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DIMANCHE 27 LUNDI 28 OCTOBRE 2019 économie & entreprise| 13
Six constructeurs visés
dans le procès du « cartel
des camions », à Munich
Les groupes sont accusés d’entente
sur les prix de leurs véhicules
berlin correspondance
L’
acte d’accusation, long de
18 000 pages, énumère les
griefs de 7 000 plaignants,
qui réclament plus de 800 mil
lions d’euros de dommages et in
térêts : c’est un procès hors nor
mes qui s’est ouvert, jeudi 24 octo
bre, au tribunal de Munich. Em
menés par Financialright, un
prestataire allemand de services
juridiques, des milliers de sociétés
de logistique ont assigné en justice
six constructeurs européens de
poids lourds (Daimler, VolvoRe
nault, MAN, Iveco, DAF et Scania) à
propos de 85 000 camions qu’ils
auraient vendus à des prix illégale
ment majorés.
Pendant quatorze ans, entre
1997 et 2011, les six groupes se
sont entendus sur les prix des vé
hicules. Après la découverte du
« cartel des camions » par les
autorités européennes, la Com
mission a infligé aux six groupes
impliqués, en 2016 et 2017, des
amendes record d’un montant
total de 3,8 milliards d’euros.
Mais, en Allemagne, des milliers
de clients des constructeurs cher
chent encore à obtenir réparation
pour le préjudice subi.
Le procès de Munich s’annonce
long et complexe. Pour les ache
teurs de poids lourds, il n’y a
aucun doute : le cartel a gonflé les
prix. Mais encore fautil pouvoir le
prouver. « Un camion n’est presque
jamais identique à un autre », ex
plique Martin Bulheller, portepa
role du BGL, la fédération alle
mande des sociétés de fret et de
logistique, qui s’est associée à la
plainte de Financialright. « Les ca
hiers des charges sont fortement
individualisés et le prix fait souvent
l’objet d’une négociation au mo
ment de la vente », soulignetil.
Et quand bien même les prix de
vente auraient été artificielle
ment augmentés, comment esti
mer le montant du préjudice? Le
prestataire des plaignants a man
daté une expertise de Roman
Inderst, professeur d’économie à
l’université Goethe de Francfort.
Ce dernier estime que les clients
ont effectivement subi des sur
coûts allant jusqu’à 10 %.
Plus de 100 plaintes déposées
Les constructeurs nient catégori
quement, arguant que l’entente
portait uniquement sur les prix
catalogue bruts de leurs véhicules
et soulignant que l’enquête de la
Commission européenne n’avait
pas pu déterminer si leurs prati
ques anticoncurrentielles avaient
eu un quelconque effet sur le mar
ché. Ils mettent également en
doute la recevabilité de la démar
che de Financialright, qui n’a subi
aucun préjudice.
Ce procès géant est loin d’être la
seule procédure qui vise le « cartel
des camions » outreRhin. Plus de
100 plaintes ont été déposées au
tribunal régional de Munich, aux
quelles s’en ajoutent d’autres en
core à Stuttgart ou ailleurs. Des
dizaines de mairies et de collecti
vités locales, dans tout le pays,
veulent obtenir réparation pour
des camions de pompiers ou des
camions poubelles.
A la fin septembre, la Deutsche
Bahn défrayait la chronique en ré
clamant à Daimler 500 millions
d’euros de dommages et intérêts
pour 35 000 véhicules. L’armée
allemande, la Bundeswehr, et
40 autres entreprises se sont as
sociées à l’action de la Deutsche
Bahn. La cascade de procès contre
le « cartel des camions » ne fait
donc que commencer.
jeanmichel hauteville
Conquérante, la banque mobile
fait des gagnants, mais aussi des perdants
Les fintech, venues concurrencer les établissement traditionnels, en proposant
des prix cassés, doivent avoir de solides actionnaires acceptant de perdre de l’argent
I
l faut faire attention aux mo
des. » C’est la leçon que tire un
responsable de la Banque po
pulaire Caisse d’épargne (BPCE),
sous couvert d’anonymat, après
l’échec cuisant de la néobanque al
lemande Fidor, rachetée au prix
fort, en 2016, pour conquérir l’Eu
rope, et qui, après avoir multiplié
les accidents de parcours, attend
d’être vendue ou de disparaître.
