Cinquième nuit
d’affrontements entre
manifestants et forces
de l’ordre, samedi
à Barcelone.
Photo Pierre Berthuel.
Le Pictorium
Monde
Depuis l’annonce,
le 14 octobre,
du verdict
condamnant
neuf leaders
sécessionnistes à
de lourdes peines,
Barcelone
est le théâtre de
manifestations
marquées par
les heurts.
L’expression
d’un sentiment de
frustration et d’une
incompréhension
grandissante entre
séparatistes et
«espagnolistes».
D
imanche matin, place de Catalo-
gne à Barcelone, une employée
municipale chargée du net-
toyage efface tant bien que mal un tag
peint en grosses lettres noires sur la de-
vanture du Corte Inglés, une chaîne de
magasins espagnole : «Justice = shit». Un
peu plus loin, rue de Fontanella, on
constate les dégâts des violences com-
mises tout au long de la semaine, ayant
causé des dizaines de blessés et d’arres-
tations : portes d’immeubles défoncées,
vitrines de magasins explosées à coups
Par
François
Musseau
Envoyé spécial
à Barcelone
Reportage
de barres de fer, tronçons entiers de trot-
toirs défoncés et dont les pavés ont en-
suite été utilisés comme armes par cer-
tains manifestants... Et puis de nom-
breux graffitis revendicatifs, comme
celui-ci : «Si l’Etat espagnol ne nous re-
connaît pas et nous attaque, alors nous
contre-attaquerons !»
Des dizaines de curieux viennent cons-
tater les dégâts, Barcelonais de souche
ou pas, visiteurs pour la plupart interlo-
qués. Nicolas, un Argentin de 34 ans ré-
sidant ici depuis 2004, s’effraie : «Moi,
je pensais jusqu’ici vivre dans une ville de
paix et de modération, et ce genre de
vandalisme me rappelle celui que j’ai
vécu dans mon pays pendant la crise éco-
nomique du début des années 2000.
J’avoue que cela me fait peur pour l’ave-
nir de cette société, de ce pays.» Il y a
deux ans, en octobre 2017, la violence
était déjà de mise à Barcelone, notam-
ment lors du référendum d’autodéter-
mination ou de la déclaration symboli-
que d’indépendance. Mais, depuis le
verdict du Tribunal suprême, lundi,
condamnant neuf leaders sécessionnistes
à des peines de prison allant de neuf à
treize ans, la colère a éclaté et une étape
a été franchie dans l’escalade.
Frustration et désespérance
«On n’avait jamais vu cela, dit un poli-
cier national. Des jeunes prêts à aller au
corps à corps avec nous, à chercher à
nous faire mal physiquement avec des
armes nouvelles, voire à vouloir nous
tuer.» Dans la nuit de vendredi à samedi,
dans cette même zone de Barcelone (au-
Entre Catalans, la fracture
est consommée
6 u Libération Lundi^21 Octobre 2019