10 // MONDE Lundi 14 octobre 2019 Les Echos
D’ores et déjà, la hausse du mercure
depuis la fin du XIXe siècle s’est révé-
lée 20 % plus rapide autour de la
« Grande Bleue » que la moyenne
mondiale, s’établissant à environ
1,5 degré. Cette poussée de fièvre va
se poursuivre, marquée par des
vagues de chaleur plus importantes
et plus durables. Particulièrement
dans les villes où le réchauffement
ambiant est amplifié. Immanqua-
blement, l’intensification et l’allon-
gement des périodes de canicule
vont jouer sur les pluies. « Dans le
sud et l’est de la Méditerranée, les pré-
cipitations pourraient diminuer de
20 % si on contient l e réchauffement à
+2 degrés par rapport à la fin du
XIXe siècle, et de 40 % si on ne fait
rien », indique Joël Guiot, directeur
de recherche au CNRS et contribu-
teur aux travaux du MedEcc. Une
situation que les pays du nord de la
région ne devraient pas avoir à con-
naître, mais il y a encore de larges
incertitudes. Conséquence : les
réserves en eau risquent de s’effon-
drer. Entre 20 % et 60 % de la res-
source disponible dans le « Sud
méditerranéen » pourrait disparaî-
tre si rien n’est fait pour limiter le
réchauffement. Et même en conte-
nant la hausse du mercure, il y aura
de la casse! A + 2 degrés, l’extrême
limite fixée par l’Accord de Paris sur
le climat, les réserves pourraient
diminuer de plus de 20 % au sud de
la grande bleue et de 10 % à 13 % en
moyenne sur tout son pourtour.
Cette raréfaction de l’eau potable
va se trouver amplifiée par un autre
facteur, sa salinisation. « Les aquifè-
res côtiers seront davantage contami-
nés par l’eau de mer, dont le niveau va
s’élever », explique Joël Guiot. Dans
le meilleur des cas, celui où les
21 Etats riverains de la Méditerranée
prendraient des engagements
ambitieux de réduction de leurs
émissions de CO 2 et les tiendraient,
la montée des flots atteindrait
60 centimètres contre 80 à 100 cen-
timètres si le scénario du « laisser-
faire » devait prédominer.
Tension sur l’agriculture
Cette montée extrême des eaux
« mettrait en péril les moyens de sub-
sistance d’au moins 37 millions de
personnes en Afrique du Nord », esti-
ment en effet les scientifi-
ques. D’ores et déjà, 180 millions de
Méditerranéens ne disposent pas
Joël Cossardeaux
@JolCossardeaux
Il va faire de moins en moins bon
vivre à proximité de la Méditerra-
née. « Sans mesure d’atténuation
supplémentaire, la température
régionale augmentera de 2,2 degrés
d’ici 2040, pouvant d épasser
3,8 degrés dans certaines sous-
régions d’ici 2100 », viennent
d’annoncer les représentants
du MedEcc, un réseau de plus de 80
scientifiques de la région Euro-
Méditerranéenne, qui débattaient à
Barcelone des conclusions prélimi-
naires d’un rapport dont la version
finale doit être livrée l’an prochain.
CLIMAT
Propos recueillis par
Catherine Chatignoux
@chatignoux
Moins que le nombre brut de tou-
ristes, c’est la qualité de l ’offre et des
services que le gouvernement grec
souhaite développer dans les pro-
chaines années. Le tourisme n’est
pas le moindre des t errains
d’action quand on sait que ce sec-
teur représente environ 20 % du
PIB et emploie 25 % de la popula-
tion active.
Vous dites vouloir faire
entrer le tourisme grec
dans une nouvelle ère.
Qu’est-ce que cela signifie?
Cela veut dire que nous ne cher-
chons plus à accroître encore le
nombre de visiteurs qui viennent
en Grèce. Nous avons atteint des
records ces dernières années et le
poids du tourisme finit par mettre
la pression sur nos infrastructures.
