Monde
C
e n’est pourtant pas
un jeu. Le ministre
britannique au Brexit
Michael Gove a reconnu di-
manche sur Sky News avoir
parié une somme d’argent
avec son collègue à la Santé
Matt Hancock. Le sujet du
pari? La date du Brexit.
Pour Gove, il aura bien lieu
le 31 octobre, ce que continue
à répéter le Premier ministre
Boris Johnson. Hancock, lui,
a parié le contraire, ce qui en
dit peut-être long, ou pas, sur
sa confiance dans son propre
gouvernement.
«Pourri gâté». Finalement,
Boris Johnson n’est ni mort,
ni dans un fossé. Le 5 sep-
tembre, il avait dit préférer fi-
nir «mort dans un fossé» que
de demander une extension
de l’article 50, soit un report
du Brexit, à l’Union europé-
enne. Samedi soir, le prési-
dent du Conseil européen,
Donald Tusk, a sobrement
pris acte de la réception de la
demande du gouvernement
win, a dit «être désormais der-
rière le gouvernement».
Mais un nouvel obstacle s’an-
nonce. La loi est susceptible
de faire l’objet du dépôt de
plusieurs amendements,
dont l’examen et le vote
prennent du temps. Keir
Starmer, le «monsieur Brexit»
du Labour, a déjà évoqué un
amendement qui obligerait
le gouvernement à soumettre
la loi à un référendum de
confirmation. Autrement dit,
un vote qui demanderait aux
Britanniques d’approuver, ou
pas, le Brexit concocté par
Boris Johnson.
Sarcastique. La semaine
au Parlement, mais aussi
dans les rues de Londres où
des centaines de milliers de
personnes ont défilé samedi
contre le Brexit, s’annonce
une nouvelle fois très tendue.
Samedi, après les débats aux
Communes, plusieurs dépu-
tés de tous bords, les conser-
vateurs Michael Gove et Ja-
cob Rees-Mogg, mais aussi la
travailliste Diane Abbott,
sont sortis de Westminster
avec une lourde escorte poli-
cière, sous les invectives
d’une foule hostile, pro ou
anti-Brexit. Quelques minu-
tes plus tôt, Theresa May
s’était levée pour appeler à
voter en faveur de l’accord et
lancer, un rien sarcastique :
«Les yeux du pays, en fait du
monde entier, sont fixés sur
nous [...] et j’ai comme une
impression de déjà-vu.»•
Dernier épisode
en date de la saga :
Boris Johnson,
poussé par son
Parlement, a d’un
côté demandé un
délai à Bruxelles,
tout en continuant
à affirmer que
le Royaume-Uni
larguerait bien
les amarres
le 31 octobre.
Par
Sonia Delesalle-
Stolper
Correspondante à Londres
Photo
Marc Chaumeil
Dans un pays où la politique est,
d’habitude, une merveille de
tournures ambiguës et policées,
la lettre non signée de Boris
Johnson passe mal.
A Beyrouth,
la colère populaire
La reculade du gouvernement li-
banais sur la taxation des appels effectués via Whats-
App n’a pas calmé la contestation, alimentée par le
chômage et le rejet des politiques. Reportage en ima-
ges dans la capitale, Beyrouth, auprès des manifes-
tants qui réclament la démission du gouvernement.
Photo Stéphane Lagoutte. MYOP
LIBÉ.FR
britannique pour un nou-
veau délai. Il devrait se don-
ner jusqu’à au moins mardi
matin pour consulter les
chefs d’Etat et de gouverne-
ment de l’UE sur la réponse à
apporter à cette demande.
Mais les Vingt-Sept n’ont au-
cune envie de se précipiter,
tant ils sont conscients de
l’imprévisibilité de la politi-
que britannique.
Boris Johnson a bien tenté de
pimenter, ou compliquer, sa
demande d’extension en
envoyant non pas une mais
trois lettres au Conseil euro-
péen. La première, non
signée, était une copie de la
lettre demandant une exten-
sion contenue dans la loi
Benn prévue à cet effet. La
seconde était une missive de
Sir Tim Barrow, ambassa-
deur du Royaume-Uni au-
près de l’UE, qui expliquait
que la loi obligeait le gouver-
nement à envoyer cette de-
mande. La troisième, de
deux pages, était, elle, signée
personnellement par Boris
Johnson. Elle disait, en gros,
qu’il ne jugeait pas «utile»
une nouvelle prolongation et
se disait «confiant» de pou-
voir faire adop-
ter la loi sur le
retrait de l’UE
avant le 31 octo-
bre. Et ce même après le nou-
veau camouflet de samedi au
Parlement, qui constituait sa
huitième défaite, sur neuf,
depuis son arrivée à Dow-
ning Street, le 24 juillet. Son
seul succès à ce jour date
du 15 octobre et l’adoption de
normes environnementales
européennes dans la loi bri-
tannique, ce qui, en soi, ne
manque pas de sel.
Dans un pays où la politique
est, d’habitude, une merveille
de tournures ambiguës et po-
licées, et où les questions de
décence, politesse et civilité
sont, en principe, au cœur de
tout, la lettre non signée de
Boris Johnson passe mal. Elle
est perçue comme une in-
sulte, un doigt d’honneur à la
fois au Parlement britanni-
que, mais aussi aux Europé-
ens. Ces derniers ne s’en sont
pas émus outre mesure. Pour
eux, ce qui compte est l’envoi
par le gouvernement britan-
nique d’une demande d’ex-
tension de l’article 50. Point.
La signature, manuscrite ou
pas, importe peu. John
McDonnell, numéro 2 du La-
bour, a qualifié le geste de
Johnson de réaction «de gosse
pourri gâté». Et un recours
devant un tribunal écossais
devrait examiner lundi si la
lettre non signée peut être
considérée comme illégale, ce
dont doutent la plupart des
juristes.
Escorte. La suite de la saga
Brexit reste encore, toujours,
imprévisible. Ce lundi, le
gouvernement pourrait ten-
ter de refaire voter sa motion
sur l’accord conclu avec
Bruxelles, à condition que le
speaker John Bercow, prési-
dent de la Cham-
bre des commu-
nes, l’autorise, ce
qui n’est pas ac-
quis. A défaut, le gouverne-
ment a prévenu qu’il intro-
duirait devant le Parlement
dès mardi l’ensemble de la loi
de retrait de l’UE (dans la-
quelle la motion sur l’accord
devrait alors être incorporée)
avec la ferme intention de la
faire voter rapidement. Le
ministre des Affaires étrangè-
res, Dominic Raab, a affirmé
dimanche que le gouverne-
ment disposait désormais du
nombre de voix nécessaires
(320) pour faire voter la loi. Sa
confiance tient à ce que plu-
sieurs députés qui ont voté
samedi en faveur de l’amen-
dement – qui a entraîné la
demande d’extension – ont
promis de voter pour, mainte-
nant qu’ils sont assurés
qu’une sortie sans accord est
exclue le 31 octobre. Même
l’auteur de l’amendement,
l’ex-conservateur Oliver Let-
Le Brexit n’en finit
pas de finir
Manifestation contre le Brexit, à Londres samedi.
L’histoire
du jour
10 u Libération Lundi^21 Octobre 2019