Libération - 21.10.2019

(Tuis.) #1
Si des rapprochements entre
le PS et LFI sont possibles
dans certaines communes,
leurs leaders Olivier Faure
et Jean-Luc Mélenchon,
ici à l’Assemblée le 16 janvier,
n’entendent pas faire d’accord
national. Photo Denis ALlard

U


ne prise de distance en douceur :
en 2017, le Parti socialiste avait mis
quelques mois avant de s’éloigner offi-
ciellement de La République en marche. Après
la présidentielle, les roses ne savaient pas trop
si Emmanuel Macron était un ami ou un

terministériel à la prévention et à la lutte contre
la pauvreté des enfants et des jeunes. Plusieurs
militants grenoblois s’opposent à cette déci-
sion. Le maire sortant, l’écologiste Eric Piolle,
observe la situation avec un petit sourire :
«J’étais disponible pour discuter avec le PS et
travailler avec eux. Mais ils préfèrent présenter
un candidat macroniste.» Le porte-parole so-
cialiste, Pierre Jouvet, en charge des élections
municipales au sein de son parti, ne détourne
pas le regard. «Je peux comprendre les interro-
gations mais j’ai échangé à plusieurs reprises
avec Olivier Noblecourt et je n’ai aucun doute :
il est clairement de gauche et en opposition avec
la politique du gouvernement», répond-il avant
de dénoncer un «faux procès».
Les socialistes font également face à une situa-
tion étrange. La République en marche sou-
tient trois de ses candidats – à Clichy-sous-Bois
(Seine-Saint-Denis), au Creusot (Saône-et-
Loire) et à Bourg-lès-Valence (Drôme). Olivier
Faure détaille à Libération : «Ce n’est pas moi
qui ai contacté La République en marche pour
qu’ils nous soutiennent. Mon rôle, c’est d’inves-
tir des candidats de gauche et en opposition au
gouvernement. Nous ne ferons aucun accord
d’appareil avec LREM.» Le premier secrétaire
du PS se permet même de faire de l’humour :
«Si Macron et son parti estiment que les candi-
dats PS sont les meilleurs, il peut tous les soute-
nir, ça ne me dérange pas.»

«Foutre la pagaille». Le hic, c’est que la si-
tuation ne fait pas marrer tout le monde. La fé-
dération socialiste de Seine-Saint-Denis voit
rouge. Elle refuse «l’alliance avec En marche
à Clichy-sous-Bois» et demande à Olivier Faure
de lever «l’ambiguïté». Vendredi, en fin d’après-
midi, la fédération a publié un communiqué :
«Nous n’avons rien à voir, ni de près ni de loin,
avec En marche. Pour nous, le Parti socialiste
n’est pas destiné à devenir un supplément d’âme
de la macronie, mais doit se reconstruire sur des
bases politiques clairement de gauche. Nous ne
pouvons accepter l’écart qui se creuse entre les
discours de notre direction et ses actes.»
Pierre Jouvet s’agace de cette offensive venue
de Seine-Saint-Denis. «C’est une situation irra-
tionnelle. Si La République en marche s’amuse
à nous soutenir c’est leur problème pas le nôtre.
Le maire de Clichy, Olivier Klein, est un gars de
chez nous, c’est un vrai socialiste», argumente-
t-il. Selon lui, l’édile de Clichy-sous-Bois est vic-
time d’un «lynchage par principe» et met en
avant l’ambiance «très tendue» entre socialistes
en Seine-Saint-Denis. Un argument qui risque
de tomber à la flotte si le parti d’Emmanuel Ma-
cron annonce, dans les prochaines semaines,
son soutien à d’autres candidats du PS.
Un député socialiste guette la situation avec
une «petite boule» au ventre. Persuadé que
LREM fera «le maximum pour foutre la pa-
gaille», à gauche comme à droite, histoire de
rendre «illisible» l’issue des municipales na-
tionalement afin de «masquer leur mauvais ré-
sultat» à venir. L’élu prévient sa direction :
«Pour le moment LREM soutient trois socialis-
tes, et un membre du gouvernement a décidé
d’être candidat à Grenoble. Ce n’est pas très
grave. Partout ailleurs, nous sommes face
à Macron et la droite. Mais il ne faudrait
pas que ces cas se répètent car on risque de
brouiller un peu plus notre message qui a déjà
du mal à passer.»
R.La.

­ennemi. Le temps a clarifié la donne. Depuis,
le premier secrétaire, Olivier Faure, crie cha-
que fois qu’il le peut sa rivalité au gouverne-
ment. Une position saluée par les autres fa-
milles de gauche. Au Palais-Bourbon, les
députés PS travaillent régulièrement avec in-
soumis et communistes.

Situation étrange. Mais à cinq mois des mu-
nicipales, un léger soupçon s’invite. La faute à
certaines décisions de la direction socialiste.
A Grenoble, par exemple, Olivier Faure devrait
officialiser dans les prochains jours la candida-
ture d’Olivier Noblecourt, l’actuel délégué in-

Au PS, des incartades


avec LREM qui


«brouillent le message»


Un délégué interministériel
investi à Grenoble et des
socialistes soutenus par
LREM... Le parti, qui dit
s’opposer à la majorité, est
soupçonné de frayer avec elle.

que. Et quelques jours après son joli
petit score aux européennes (13,48 %
des voix), le leader médiatique
d’Europe Ecologie-les Verts a donné
le ton en ciblant quelques objectifs :
Paris, Nantes et Rennes, trois villes
dirigées par des femmes socialistes.
Depuis, Jadot a un peu fait marche
arrière. L’eurodéputé cogne un peu
moins sur les maires de gauche.
«C’était contreproductif et surtout il-
lisible», s’énerve un dirigeant
d’EE-LV, qui rappelle la stratégie :
une liste ouverte à tout le monde
à condition qu’elle soit verte.
A l’heure actuelle, on compte
39 candidats écolos sur les 40 villes
de plus de 100 000 habitants. Un
proche de Yannick Jadot décrypte :
­«Les configurations changent. Il y
a des endroits où le candidat est
­soutenu par les écolos et d’autres,
comme à Grenoble, où certains par-
tis de gauche sont derrière nous.
Le seul endroit où un écologiste a dé-
cidé de soutenir un Suite page 4


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