Selon nos informations, la fin
tech (société de technologie fi
nancière) a fermé, à la miseptem
bre, son activité au RoyaumeUni.
L’établissement ne se résume
plus qu’à un peu plus de
200 000 clients en Allemagne.
« Mais le mouvement est à la décé
lération, nous ne sommes plus
dans une recherche active de
clients, nous en perdons plutôt »,
poursuit cette source. Cet été, le
groupe a été sur le point de vendre
Fidor, mais l’affaire a échoué dans
la dernière ligne droite. Cet inves
tissement devait permettre à
BPCE, le dernier groupe en France
à disposer d’une banque mobile,
de rattraper son retard. Il lui aura
finalement coûté à ce stade quel
que 340 millions d’euros (140 mil
lions pour l’acquisition, puis deux
augmentations de capital de
90 millions, puis 110 millions
d’euros, en 2017 et 2018).
Cette mésaventure ne constitue
pas un cas isolé. De nombreuses
fintech ont souhaité concurrencer
les banques en proposant un ser
vice pratique et à prix cassé, acces
sible sur une application mobile.
Mais ce modèle économique, non
rentable, suppose que des action
naires aux reins solides acceptent
de perdre de l’argent, pendant de
longues années. Certaines n’ont
pas tenu le choc. Au cours de l’été,
la néobanque britannique Ipagoo,
qui avait attaqué le marché fran
çais en 2017, a été placée sous ad
ministration judiciaire et a dû sus
pendre ses services.
Plus étonnant, le géant de la dis
tribution Carrefour, qui avait
lancé, en 2017, le compte ban
caire Czam, accessible en libre
service dans les rayons sous la
forme de coffrets, aurait lui aussi
baissé les bras. Le site BFM Busi
ness annonçait, au début du mois,
que, deux ans après son lance
ment, Czam peinait encore à at
teindre le seuil de 150 000 clients,
que 30 % des acheteurs d’un cof
fret n’avaient jamais activé leur
compte et que Carrefour cher
chait à vendre cette activité. Inter
rogée à ce sujet, l’enseigne n’a pas
souhaité faire de commentaire.
« Enorme bouche-à-oreille »
« Cela montre que ce sont les fonds
de private equity [capitalinvestis
sement] qui doivent investir dans
les néobanques en phase de déve
loppement, car ils se fichent de voir
les startup perdre de l’argent. Les
établissements bancaires qui in
vestissent dans une fintech voient,
en revanche, immédiatement, un
impact dans leur compte de résul
tat », analyse un banquier, sous
couvert d’anonymat. C’est en ef
fet la stratégie que les néoban
ques à succès ont adoptée.
L’allemande N26, qui revendi
que plus de 1 million de clients en
France (sur un total de 3,5 millions
dans 26 marchés européens), a
déjà levé plus de 670 millions de
dollars (605 millions d’euros), no
tamment auprès du chinois Ten
cent, de l’allemand Allianz X ou du
fonds Valar Ventures de l’Améri
cain Peter Thiel. La britannique
Revolut, forte de 8 millions de
clients, dont plus de 500 000 en
France, s’apprête à entrer sur le
marché américain d’ici à la fin de
l’année. Et pour financer son ex
pansion internationale, elle tente
rait actuellement de lever 1,5 mil
liard de dollars auprès d’investis
seurs, selon la chaîne britannique
Sky News. L’entreprise pourrait
alors être valorisée entre 5 mil
liards et 10 milliards de dollars.
Ces deux « licornes » (le nom
donné aux startup valorisées au
delà de 1 milliard d’euros) bénéfi
cient d’un « énorme boucheà
oreille » sur le marché français, té
moigne une banque en ligne con
currente. « Revolut et N26 font,
grâce à une ergonomie jamais vue
jusqu’alors, l’objet d’un véritable ef
fet de mode. Qui fait parfois oublier
l’essentiel, à savoir que, parmi leurs
millions de clients, peu sont réelle
ment actifs et rentables... Leur mo
dèle économique reste largement à
trouver », souligne Maxime Chi
poy, responsable du comparateur
Meilleurebanque. com.