Nous devons nous pencher davan-
tage sur la valeur ajoutée apportée,
en améliorant la qualité des servi-
ces, la durée des séjours et l’argent
dépensé sur place.
d’été mais tout le reste de l’année, ils
disposent de très importantes capa-
cités d’accueil. Nous accueillons
6 millions de touristes en août et
600.000 en janvier. Nous devons
ouvrir l’offre de séjours car la Grèce
ne doit plus être seulement syno-
nyme de « sea, sun and sand ». Nous
avons d’innombrables sites cultu-
rels, religieux, des stations de ski, de
la gastronomie et nous devons déve-
lopper de nouvelles destinations,
comme le Péloponnèse ou la Macé-
doine et rééquilibrer les flux au gré
des saisons. Ainsi le tourisme diffu-
sera dans l’ensemble du pays au lieu
de rester concentré sur les sites les
plus connus.
Dans quels secteurs souhaitez-
vous attirer les investissements?
Nous avons besoin d’investisse-
ments, notamment à Athènes qui
doit encore améliorer son offre et
peut accueillir beaucoup plus de
touristes. Dans d’autres endroits,
on a besoin d’infrastructures pour
apporter l’énergie, l’eau et mieux
gérer la gestion des déchets. Mais
nous avons aussi e n tête d’assurer la
soutenabilité du secteur. Nous
devons gérer notre succès dans ce
domaine. Le tourisme doit pouvoir
continuer à produire de la richesse
pour les générations à venir.
Quelle sera votre première
mesure?
Elle devrait concerner la plongée
sous-marine. La loi prévoit que l’on
La Grèce va-t-elle atteindre un
nouveau record d’arrivées?
2019 devrait être une année de stabi-
lisation. Il y a eu l’hiver chaud dans
le Nord de l’Europe et une certaine
stabilisation de la situation au Pro-
che-Orient qui a ramené les touris-
tes vers l’Egypte, la Tunisie et la Tur-
quie où la livre a beaucoup chuté. La
Bulgarie et la Croatie sont aussi
devenues de solides concurrents.
Sur les huit premiers mois de
l’année, le nombre d’arrivées est en
très légère hausse, de 0,6 %, soit
24 millions de touristes à comparer
à 30 millions pour toute l’année
- La bonne nouvelle, c’est q ue les
revenus touristiques, eux, ont aug-
menté de 13,6 %. C’est sur cette voie
que nous voulons nous engager.
Quelle sera votre stratégie?
L’activité touristique est trop con-
centrée en Grèce. Les hôtels sont
archicomplets durant les deux mois
HARIS THEOHARIS
Ministre grec
du Tourisme
« La Grèce ne doit
plus être seulement
synonyme de “Sea,
sun and sand”. Nous
avons d’innombrables
sites culturels,
religieux, d es
stations de ski,
de la gastronomie... »
Il a dit
Getty Images
Le Tage quasi asséché, à Guadalajara, dans le centre de l’Espagne. L’allongement des périodes de canicule vont jouer sur les pluies. Photo Manu Reino/SOPA Images/ZUMA
d’eau en quantité s uffisante
(1.000 m^3 par habitant et par an). Ils
devraient être plus de 250 millions
« pauvres en eau » dans vingt ans.
Enfin, cet assèchement risque de
poser un problème de sécurité ali-
mentaire dans certaines zones.
L’agriculture ne peut pas se passer
de l’irrigation. Or non seulement
l’eau se fait moins abondante, mais
elle est de plus en plus disputée en
raison de la pression démographi-
que de plus en plus forte qui s’exerce
sur le littoral méditerranéen et de sa
gestion, souvent anarchique. « D’ici
2050, les villes méditerranéennes
représenteront la moitié des 20 villes
du monde qui subissent les domma-
ges annuels les plus importants dus à
l’élévation du niveau de la mer », aler-
tent les chercheurs du MedEcc.n
lSelon un groupe d’experts, la hausse de la température moyenne dans le bassin méditerranéen,
déjà très supérieure à la moyenne mondiale, devrait atteindre 2,2 degrés dans vingt ans.
lPlus de 250 millions de personnes pourraient être alors considérées comme « pauvres en eau ».
Les pays méditerranéens de plus en
plus affectés par le réchauffement
« Nous voulons améliorer la valeur ajoutée
du tourisme en Grèce »
ne peut pas remplir les bouteilles
d’oxygène à bord des bateaux. Ce qui
exclut de Grèce les croisières de
plongée qui vont d’un site à un autre.
