10 |france SAMEDI 26 OCTOBRE 2019
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La chancellerie
met le feu aux
poudres sur la
carte judiciaire
L’opposition et les syndicats
de magistrats dénoncent une
instrumentalisation de la réforme
de la justice à des fins électoralistes
Q
ue vient faire dans
les travaux de dé
ploiement de la ré
forme de la justice
sur les territoires la
collecte des scores des candidats
de La République en marche
(LRM) aux dernières élections?
Les révélations du Canard en
chaîné, mercredi 23 octobre, jet
tent la suspicion sur les inten
tions du ministère de la justice et
déclenchent un tollé.
Cette « note confidentielle » des
tinée à Matignon, est en fait un
courriel entre conseillers de Ni
cole Belloubet et d’Edouard Phi
lippe. L’auteur demande d’orga
niser une réunion avec « les ex
perts des élections municipales de
LRM » pour avoir une idée des
communes « qui représenteraient
des cibles électorales (...) afin de
faire différer les annonces par les
chefs de cour ». Ces « annonces »
concernent la suppression de
postes de juge d’instruction.
Vingtquatre députés Les Répu
blicains, emmenés par Julien
Aubert, ont écrit jeudi au prési
dent de la République, l’enjoi
gnant de « mettre un terme à
toute manipulation de l’organisa
tion de la justice organisée par le
pouvoir exécutif pour assouvir
des objectifs électoralistes ».
Pierre Jouvet, chargé des élec
tions au Parti socialiste, a, pour sa
part, dénoncé auprès de l’Agence
FrancePresse « la fin de la Répu
blique exemplaire ». « Les moyens
de l’Etat sont mis à la disposition
des campagnes de LRM. Si les faits
sont avérés, c’est extrêmement
grave », atil ajouté.
Un « courriel maladroit »
Dès mercredi, le Syndicat de la ma
gistrature a fait part de sa « stupé
faction » dans un communiqué
en découvrant que le « pilotage »
de la réforme était guidé par « des
critères purement électoralistes ».
L’Union syndicale des magistrats a
dénoncé une « scandaleuse instru
mentalisation de la réforme de la
justice à des fins électoralistes ». La
défense de Mme Belloubet n’a pas
éteint la polémique. La garde des
sceaux a précisé au micro de Sud
Radio, mercredi, que « toute ré
forme doit être acceptée. (...) Il est
évident que nous nous appuyons
également sur les élus pour expli
quer, pour faire comprendre. On
prend en compte un calendrier
électoral pour l’acceptabilité d’une
réforme, mais il n’y a pas de favori
tisme. » Vendredi, la ministre a re
connu en interne que « ce courriel
était maladroit et rapide ».
La chancellerie dément toute
velléité de calibrage de l’organisa
tion territoriale de la justice sur
des considérations partisanes. Ce
volet de la réforme, qui touche à
des transferts de compétences
entre tribunaux d’un même dé
partement, est considéré comme
secondaire par les juridictions,
tout occupées à préparer la créa
tion, au 1er janvier 2020, des tribu
naux judiciaires, fusion des tribu
naux de grande instance et des
tribunaux d’instance.
Dans un second temps, et de fa
çon non datée par la loi, les juri
dictions pourront mettre en place
un éventuel regroupement de
l’instruction, de l’application des
peines, et une spécialisation sur
certains domaines civils ou pé
naux. En ce qui concerne l’ins
truction, la Conférence des pre
miers présidents de cour d’appel
a fixé un critère strict, détaille
Gilles Accomando, son président :
« Lorsque l’activité principale d’un
juge d’instruction isolé dans un tri
bunal n’est pas constituée par l’ins
truction sur une période de cinq
ans, on peut envisager de transfé
rer cette compétence vers un autre
tribunal du département. » Dans
ce cas, le poste de juge n’est pas
supprimé, et la fonction d’ins
truction est remplacée par
d’autres compétences pénales ou
civiles. Aucun lieu de justice ne
ferme, martèle la chancellerie.
« La charge symbolique du juge
d’instruction est très forte, on ne
peut pas s’extraire de la réalité po
litique du terrain et des éventuelles
résistances du barreau ou des
élus », expliqueton dans l’entou
rage de la garde des sceaux. De
fait, les regroupements de com
pétences que les cours d’appel
proposeront à la chancellerie ne
peuvent se faire qu’après consul
tation du conseil de juridiction,
auquel participent élus et avocats.
Selon nos informations, quatre
ou cinq juridictions, où le sujet ne
fait pas débat tant le nombre de
dossiers d’instruction est faible
(quelques dizaines par an), se
raient concernées dès le début
- Les autres attendront.
De même, le programme de
construction de prisons a pris du
retard car quelques maires ont
préféré suspendre les discussions
sur les projets d’implantation en
attendant les élections.
jeanbaptiste jacquin
A VilleneuvelèsBéziers, les habitants s’interrogent après l’inondation
Une vague d’eau boueuse a déferlé dans une partie de la commune de l’Hérault, provoquée par le débordement du canal du Midi
REPORTAGE
villeneuvelèsbéziers
(hérault) envoyé spécial
D
ans le hall de la mairie de
VilleneuvelèsBéziers
(Hérault), jeudi 24 octo
bre en début de soirée, JeanPaul
Galonnier accuse la fatigue. De
puis quarantehuit heures, il est
occupé à surveiller la montée des
eaux, gérer les problèmes de ses
administrés victimes des inonda
tions impressionnantes qui ont
touché sa commune, mercredi, et,
accessoirement, organiser la ré
ception de la ministre de la transi
tion écologique et solidaire, Elisa
beth Borne, venue sur place cons
tater les dégâts.
