Les Echos - 14.10.2019

(Ron) #1
demment payé par BeIN Sports et
Canal +.
Ce montant record sera-t-il dé-
passé? « On a une structure de mar-
ché très favorable à la poursuite de
l’inflation, avec une concurrence très
forte », observe Christophe Lepetit,
économiste au Centre de droit et
d’économie du sport de Limoges.
De fait, le nombre de prétendants


  • Canal+, BeIN Sports, RMC Sport,
    Mediapro, voire plus, si les Gafa
    entrent dans le jeu – n’a jamais été
    aussi important dans l’Hexagone...
    Et tout a été fait pour gonfler la
    facture. La France est ainsi le pre-
    mier pays où les droits télé de la
    Ligue des champions sont remis
    en jeu. L’Uefa a même avancé son
    appel d’offres. « L’Uefa n’a pas fait
    cela par hasard, confie Pierre
    Maes, spécialiste de l’univers télé-
    visuel du sport et auteur du livre
    “Le Business des droits TV du foot.
    Enquête sur une bulle explosive”.
    C’est parce que Mediapro a fait
    exploser l es droits de la Ligue 1 et que


quatre a cteurs potentiels sont en lice
pour ces droits que l’Uefa pense qu’il
faut en profiter dès maintenant. Le
marché français est l’un des plus
chauds d’Europe! »
Depuis 2003, les chaînes de télé-
vision dépensent toujours plus
pour s’offrir les droits de la compé-
tition. A l’époque, Canal+ et TF1,
qui se partageaient les matchs,
réglaient environ 60 millions par
an. Une paille face aux 350 mil-
lions de RMC Sport aujourd’hui!

Des offres peu élevées
A l’échelle mondiale, la flambée des
prix est encore plus impression-
nante. Pour 2003-2006, l’Uefa avait
reçu 1,5 milliard (Ligue Europa
comprise), contre 6 milliards pour
2015-2018. « La Ligue des champions
est le produit qui affiche la progres-
sion la plus claire et il serait très sur-
prenant q u’elle ne se poursuive p as »,
assure Bastien Drut, économiste et
auteur de « Mercato, l’économie du
football au XXIe siècle ».

Ce n’est pas l’avis de tout le
monde. Un fin connaisseur parie
ainsi sur des offres peu élevées. « Je
n’imagine pas une g uerre sanglante,
fait-il valoir. Les téléspectateurs
viennent pour le PSG avant tout, et
quand le club est éliminé, ils sont
tentés de se désabonner. » Celui-ci
envisage même une baisse des
prix, comme cela s’est passé pour
la Premier League au Royaume-
Uni, le plus prestigieux des cham-
pionnats de football.
Les diffuseurs, eux, comptent
faire valoir des arguments suscepti-
bles d’alléger la facture. Au cœur
des discussions, en particulier, le
sujet récurrent du piratage, en pro-
gression régulière ces dernières
années. « Si nous ne faisons rien, la
valeur des droits sera considérable-
ment réduite », a ainsi prévenu You-
sef al-Obaidly, directeur général de
BeIN Sports, lors d’une conférence
début octobre. Rien n’est moins sûr
donc que l’hypothèse d’une nou-
velle bulle inflationniste.n

Vers une nouvelle flambée des prix?


Yann Duvert
@YannDuvert
Avec N. Ri. et M. A.

Va-t-on atteindre de nouveaux
sommets, comme l’espèrent les
clubs et s urtout l ’Uefa? Ou, au con-
traire, marquer un coup d’arrêt
historique dans l’inflation des
droits TV, comme en rêvent les
télévisions? La réponse ne devrait
pas tarder. Aujourd’hui, au regard
de la facture payée pour ces droits
télé, la France est le d euxième mar-
ché de l’Uefa, d errière le Royaume-
Uni, depuis que RMC Sport a rem-
porté le dernier appel d’offres de la
Ligue des champions ( 2018 à 2021),
pour plus de 1 milliard d ’euros. Soit
plus du double du montant précé-

Les droits audiovisuels
2021-2024 de la Ligue des
champions dépasseront-ils
les montants record payés
par RMC Sport lors du
dernier appel d’offres?

