Le Monde - 26.10.2019

(Wang) #1
William lebghilpeut tout porter.etles réa-
lisateurs sontau courant.Depuis dix ans, ils s’amusent
àrelookeràloisir l’acteur de 29 ans.Agal et keffieh d’émir,
costume et nœudpapillon de serveur,coiffe de sultan,cos-
tume devaletxviiie,hoodie et casquette de rappeur ou le
combocontemporain, sweat-jeans- baskets...«Dans le jeu,
l’habit est très important,assure-t-il.Mais je préfère, si pos-
sible, qu’ilyait peu dechangements decostumes dans le
même film. J’aime qu’un personnage soit identifiableàune
tenue, comme un héros de bande dessinée.»Là, jambes croi-
sées et café-clopes enterrasse,àdeux pasdeson apparte-
ment, il seracont eenbaskets blanches immaculées, large
pantalon noir,surchemise trèscool en denim bleu.Bref,
très«acteur du cinéma français qui vit dans le 11earrondis-
sement»!Loin de sespériodestecktonik aulycé e(jeans
slim,Vans àcarreaux etchev eux passés au lisseur) ou
«théâtreux»enapprentissage (casquettegavroche, boléro,
pairedeConverse) dontilp arle avec tendresse.
DansDebout sur la montagne,le nouveau film deSébastien
Betb eder,ens alle le 30octobre, levoilà enchaussures de
randonnéepour camper Stan, un jeune homme quiretrou ve,
dans lesAlpes, deux amis d’enfanceperdus de vue et qui

souffredetroubles schizophréniques.«C’est un personnage
qui ose affron terune maladie intérieurequi s’ exprime, par
moments, defaçonsourde. Il s’agissait de ne pas insister sur
sa maladie defaçondémonstrative, deconserver de l’ambi-
guïté. Ilyades moments où l’on peut penser qu’il esttout à
fait sain ou alorsque nous sommestous, comme lui,unpeu
schizophrènes.»Luiqui asouvent eu l’ occasion deparader
dans des scènes decomédie enlevées incarne ici uneperson-
nalitéborderlinetout enretenue. Pour préparer lerôle, il a
pensé àson premiercont act avec un établissementpsychia-
trique.Boulot d’étédefindeterminale :«Pendantunmois,
je triais lesfacturesàl’hôpital psy de Charenton-le-Pont.Pas
de contact direct avec les malades;jefumais seulementdes
cigarettesavec eux. Ils étaientpour moi trèsmystérieux.»
Debout sur la montagnemontreWilliamLebghil sous un
jour nouveau, moinscomique, maisànouveau dans un film

d’amitié, son genredeprédilection. DepuisLesMythos,de
Denis Thybaud, son premierrôle sur grand écran, en 2011,
jusqu’auxNouvellesAventuresd’Aladin,d’Arthur
Benzaquen, ouLesCombattants,de Thomas Cailley, il al’art
d’interpréter lespotessympathiques.
«William est, dans la vie, un typegentil,bienveillant, profon-
démentbon et jamais dans la rivalité, donc idéal pour jouer
les amisàl’écran»,observelecinéas te Thomas Lilti qui,
dansPremièreannée,afait de lui un étudiantenmédecine
préparantleconcoursmain dans la mainavec un ami,
incarnéparVincentLacost e(proche deLebghilàlaville).
Œil qui frise, riresonore, punchlinesteintées d’ironie, phrasé
indolent,l’acteur saitrendreattachantses se conds rôles
(Jackyauroyaume des filles,de Riad Sattouf;Le Sensdela
fête,d’OlivierNaka cheetÉric Toledano) en maniantl’hu-
mour.Riad Satt ouf :«Avec sonrythme inné et son instinct, il
peut jouern’importequi ou quoi.»On l’a vu au fil dutemps
en puceaurougissantetenfutur papa ,enécervelé et en
brillantélève,enr égisseur d’unechanteuse qui galèreeten
rappeuràsuccès, en coloca tairequi drague unevoisine par
la fenêtr eetenmusulma nradicaliséaprès un séjourau
Yémen, bientôtendétective privé dans le prochain film
d’An tonin Peretjatko, qu’iltourne actuelle-
ment...«J’ai de lachance,convient-il,on me
propose une diversitéd’univers.»Plutôt
abonné auxpersonnages gauches, les
cinéastescommencentàl’imaginer en
amant,voireent ombeur,comme dansYves,
de BenoîtForgeard,oùilforme uncouple
avec DoriaTillier.
Danslaf amille où il grandit,àServon, en
Sein e-et-Marne–mèrechef comptable,
père directeur d’uneagencebancaire–,
cinéma rimeavec di vertissement.La petite
filmothèquerassembleDidier,LeBossu,Un
Indien dans la ville,Titanic, TheMask,des
épisodes desSimpsonetdeSouth Park,
quelques spectacles d’Éric et Ramzy ou de
Jamel Debbouze.À10ans, il s’inscrit dans
un coursdet héâtre amateur.«Iladébarqué
avec son short de l’Olympiquelyonnais et
son embonpoint, iln’avait pas lacote avec
les filles mais était d’unetelle gentillesse et si
drôle,se so uvientson professeur,Olivier
Solivérès.Très vite, ilamontr équ’il avait
envie d’apprendreetarayonné sur le pla-
teau.»Durant plus de dix ans, depuis
Servonjusqu’au«off»d’Avignonpuisdans
divers théâtre sparisiens (Comédiedes
3bornes,Le Petit PointVirgule, le Théâtre Antoine...),
Solivérès, queLebghil surnomme«papa»et dontilf ut le
témoin de mariage ilyaquelques mois, leconfronte àdes
personnages hauts encouleur:unSchtroumpfàlunettes,
un Harry Potte rparodique, un diablotin,Quasimodo...Le
professeur,supporteur du PSG,use de métaphores
empruntées aufootballpour enseigner l’artdedonner et
de recevoir la réplique :«C’était comme si AiméJacquet
nousexpliquait le jeuàlanantaise, l’esprit d’équipe»,rem-
bobine Lebghil, qui soutientaujourd’hui Liverpool.«J’ai
senti immédiatementque la scène était un endroit où j’étais
heureux.La communication avec les spectateursétait une
grande source de jouissance. Et puis, se sentir applaudi,
c’était aussi se sentir aimé.»
Il devientaccro.Lui qui détestait les mecsbeaux aulycée
trou ve dans le métier d’acteur«une impression de

“Avecson rythmeinné


et soninstinct,


William peut jouer


n’importequi ou quoi.”


Le réalisateu retdessinateur Riad Sattouf


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Legoût

Louise Desnos pour

MLem

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