Leur gamme de produits reste,
par ailleurs, extrêmement res
treinte : leur grande force est de
ne pas facturer les frais de paie
ment à l’étranger, mais elles ne
proposent pas de produit aussi
basique qu’un Livret A. Ce qui les
limite encore au rôle de service
complémentaire.
Dans ce paysage bousculé, les
banques en ligne de la première
génération, filiales des grands
groupes français, ne s’en tirent pas
si mal. Selon une étude de KPMG,
cet été, leurs tarifs restent, de loin,
les plus compétitifs, avec des coûts
annuels minimums estimés à
7 euros, contre 16 euros pour les
néobanques et 71 euros pour les
banques traditionnelles. Certai
nes, comme Boursorama (filiale
de la Société générale), leader du
secteur avec plus de 2 millions de
clients, ou Fortuneo (Crédit mu
tuel Arkéa), proposent désormais
une offre sans frais sur les paie
ments et les retraits à l’internatio
nal. Pour rester dans la course.
véronique chocron
Le Fonds vert pour le climat va
recevoir 9,8 milliards de dollars
Malgré le retrait des EtatsUnis, important contributeur, les pays
donateurs ont maintenu le niveau de financement souhaité
U
n nouvel élan pour le
financement de la
lutte contre le ré
chauffement climati
que. Les pays donateurs du Fonds
vert pour le climat, créé en 2014
pour soutenir la transition des
pays pauvres vers un modèle de
croissance durable, se sont enga
gés, vendredi 25 octobre, à verser
9,8 milliards de dollars (8,8 mil
liards d’euros) au cours des quatre
prochaines années.
Ce fonds parvient à maintenir le
même niveau de financement
qu’à sa création, malgré le retrait
des Américains. Un désengage
ment compensé par une hausse
des contributions des trois quarts
des pays donateurs, dont la
France, qui a doublé la sienne, à
1,5 milliard d’euros. Cela a permis
de contrebalancer le désengage
ment des EtatsUnis. Soulignant
que l’Allemagne, le RoyaumeUni
et la France participeraient, à eux
seuls, à hauteur de 5 milliards de
dollars, le ministre de l’économie,
Bruno Le Maire, a salué un « succès
européen ». « C’est un signal encou
rageant, même si nous espérions
un doublement des contributions,
estime Lucile Dufour, responsable
des négociations internationales
au Réseau action climat, et cela
vient renforcer un instrument fi
nancier indispensable à la réalisa
tion des objectifs de l’accord de
Paris sur le climat de 2015. »
Cinq ans après sa création, le
jeune fonds doit encore trouver sa
place dans le maquis des banques
multilatérales et des agences de
développement, qui augmentent
leurs contributions à la lutte con
tre le changement climatique. « Il
ressemble aux autres banques de
développement, mais, sans leur ex
pertise ni leur force de frappe finan
cière », analyse froidement une ex
perte du secteur, qui déplore que le
fonds n’ait pas plutôt endossé un
rôle d’aiguillon des financements
publics et privés, pays par pays,
dans le domaine du réchauffe
ment climatique. Le droit de veto,
dont bénéficie chacun des 27 pays
membres du conseil d’adminis
tration, a également perturbé le
fonctionnement de l’organisation
et bloqué de nombreux projets.
Un blocage surmonté à l’été, avec
l’abandon du principe des déci
sions prises à l’unanimité pour ce
lui de la majorité qualifiée.
Ce fonds multilatéral, le seul en
tièrement consacré à l’atténua
tion et à l’adaptation au réchauffe
ment climatique, est doté d’une
gouvernance paritaire entre éco
nomies riches et pauvres, tout en
réservant une partie de ses finan
cements aux pays les moins avan
cés. « Ce qui fait sa spécificité, c’est
que les Etats sont à l’initiative des
projets et ont un accès direct au
fonds », souligne Damien Navizet,
responsable de la division change
ment climatique à l’Agence fran
çaise de développement (AFD).