Fabienne Schmitt
@FabienneSchmitt

Nouveau coup d’éclat entre Vivendi
et Mediaset. Cette fois-ci, c’est
Vivendi qui marque un point con-
tre son partenaire italien, dont le
français conteste la manière de
chercher à créer un groupe paneu-
ropéen dans le secteur du divertis-
sement et des médias.
Vendredi, la justice espagnole a
ainsi suspendu les résolutions
adoptées le 4 septembre lors de
l’assemblée générale des actionnai-

res de Mediaset Espagne, visant à
fusionner les activités italiennes et
espagnoles du groupe au sein d’un
holding de d roit n éerlandais, Media
for Europe (MFE). Cette nouvelle
entité vise, à terme, à fédérer
d’autres groupes européens pour
rivaliser avec les géants américains
de la télévision, type Netflix.
A ce stade, il s’agit d’un jugement
en référé, qui ne préjuge en rien d’un
futur jugement sur le fond. Mais la
décision du tribunal espagnol a
pour effet de suspendre le proces-
sus de fusion envisagé par Mediaset,

et donc de bloquer son projet MFE.
Dans sa décision, le juge a estimé
que les « modifications structurel-
les » opérées par Mediaset « sem-
blent être destinées à la fois à blinder
le pouvoir de Fininvest dans le groupe
Mediaset et, surtout, à affaiblir et por-
ter atteinte aux droits de Vivendi ».

Mediaset fait appel
Vivendi, qui est actionnaire de ce
groupe contrôlé par la famille Ber-
lusconi, s’oppose depuis le début à
ce projet. « Le juge a reconnu que le
projet de fusion a été imposé d’une

manière abusive par Mediaset et
son actionnaire de contrôle Finin-
vest, et cela au détriment d e l’ensem-
ble des actionnaires minoritaires, et
que ce projet de fusion ne répondait
pas à un besoin économique raison-
nable pour Mediaset España », a
commenté un porte-parole du
groupe français.
Mediaset Espagne s’est dit, lui,
« en profond désaccord » avec cette
décision provisoire et a annoncé
qu’il « la contesterait immédiate-
ment, en espérant qu’elle serait révo-
quée » en appel.

Autrefois alliés pour lancer une
plate-forme de contenus susceptible
de concurrencer Netflix en Europe,
Vivendi et Mediaset sont à couteaux
tirés depuis plusieurs mois, cumu-
lant les différends. Dans son combat
contre la mise en place de MFE,
Vivendi a également saisi les tribu-
naux aux Pays-Bas et en Italie. Une
première audience est prévue aux
Pays-Bas, en référé, l e 16 octobre pro-
chain, avec une décision attendue a
priori début novembre. Une autre
audience, sur le fond, doit se tenir en
Italie en janvier 2020.n

MÉDIAS


Le tribunal de commerce
de Madrid a donné
raison à Vivendi.


Le français contestait
un projet de fusion
devant donner nais-
sance à un groupe
paneuropéen dans le
secteur du divertisse-
ment et des médias.


Vivendi obtient le blocage du projet de groupe paneuropéen


des médias de Mediaset


RMC Sport sera aussi de la partie.
« Il ira forcément, l e sport ayant é té un
moteur de la reconquête d’abonnés et
du changement d’image », dit un pro-
che de SFR. Cependant, « tenter de
s’emparer aujourd’hui de l’exclusivité
ou mettre un prix aussi élevé semble
irréel, alors que RMC Sport perd sans
doute plusieurs centaines de millions
d’euros dans le sport », tempère un
spécialiste.
Quid de l’espagnol Mediapro?
« On ira », assure aux « Echos »
Jaume Roures, le patron de Media-
pro. Et avec une « offre sérieuse »,
car c’est une compétition « incon-
tournable ». En 2018, le groupe avait
fait sensation en signant un chèque
de 780 millions (sur 2020-2024)
pour l’essentiel de la Ligue 1. Pour
Mediapro, qui assure être en train
de monter sa propre chaîne de
sport en France, avoir ces deux
compétitions le rendrait inévitable
pour les fans de foot. Reste à savoir
s’il est prêt à supporter des investis-
sements aussi onéreux...

