Le Monde - 26.10.2019

(Wang) #1
des engrais naturels.Mais onn’en faisait pas la promotion
de peur d’alleràl’encontrede notreélectorat.On agissait de pré-
férencedenuit et au mois d’août!»
2008 et 2014:les mêmes causes produisentles mêmes effets.
Pourtant,enprésentant coup surcoup deuxfemmes aux profils qui
tranchentavecson électorat traditionnel, la droiteveut signifier
qu’elle s’est modernisée etaentendu l’aspiration des habitants à
vivr edans une ville plusfestive,plurielle, ouverte, àl’instar des
autres métropoles,telles queLondres,Barcelone ou Berlin, acces-
sibles en deux heures de train ou une heured’avionpour unweek-
end.Mais la division, gêne endémique, demeure.«Françoise
de Panafieu,pourquoi avez-vous perdu?»,lui demande-t-on dans le
barprèsdupontdel’Alma où nous laretrou vons.Réponse d’un seul
souffle :«Trahison, trahison, trahison...Beaucoup de maires préfèrent
rester desroitelets dans leur arrondissementplutôt que de se mettre
au serviced’un futurroi, surtout si en l’occurrenceleroi est une
reine.»Elle se souvientencoreavecamertume dece jour de janvier
où Nicolas Sarkozy recevant des élusàl’Élysée etévoquantlef utur
projet du GrandParis s’était adresséàBertrand Delanoëenlui
disant:«Naturellement, je neferairien sans votreaccord»,comme
si lechef de l’État avait anticipélaréélection du mairedeParis.
Sentant venir la défaitedeleur chef de file, lesbarons des arrondis-
sements seréfugientdans leur mairiepour sauverleur territoire
plutôt que d’êtreassociés àunéchec.
NathalieKosciusko-Morizet (quin’apas réponduànotredemande
d’entretien)connaîtralemême sortoupresque.Accueillie en sau-
veuse, l’élue de l’Essonne et ancienne ministredel’écologiecoche
toutes les cases:jeune, moderne, branchée etpolytechnicienne.
Elle promet dechanger lestête s, derajeunir,departager lepou-
voir avec leMoDem deFrançoisBayrou. Elle jured’avoir le scalp
de JeanTiberi,symbole de l’anciensystèmechiraquien dontelle
se veut l’opposée.Paniquechez lesbarons.«Quand on est invitéà
dînerchez lesgens, on ne leur demande pas de partir »,dit un élu,
toujourschoqué decesmauvaises manières. Dès qu’ellecommet
un faux pas, comme lorsque, dans une interviewaumagazineElle,
elle évoque les«moments de grâce»qu’elle vitparfois en prenant
les lignes8et13dumétroparisien, ses alliés se détournent.«On
va se débrouiller sans elle,dit àl’époque un maire.ÀParis,ça finit
toujourschacun pour soi dans son arrondissement.»Résultat :Anne
Hidalgo l’emporte.«NKM, c’était lacandidateidéale,soutient
aujourd’hui Goasguen,ellen’amalheureusementpas étébonne.
ÀParis, lacampagne sefait autambour.Ilfaut entraîner.Sielle était
restée, elle serait aujourd’hui lacandidatenaturelle.»Aujourd’hui
NKMarefait sa vieàNew York.Unocéan n’est pasdetroppour
la séparer du marigotparisien.

Droite


parisienne, où es-tu?Pierre-Yves
Bournazel,corrézien, 42 ans, gay
déclaréetdéputédudix-huitième,
passait pour satêtede gondole,
mais ilapréféré fonder son propregroupe, 100%Paris, etpartir
dans labataille sous ses proprescouleurs. Il dit qu’il irajusqu’au
bout même si les premierssondages lui laissentpeu d’espoir.«Je
ne suis peut-êtrepas connu, mais je suis légitime »,assène-t-il. Il
ne veut même plus entendrelemot de«droite» :«Jeneme
reconnais plus dansLesRépublicains.»Déjà secouéeparlescore
de Macronàlaprésidentielle dans la capitale, la droiteest dévas-
téepar lacontre-performancedeson candidatconservateur,
François-Xavier Bellamy, aux européennes.Leschaloupes et les
canotsde sauvetage sontpleins. Plusieursélus LR, dontlamaire
du neuvième arrondissement, Delphine Bürkli, filentavecarmes
et bagageschez le candidat macronisteBenjamin Griveaux.