Il est aussi interdit de plonger dans
une zone où il y a une épave de plus
de quinze ans et aussi de plonger à
moins de 3 milles d’un site archéolo-
gique. Nous allons mettre fin à ces
lourdeurs qui n’ont pas lieu d’être.
Quelles ont été les conséquences
de la faillite du voyagiste
Thomas Cook en Grèce?
L’effondrement financier de Tho-
mas Cook change la donne sur la
carte touristique mondiale, étant
donné que cet acteur était l’un des
plus grands au monde. Concernant
son impact sur le marché grec,
nous ferons un bilan complet en fin
d’année. Selon les résultats d’une
enquête réalisée par l’Institut de
recherches et de prévisions touris-
tiques, il ressort que les dommages
financiers pour les hébergements
sont évalués à 315 millions d’euros.
Cette année, 1.193 établissements
sur les 9.917 hôtels du pays tra-
vaillaient en partenariat avec le
groupe Thomas Cook.n
Présidentielle
en Tunisie :
l’impossible
choix
Michel De Grandi
@MdeGrandi
— Envoyé spécial à Tunis
Au terme d’une campagne
riche en rebondissements mais
pauvre dans le débat d’idées, les
Tunisiens sont retournés aux
urnes, dimanche, pour le
second tour de l’élection prési-
dentielle. Pour beaucoup, cet
ultime scrutin relève du choix
impossible. Entre un universi-
taire austère, conservateur,
dénué de tout appareil politi-
que, et un homme d’affaires
flamboyant, sorti de prison
trois jours avant le scrutin, rares
sont ceux qui se reconnaissent
dans l’un ou l’autre de ces deux
candidats a typiques, sans
grande expérience politique.
« Les Tunisiens sont pris en
otage par leur propre vote »,
résume un observateur à Tunis.
« Ils sont totalement perdus »,
renchérit un autre observateur
qui s’attend à un fort taux d’abs-
tention. L’issue du scrutin restait
hier soir très ouverte. Kaïs Saïed,
soutenu par Ennahdha, était
donné largement favori jusqu’à
la libération de Nabil Karoui.
Deux jours de campagne achar-
née et un débat télévisé plus loin,
les cartes sont rebattues.
Elites populistes
Pour les 7 millions d’électeurs,
cette j oute présidentielle n’a rien
à voir avec celle de 2014. Il s’agis-
sait alors de choisir entre le
camp islamiste et celui des
modernistes. Cinq ans plus tard,
les Tunisiens ont balayé les
appareils politiques et leurs
petits arrangements. En cinq
ans, « rien n’a été fait pour mora-
liser la vie politique », explique
Larbi Chouikha, universitaire et
analyste de la vie politique, les
quelques tentatives étant res-
tées lettre morte. Les difficultés
économiques, le chômage endé-
mique, l’effritement de l’Etat, la
débâcle de la gauche ont contri-
bué à l’émergence d’élites popu-
listes à tendance conservatrice.
« Depuis 2015, on a tout fait pour
perdre le pouvoir. Notre pro-
gramme de gouvernement a été
mis dans un tiroir », regrette
Mahmoud B en Romdhane,
ancien ministre des Transports
puis des Affaires sociales.
Au premier tour de la prési-
dentielle, les électeurs ont déjà
exprimé leur colère en plaçant
en tête deux candidats antisys-
tème. Ils ont réitéré lors des
législatives. Ennahdha, le parti
conservateur issu de la matrice
islamiste, est arrivé en tête et doit
former le prochain gouverne-
ment. Mais il réalise un score
modeste (52 sièges sur 217). Tout
comme le numéro deux, Qalb
Tounes (« Au cœur de la Tuni-
sie », 38 sièges), la jeune forma-
tion de Nabil Karoui.
L’échec des partis politiques a
ouvert la boîte de Pandore des
groupes indépendants au Parle-
ment. S’y trouvent pêle-mêle
aussi bien des imams, à ten-
dance salafiste pour certains,
que des hommes d’affaires, des
représentants d’associations,
voire des militants transfuges de
partis. C’est avec cette mosaïque
parlementaire à l’esprit que les
Tunisiens retournent a ux urnes.
Pour un choix impossible.n
AFRIQUE
DU NORD
Le second tour s’est
tenu dimanche.
Deux candidats
atypiques étaient
sortis en tête au
premier tour, ce qui
laissait craindre
une forte abstention.