Libération - 21.10.2019

(Tuis.) #1

U


ne sorte de marronnier. La
question se pose inlassable-
ment à chaque fois qu’une
élection pointe son nez : la gauche
va-t-elle s’unir? Les municipales
approchent et la réponse reste en
suspens. Les tractations se multi-
plient entre les chefs de famille et
les concernés dans les grandes et

Un ennemi (communiste) de Mé-
lenchon – et ils sont nombreux –,
quelque peu revanchard, se marre :
«LFI esquive cette échéance électo-
rale parce qu’elle sait que ses chan-
ces sont nulles. Ils ne peuvent pas
­gagner des villes seuls et ils ne sont
plus centraux à gauche. Localement,
on peut s’organiser sans eux et
d’ailleurs, si l’on regarde bien, les
­insoumis sont ouverts au dialogue,
ce n’est plus eux qui bloquent la dy-
namique de rassemblement.»

Liste ouverte si verte
Les regards et les reproches se tour-
nent vers une autre famille. Pour
cause, le dernier scrutin européen
a redistribué les cartes. Les écolos
ont la main. Toute la gauche leur
tourne autour. Des propositions, des
papouilles, des regards doux. Mais
les Verts tentent de se tenir à dis-
tance. Et ça agace. Yannick ­Jadot ré-
pète à l’envi que sa famille politique
n’est pas de gauche mais écologi-

Par
Rachid Laïreche

éditorial


Par
Paul Quinio

Illisibles


stratégies


Un parti présidentiel qui ne dis-
pose d’aucune assise locale so-
lide, une droite toujours groggy
après son échec aux dernières
européennes, une gauche qui
n’a toujours pas vraiment en-
tamé son travail de reconstruc-
tion : le paysage politique à quel-
ques mois des élections
municipales est inédit. Ce scru-
tin local est par définition multi-
facettes, compte tenu de l’im-
portance que prennent les
microclimats politiques locaux
ou la personnalité des candi-
dats. Une analyse nationale des
résultats municipaux s’avère
souvent difficile. Ce sera sans
nul doute le cas en mars pro-
chain. Les effets de la bombe
à fragmentation balancée par
Emmanuel Macron en 2017 sont
difficiles à anticiper localement.
Seule certitude, malheureuse-
ment : la présence en embus-
cade du Rassemblement natio-

nal, dont l’implantation locale
progresse scrutin après scrutin.
Pour le reste, c’est le grand bazar
des hôtels de ville. Emmanuel
Macron y a intérêt. La droite dé-
capitée croise les doigts pour
préserver l’essentiel de ses gains
de 2014. Et la gauche, elle, est en
train de rater le coche. Car para-
doxalement, ce scrutin était
pour elle une occasion rêvée de
poser les bases de son renou-

veau. Comment? En mettant
les questions d’environnement
au cœur de tout. Elles sont cen-
trales dans les préoccupations
des électeurs. Surtout, les élus
­locaux sont en première ligne
pour penser concrètement la
transition écologique. C’est
­évident dans les grandes villes,
mais vrai aussi ailleurs. Le com-
bat pour sauver la ­planète se
joue bien sûr lors de sommets
internationaux, et dépend
­évidemment des dirigeants
des grandes puissances.
Mais le pouvoir des maires est
loin d’être anodin sur des
­questions politiques cruciales
comme les transports, l’habitat,
l’urbanisation... A ce ciment
vert de proximité, la gauche
a préféré se perdre un peu plus
dans de vains combats parti­-
daires et d’illisibles stratégies
­d’alliance ou de non-alliance.
Dommage.•

Événement


MUNICIPALES


A gauche, oui ou

non à l’union?

Des socialistes moins hégémoniques depuis 2017, des


insoumis moins sûrs d’eux après la claque des


européennes, des écologistes qui cognent un peu moins


sur leurs concurrents... Mais toujours des egos, des


rancœurs et des ambitions. La gauche peut-elle


s’entendre pour rebondir aux élections de mars?


petites villes. Chaque patelin a sa
vérité. Parfois, la gauche se parle et
s’allie. D’autres fois, elle s’affronte
et s’abîme. Premier constat à
cinq mois du scrutin : la dynamique
n’est pas folle. Un socialiste, qui
maîtrise la carte électorale sur le
bout des doigts, dessine le paysage
actuel : «La gauche résiste sur les ter-
ritoires. Et elle a de grandes chances
de conserver les villes de Paris, Lille,
Nantes, Rennes, Grenoble ou Cler-

mont-Ferrand. Le souci, c’est qu’elle
n’est pas en capacité de gagner de
nouvelles grandes villes, peut-être
qu’il y aura une ou deux surprises
mais pas beaucoup plus, alors qu’elle
pourrait faire un carton en s’alliant
dès le premier tour.»
En coulisses, certains s’agitent pour
faire bouger leur petit monde. L’in-
soumise Clémentine Autain et la
communiste Elsa Faucillon, qui ont
lancé cet été leur «big-bang de la

gauche», ne nient pas les difficultés.
Mais elles y croient encore un peu.
«Après les européennes, j’étais très
inquiète mais depuis la rentrée, le
parfum est meilleur. Les gens se par-
lent et surtout ils écoutent», souffle
Autain. Le duo se déplacera le 19 no-
vembre à Limoges et le 30 à Nantes
pour faire dialoguer la gauche. Un
député socialiste : «Pour que ça mar-
che, il faut gérer les egos au niveau
national, les querelles locales et les
traditions de chaque parti.»
Un exercice pas simple. Mais en po-
litique, les choses évoluent à grande
vitesse. On se souvient de l’été après
la présidentielle. La France insou-
mise avait la plus belle des mines
et de grosses ambitions : Jean-Luc
Mélenchon et les siens se voyaient
déjà rafler quelques grandes villes
(Montpellier, Lille, Marseille...).
Deux ans plus tard, le mouvement
a revu ses objectifs à la baisse. Les
insoumis ont une nouvelle straté-
gie : soutenir les listes citoyennes.

2 u Libération Lundi^21 Octobre 2019

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