JeanPaul Galonnier, 73 ans,
maire (sans étiquette) depuis
deux mandats de ce bourg de
4 200 habitants, dont la moitié est
construite en zone inondable,
peut souffler. « C’est fini, l’eau se re
tire aussi vite qu’elle est montée et il
devrait faire beau les prochains
jours », soupiretil. Malgré des ni
veaux records de précipitations
sur la ville – il est tombé 310 mm
d’eau, soit 310 litres au mètre carré
en quelques heures –, aucune vic
time n’est ici à déplorer. Au niveau
national, le ministre de l’intérieur
a annoncé trois morts dans l’Hé
rault, les PyrénéesOrientales et le
Gard, mais ce bilan est contesté,
un seul décès lié directement aux
intempéries étant confirmé.
L’épisode méditerranéen qui a
touché l’Hérault, les Pyrénées
Orientales, l’Aude, le Gard, etc., et,
plus tard dans la journée, l’est de
l’arc méditerranéen, s’est traduit
par des pluies diluviennes qui ont
fait monter le niveau des cours
d’eau, dont l’Orb, tout proche de la
ville, et le canal du Midi qui, lui, tra
verse VilleneuvelèsBéziers. Ce
dernier a débordé, entraînant une
vague d’eau boueuse de 1,50 mètre
environ. Au total, indique le maire,
80 personnes ont dû être éva
cuées par les pompiers. Au niveau
du département, le colonel Jérôme
Bonnafoux, évoque, lui, 950 inter
ventions, dont 350 sur le secteur
de Béziers et VilleneuvelèsBé
ziers, dont 19 hélitreuillages.
« Désespoir »
Le quartier SaintMichel, au nord
de la ville, avec ses nombreux
lotissements, a été particulière
ment sinistré. Jeudi, en début de
soirée, les rues, en partie défon
cées par les eaux, étaient encom
brées par les nombreux camions
de pompiers restés sur place pour
les opérations de pompage, par les
véhicules des agents d’EDF, occu
pés à rétablir le courant, et par les
allées et venues des résidents et de
voisins venus proposer leur aide.
L’heure est au grand nettoyage.
Et aux questions. Armés d’une
raclette, Stéphane Martin et sa
fille Stessie repoussent les eaux
boueuses hors de la maison qu’ils
occupaient jusqu’à peu, avant de
déménager au centre de Béziers.
Pour lui, l’inondation serait une
conséquence de l’abattage des pla
tanes qui bordait le canal, arra
chage dû à la maladie, le chancre
coloré, qui touche ces arbres du ca
nal du Midi. « Cela a fait des trous
et affaibli les rives, permettant la
formation d’une vague d’eau qui a
dévalé les routes et les rues voisi
nes », assuretil.
En aval, Anna Hourdequin es
saye de sécher et sauver ce qui
peut l’être. Le soussol de sa
grande maison a été inondé, là où
se trouvaient le cumulus, le lave
linge, le sèchelinge, le congéla
teur, etc. « J’ai eu deux mètres d’eau
dans le soussol. Cela fait trentesix
ans que j’habite là et je n’ai connu
qu’une inondation, en 1996, quand
une brèche s’était ouverte dans le
canal. Et là, cela recommence. »
Jacques Noisette, responsable de
la communication de Voies navi
gables de France, chargé de la ges
tion du canal, explique ce qui, se
lon les premières analyses, s’est
passé : « Il n’y a pas eu de brèche,
mais le volume de l’écluse a subite
ment gonflé, et les nombreux em
bâcles, les branches et l’eau très
boueuse de l’Orb ont coincé les por
tes de l’écluse. On avait pourtant
baissé les niveaux du canal en
ouvrant des vannes, la veille. »
Selon le préfet de l’Hérault,
Jacques Witkowski, 37 communes
avaient fait une demande de re
connaissance de l’état de catastro
phe naturelle jeudi soir et 70 nou
velles demandes devaient arriver
vendredi. « Une commission inter
ministérielle va statuer en procé
dure accélérée, atil indiqué. Nous
allons aussi ouvrir les déclarations
de calamités agricoles et voir avec
les communes pour les biens non
assurables tels que les routes. »
L’épisode méditerranéen pose
d’autres questions. Car, cette fois,
les inondations n’ont pas été pro
voquées par des phénomènes de
crues, les cours d’eau ayant forte
ment augmenté de volume mais
n’étant pas sortis de leurs lits, mais
par le ruissellement des eaux. « Si
l’Orb avait débordé, on aurait dû
évacuer 30 000 personnes, cela
n’aurait pas été la même crise »,
confirme le préfet.
Lors de son passage, la ministre a
annoncé une mission sur l’évalua
tion du phénomène des eaux de
ruissellement. « Nous avons un
plan national d’action contre les
changements climatiques, mais
nous devrons sûrement prendre
des dispositions complémentaires,
a souligné Elisabeth Borne. Les
plans de prévention ont bien fonc
tionné, les secours aussi, mais cela
n’empêche pas le désespoir de ceux
qui ont perdu beaucoup. »
rémi barroux
La ministre
de la justice,
Nicole
Belloubet,
à l’Assemblée
nationale,
le 15 octobre.
CHRISTOPHE
ARCHAMBAULT/AFP
« Les moyens de
l’Etat sont mis à
la disposition des
campagnes de
LRM. Si les faits
sont avérés, c’est
extrêmement
grave »
PIERRE JOUVET
chargé des élections
au Parti socialiste
QUESTIONS POLITIQUES
DIMANCHE 27 OCTOBRE À12H
FRANÇOIS BAYROU
MAIRE DEPAU, PRÉSIDENT DU MODEM
ALI BADDOU,CARINE BECARD,FRANÇOISE FRESSOZETNATHALIE SAINT-CRICQ
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