La République en marchelorgne Bournazel et ses troupescomme
le loupconvoitait lachèvre de Monsieur Seguin. Xavier Chinaud
rigole :«Avec Chirac,Séguin etKosciusko-Morizet, la droites’est
cherchéunsauveur en dehorsdeson vivier parisien.Aujourd’hui,
elle est prêteàletrouver dans un autreparti que le sien. C’est dire
son état deconfusion.»«Wauquiez nousafait beaucoup de mal
en opposantles villesàlacampagne,expliqueVincentRoger,lui
aussi en ruptureavecLR.Et,avantlui,lecombatcontrele mariage
pourtous aété une erreur stratégiquetota le àParis.Dans mon
arrondissement, le quatrième, desgens me disent:“Jesais bien que
vousferiez un bon maire, mais je ne voterai jamais pour
LesRépublicains”.»Uneétiquette,çasedécoud.
Vingt-quatreans après le départdeChirac,tout estàrecons-
truire.Nouvelle présidente de lafédération LR deParis, Agnès
Evrenconnaît l’ampleur de latâche.«Moins nous sommes nom-
breux et plus nous nous divisons.Quelle tristesse... Ilfaut se
retrousser les manches,renouveler les visages. Rachida Dati est
courageuse. Elle est la seule qui veuille brandir le drapeau LR.De
plus, elle est populaireetappréciée des militants. Grâceàelle, on
restedans le match.L’idéen’est pas degagner ou de perdre, mais
de ne pas disparaître.»Un candidat(Jean-PierreLecoq,mairedu
sixième arrondissement) et une candidate (Marie-ClaireCarrère-
Gée, ancienne secrétairegénérale adjointe de l’Élysée sous
Jacques Chirac etpatronne du groupeLRauConseil deParis),
tous les deux inconnus du grand public, se sontdisputéuntemps
l’investitureofficielle duparti. Un casting de secondsrôles.
«Pourquoi ne pas organiser une primairepour nous départager »,
avait demandé l’un d’eux.Agnès Evrenarépondu :«Mais com-
mentjefais ?Nous n’avons plus quedeux permanents et plus un
sou encaisse...»Dépité,Lecoqafinalementjetél’éponge, sans
renoncerpour autantàsamairie.Sénateur LR deParis,
PierreCharon, ancienconseiller deNicolas Sarkozy,lâche :
«Ladroiten’estplus incarnée. Ellen’intéresse plus personne en
l’état.On aété obligédepasser une annoncedansLe Chasseur
françaispour trouver un présidentdegroupe LR auConseil de
Paris.»Luietses amis préféreraientque lepartifasse profilbas
pour cetteélection, laissantaux maires le soin de négocier leur
proprefuturealliance.Ou qu’il organise ses propres obsèques?
Au volantdesaFiat500 jaunebouton d’or,Françoise dePanafieu
se souvientdes jourssombres qui ontsuivi sa défaite. Des larmes
qui lui montaientaux yeux pour un oui oupour un non.«Jesuis
sortie de lacampagne de 2008 ébranlée, éprouvée, lessivée.Ce n’est
pas lafête tous les jours, vous savez.»On la croit sanspeine. Mais,
cettefois, elle seveut optimiste.«Jelasens bien,cetteélection, on
peut lagagner.»Petit silence.«Mais Françoise, c’est qui“on”?»,la
relance-t-on.Réponse :«Ben,“on”,c’estnous, la droite,
La République en marche. Tout ça,c’estpareil,non?»,a-t-elle dit
guilleretteavant de nous déposeràlastation de métroExelmans.
Autreambianceàlamairie du septième. Certesladivision entre
les macronistesBenjamin Griveaux et CédricVillani offreune
mincelueur d’espoir etramène lesbagarres de la droiteàla
dimension de querelles depalier.Iln ’empêche, Rachida Dati affûte
les couteaux et les lances, au cas où.«Ilyades gens dans ma
famille politique qui seréveillenttous les matins en se demandant
commentils vontpouvoir menuire. Ça va êtreune campagne de
chiens »,jure-t-elle. Sans les nommer elle visetous ceux qui
escomptentsamise enexamen dans l’affairedeses émoluments
perçus commeavocatedeRenault-Nissan, quand l’entreprise était
dirigéeparCarlos Ghosn.On en salive déjà.Petit pronostic:lepetit
homme affable quiremonte la rue Blainville, ses journaux sous le
bras, est plutôt bienpartipour garder son titrededernier maire
de droitedelacapitale.

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Thomas Samson/Gamma-Rapho, Elodie Grégoire/Gamma-Rapho,


Thomas Samson/Gamma-Rapho, Alain Benainous/Gamma-Rapho, Christian Liewig/Corbis via Getty


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