Le Monde - 26.10.2019

(Wang) #1

exceptionnel, qui incarnacette«Église despauvres».Mais il
yeut aussi,Leonardo Boff, tête pensante de la théologie nouvelle,
ou encoreJosé Maria Pires, premierévêque noir duBrésil, et, sur-
tout, lecourageuxPaulo EvaristoArns, «cardinal des droits de
l’homme», archev êque deSão Paulo, qui necessades’opposer à
la dictatureetdocumenta minutieusementses crimes.
Durant cesannées de plomb, l’Église devient«laplus grandeforce
d’opposition »au régime,«unique institution qui pouvait critiquer
le modèle économique et larépression, défendreles droitshumains
et organiser les classes populaires »,selon les mots de l’historien
américainScott Mainwaring dans son ouvrageTheCatholic
Church andPolitics inBrazil,1916-1985(StanfordUniversity Press,
non traduit).Le clergé est alorssur tous les fronts.ÀSão Paulo,
les «pastoralespopulaires»appuientles gr èves des sidérurgistes.
En Amazonie, les prêtres protègentles Indiens desexactions de
l’armée.Dans leNordeste, la Commissionpastorale de laterre
(CPT) prendpartipour lespetits paysans cont re lesfazendeiros,
les grands«propriétairesfonciers».
Surtout, sous la protection de l’Église, se multiplientles commu-
nautés ecclésiales debase (CEB):des groupes de discussion,
espaces de liberté exceptionnels,réunissantlaïcs etreligieux, afin
de débattreetdetrava iller àl’amélioration de la vie des plus misé-
reux. Àleur apogée, oncompterajusqu’à 80000 CEB, dissémi-
néesàtravers tout leBrésil, réunissant3à5millions de membres.
L’Église paieraleprix de son engagement. Plusieursreligieux
seronttorturés, emprisonnés, ou assassinésparles commandos
de lamortdurégime. Surtout, elle subirales foudres du Saint-
Siège.Intronisé en 1978,Jean-Paul II ne supporte pasceclergé
brésilien, tropàgauche et trop indépendantàson goût.
Brutalement, lesévêques«rouges»sontconvoqués auVatican,
forcés àl’autocritique,relevésdeleursfonctions et souvent


remplacéspardes clercs dociles. En 1985, Câmaralui-même est
débarqué,remplacépar un ultraconservateur.Désarçonnée,
l’Église nepeut résisteràlavaguepentecôtistequi submerge le
pays au sortir de la dictature, surfond d’urbanisation, d’unclergé
vieillissantetdepasteurscharismatiques, promettantrichesse et
rédemption.Malgrétout,«l’Église était parvenueàrester au pre-
mier échelon du pouvoir,représentéepar des ministres, sous la
droitecomme sous lagauche »,explique Flávio Sofiati, sociologue
des religionsàl’universitéfédérale de Goiás.
C’étaitavantBolsonaro.Né catholique mais«baptisé»en2 016
dans leseaux duJourdainparunpasteurévangélique, le nouveau
chef d el’États’est entourépour gouverner depasteu rs pentecô-
tistes.«Aujourd’hui,pour la premièrefois, le clergé est exclu du
gouvernement. C’esttotalementnouveau pour lui!»,insistelecher-
cheur.Pour unepetitepartie de l’Église, l’arrivéeaupouvoir de
Bolsonaroapourtant tout d’une aubaine.Séduits parson slogan
«LeBrésil au-dessus detout, Dieu au-dessus detous »,«beaucoup
de religieux traditionalistes ouconservateurs, longtemps margina-
lisés, le soutiennentetont fait campagne pour lui en 2018 »,rappelle
FlávioSofiati.Le pluscélèbredeces «prêtres bolsonaristes»est

“Ilest devenu infinimentplus difficilede


tenir un discours progressiste.Beaucoup
de gens àManguinhosontvotéBolsonaro.
Et pasmal ne viennent plus àmamesse
àcause demesorientationspolitiques.”
Le père Gegê, curédel’égliseSãoDaniel,àRio

lemagazine

Sebastian Liste/Noor pour

MLem

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