à l’énergie cinétique
développée au freinage, n’offrant
que quelques kilomètres d’auto­
nomie électrique.

L’hybride rechargeable ou
Plug­in Ce système réunit lui
aussi un traditionnel moteur
thermique et un moteur électri­
que. Ce dernier est toutefois ali­
menté par une batterie d’une
puissance suffisante (de l’ordre
de 14 kWh) pour procurer une
autonomie d’environ 50 km en
mode totalement électrique. Les
prochains modèles proposés
par les constructeurs devraient
même permettre d’en parcourir
une centaine.
L’intérêt de cette technologie
est de permettre de recharger

les batteries sur une prise
(Plug­in) ou une borne. Mais
lorsque celles­ci sont vides et
que seul le moteur thermique
fonctionne, la consommation
d’essence de ces modèles s’en­
vole en raison du surpoids dû
aux batteries embarquées. En
outre, le prix d’achat de ces véhi­
cules est élevé.
Les hybrides rechargeables réu­
nissent le meilleur des deux mo­
des (le mode thermique pour les
longues distances et l’électrique
pour circuler en milieu urbain).
Toutefois, lors de leur homologa­
tion selon le nouveau protocole
WLTP, leur consommation et
leurs émissions polluantes sont
mesurées durant la phase de dé­
marrage, au cours de laquelle
l’énergie électrique est prédomi­
nante. Ces modèles sont ainsi
annoncés pour des consomma­
tions moyennes très faibles (sou­
vent de moins de 2 l/100 km) et
avec des niveaux d’émissions de
CO 2 qui les place à l’abri du malus
écologique. La puissance cumu­
lée indiquée est, elle, surévaluée,
à plus de 300 ch.

Le 100 % électrique Les voitures
100 % électriques sont chères à
l’achat, notamment en raison du
coût de leurs batteries. L’autono­
mie de ces modèles « zéro émis­
sion » gagne du terrain, dépas­
sant désormais les 400 km, ce qui
multiplie les possibilités d’utili­
sation par des entreprises. Cer­
tains constructeurs annoncent
des autonomies portées au­delà
de 600 km, mais il s’agit de mo­
dèles haut de gamme embar­
quant à bord un nombre impor­
tant de batteries.
j.­p. l.
Free download pdf