80 % de dons
Autre singularité : ses ressources
sont constituées à 80 % de dons,
qui constituent « un moyen de fi
nancement rare et précieux », se
lon Odile RenaudBasso, direc
trice générale du Trésor. Ce qui
permet de privilégier l’impact cli
matique, même en cas de projet
risqué, plutôt que les gains finan
ciers. « L’investissement peut per
mettre de limiter le changement
climatique en utilisant, par exem
ple, les énergies renouvelables, pré
cise Lucile Dufour, mais seuls les
dons peuvent aider les pays pau
vres à s’adapter au réchauffe
ment. » Le Fonds vert aide ainsi les
paysans du Bhoutan à adapter
leurs cultures à la hausse des tem
pératures. Au Pakistan, il les ac
compagne dans la gestion de leurs
ressources en eau, menacées par
la fonte des glaciers de l’Himalaya.
« Nous sommes un catalyseur, af
firme Yannick Glemarec, le direc
teur exécutif du Fonds vert pour le
climat, c’estàdire que nous cofi
nançons des projets privés, publics
ou de la société civile qui n’auraient
jamais vu le jour sans notre sou
tien. » Ces financements ont un ef
fet d’entraînement sur les inves
tissements privés, évalués à envi
ron 14 milliards de dollars par le
fonds, depuis sa création. Il peut
aider une petite entreprise à obte
nir des prêts bancaires en y effec
tuant une prise de participation,
financer une étude de faisabilité
pour faire avancer un projet et
donner un coup de pouce à des
technologies qui ne sont pas en
core en phase de maturité. « Nous
sommes agnostiques, c’estàdire
que nous pouvons travailler avec
n’importe qui, dans le privé ou dans
le public, avec aucun autre critère
que celui de l’incidence climati
que », insiste Yannick Glemarec.
Malgré cette recapitalisation, les
pays développés sont encore loin
de leurs promesses de dépenser
100 milliards de dollars par an d’ici
à 2020 pour aider les pays en déve
loppement à lutter contre le chan
gement climatique. Selon les der
niers chiffres de l’Organisation de
coopération et de développement
économiques, leurs dépenses ont
atteint 71,2 milliards de dollars
en 2017, dont seulement 20 % pro
viennent de fonds privés.
Du côté des financements pu
blics, les dons ont crû de 25 %, en
tre 2013 et 2017, quand les prêts ont
doublé sur la même période, pas
sant de 19,8 milliards à 39,9 mil
liards de dollars, ce qui agace les
pays en développement. « Finale
ment, nous nous endettons pour
payer la facture du réchauffement
dont nous ne sommes pas respon
sables », explique Alexander Chi
teme, ministre zambien du déve
loppement et de la planification.
julien bouissou
« Nous
cofinançons des
projets privés,
publics ou de la
société civile qui
n’auraient jamais
vu le jour sans
notre soutien »
YANNICK GLEMAREC
directeur exécutif du Fonds
vert pour le climat
A U TO M O B I L E
Fin de la grève
chez General Motors
Les 50 000 salariés américains
syndiqués de General Motors
ont approuvé, vendredi
25 octobre, un accord salarial,
valable quatre ans et négocié
au forceps avec la direction,
qui met fin à la plus longue
grève depuis cinquante ans.
Le mouvement paralysait les
usines depuis le 16 septem
bre. L’accord prévoit notam
ment une hausse des salaires
d’environ 3 % par an pendant
la durée du nouveau contrat
de travail. – (AFP.)
D É F E N S E
Le Pentagone attribue
à Microsoft un contrat
de 10 milliards de dollars
Le Pentagone a attribué, ven
dredi 25 octobre, à Microsoft
un contrat géant de stockage
de données en ligne (le
cloud) de 10 milliards de dol
lars (9 milliards d’euros),
pour lequel Amazon était
donné favori. Ce contrat de
dix ans vise à moderniser la
totalité des systèmes infor
matiques des forces armées
américaines dans un sys
tème géré par intelligence
artificielle. – (AFP.)
Les tarifs des
banques en ligne
des filiales des
grands groupes
français sont,
de loin, les plus
compétitifs, selon
une étude
Chaque
dimanche
16H-17H
Aurélie
Luneau
L’esprit
d’ouver-
ture.
En partenariat
avec
DE CAUSE
À EFFETS.
©RadioFrance/Ch.Abramowitz
Le magazine de
l’environnement