Gare à la victoire
à la Pyrrhus
Au fond, tous ces acteurs auraient
beaucoup à perdre en laissant ces
droits télé filer du côté de la concur-
rence. Mais que vaut-il mieux? Per-
dre les droits et mourir? Ou s’assu-
rer une victoire à la Pyrrhus, en
payant u ne facture salée sans espoir
de rentabiliser cet investissement?
« Le problème, c’est qu’il y a toujours
un crétin pour faire monter les
prix », sourit un spécialiste.
Pour certains, l’appel d’offres
sera l’o ccasion de regroupements,
voire de rapprochements capitalis-
tiques. « Aujourd’hui, la grande
question, ce n’est pas qui va gagner
mais quelles alliances sont déjà
nouées, pour quels accords de distri-
bution et surtout entre qui et qui.
BeIN avec C anal+? RMC a vec Media-
pro? C’est la g rande inconnue », c on-
fie un acteur du football français.
« Le foot, c’est un j eu où tout l e monde
ressort perdant. Toutes les chaînes de
sport ont un problème de rentabilité,
d’où l’intérêt de s’allier », renchérit
un professionnel.
On observe d’ailleurs déjà des
alliances, Canal+ ayant partagé les
droits de la Premier League avec
son ennemi juré RMC Sport. Le ris-
que, c’est aussi que le téléspectateur
doive cumuler les abonnements
pour voir la compétition... « On dit
souvent que l’élasticité prix au foot
est faible, mais elle existe », dit un
bon connaisseur. L’incertitude fait
la beauté d u sport. Elle va a ussi faire
tout le sel de cet appel d’offres.n

lSFR (RMC Sport), beIN Sports, Canal+ et MediaPro sont les quatre prétendants identifiés pour cet appel d’offres


qui va démarrer au début de cette semaine.


lDes enchères très incertaines, qui pourraient déboucher sur des alliances, voire des rapprochements capitalistiques.


La guerre pour les droits télé de la Ligue


des champions pourrait rebattre les cartes


La Ligue des champions réunit les clubs phares du continent européen (ici, le gardien du RB Leipzig, Yvon Mvogo). Photo Ronny Hartmann/AFP

Marina Alcaraz
@marina_alcaraz
et Nicolas Richaud
@NicoRichaud


Le jeu de poker menteur est lancé
pour les enchères des droits télé de
la Ligue des champions portant sur
la période 2021-2024 en France. Le
processus d’appel d’offres démarre
en ce début de semaine pour la plus
prestigieuse des compétitions
européennes entre clubs de foot-
ball, produit d’appel majeur pour
les diffuseurs.
Dans l’Hexagone, ces derniers
n’ont jamais été a ussi n ombreux sur
la ligne de départ. SFR (RMC Sport),
beIN Sports, Canal+ et MediaPro
sont les quatre prétendants identi-
fiés pour cet appel d’offres. Voire
plus, si les Gafa s’insèrent dans la
danse – à l’image d’A mazon, récem-
ment, avec Roland Garros. Le prix à
payer est élevé : SFR avait raflé la
mise lors du dernier appel d’offres
(2018-2021) en mettant plus de
1 milliard d’euros sur la table. Soit
une h ausse d e près de 120 % par rap-
port aux enchères précédentes.
A ce stade, il semble acquis que
Canal+ tente de récupérer les droits
de cette compétition, qu’il se parta-
geait entre 2012 et 2018 avec beIN.
Comme il l’a fait récemment avec la
Premier League que RMC Sport lui
avait chipée. « Cela ne remplacera
pas la Ligue 1 (qu’il a perdue au profit
de Mediapro), mais cela lui redonne-
rait d u poids dans le foot », d it u n bon
connaisseur. Mais, quoiqu’il arrive,
« Canal+ est plus dans le monde réel
que les autres, souligne une per-
sonne au fait du sujet. La chaîne
cryptée sait ce que vaut un abonné et
ne fera pas une offre déconnectée de
la valeur réelle de ces droits. »


L’incertitude plane en revanche
sur beIN, qui « cherche, lui, à réduire
un peu la v oilure », dit u n spécialiste.
D’autant que le directeur général du
groupe qatari beIN Media Group,
Yousef Al-Obaidly, a prévenu
récemment que le piratage massif,
dont beIN a été une lourde victime,
risquait de peser sur le montant des
droits télé sportifs en général.


TÉLÉVISION


« On ira, et avec une


offre sérieuse »,


assure Jaume Roures,


le patron de Mediapro.


HIGH-TECH & MEDIAS


Les EchosLundi 14 octobre 2019

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