Le Monde - 27.10.2019 - 28.10.2019

(nextflipdebug5) #1
0123
DIMANCHE 27 ­ LUNDI 28 OCTOBRE 2019 international| 3

Liban : le Hezbollah se pose en rempart du système


Le chef du mouvement chiite, Hassan Nasrallah, a discrédité les appels à la démission du gouvernement


beyrouth ­ correspondant

A


ttitude déterminée,
confiante et tran­
chante, alternant criti­
ques et menaces, mises
en garde paternalistes et insinua­
tions fielleuses : le chef du Hezbol­
lah, Hassan Nasrallah, a prononcé,
vendredi 25 octobre, un discours
plein d’autorité. Dans une inter­
vention de près d’une heure, le
stratège du très puissant mouve­
ment chiite libanais s’est efforcé
de discréditer et d’intimider les
manifestants qui réclament, de­
puis mi­octobre, la démission du
gouvernement, qu’ils accusent
d’incurie et de corruption.
La différence de ton ne pouvait
pas être plus flagrante avec l’allo­
cution particulièrement terne
faite la veille par le président,
Michel Aoun. L’ex­général de
84 ans a invité les manifestants à
négocier, avec un visage inex­
pressif, tout en opposant une fin
de non­recevoir à leur principale
revendication.
« Nasrallah a prononcé un dis­
cours de chef de régime, comme si
celui d’Aoun n’avait servi à rien »,
observe Ayman Mhanna, le direc­
teur de SKeyes, une ONG de dé­
fense de la liberté d’expression au
Moyen­Orient, présent sur la
place Riad Al­Solh, l’épicentre de
la contestation à Beyrouth. « Dans
les faits, c’est Nasrallah le prési­
dent, qu’on le veuille ou non, il con­
trôle quasiment tout », soupire
Joseph, un entrepreneur de
32 ans, engagé lui aussi dans le
mouvement de protestation.

Le coup de semonce du patron
du Hezbollah, parti­milice sur­
armé, qui a tenu tête à l’armée is­
raélienne lors de la guerre de
2006 et a combattu aux côtés des
forces loyalistes en Syrie, a com­
mencé par un triple non. A la
démission du gouvernement, au
retrait du président et à des élec­
tions anticipées, une autre ren­
gaine de la rue.
« Dans le contexte monétaire et
économique actuel [une référence
aux craintes d’effondrement de la
livre libanaise] et le climat de fébri­
lité politique présent (...), le vide
mènera au chaos et à la destruc­
tion », a affirmé Hassan Nasrallah,
arguant du fait que ses adversai­
res ne seraient pas capables de
s’accorder sur un exécutif de rem­
placement ou bien une nouvelle
loi électorale.

Appel à un coup de balai
Un peu plus loin dans son dis­
cours, le chef du Hezbollah s’est
fait encore plus explicite. Il a agité
le spectre d’un retour à la guerre
civile, une carte toujours efficace
dans un pays qui peine à refermer
les plaies de quinze années de dé­
chirements (1975­1990). « Com­
bien de pays sont en guerre civile
autour de nous? Regardez l’Irak, a­
t­il lancé, le jour même où des af­
frontements dans ce pays fai­
saient une quarantaine de morts.
Vous voulez que le Liban devienne
comme ça? »
Magnanime, le religieux chiite
a déclaré être « prêt à payer le prix
de l’insulte que vous nous faites »,
une allusion à l’un des slogans­

phares de la mobilisation :
« Tous, ça veut dire tous et le Hez­
bollah en fait partie. » Un appel à
un coup de balai général, qui
n’épargnerait pas le mouvement
chiite, bien que celui­ci entre­
tienne l’image d’une formation
au­dessus de la mêlée.
Dans cet esprit, le religieux à la
grosse barbe grise a fait mine d’ac­
cepter que les manifestations con­
tinuent. Il a appelé ses partisans, à
l’origine d’échauffourées qui ont
fait plusieurs blessés, vendredi, à
se retirer du centre de Beyrouth. Et
il a enjoint les mutins de Riad
Al­Solh à se doter de représen­
tants (un manque réel, sorte de
maladie infantile des mouve­
ments de protestation arabes), de
façon que les négociations puis­
sent débuter avec le président.
Mais dans le même souffle,
après avoir tenté de semer la peur
parmi les frondeurs, Hassan
Nasrallah a veillé à semer le dis­
crédit et la discorde autour d’eux,
en ressortant la thèse inoxydable
du « complot ». « Les ambassades
étrangères », qui commence­

raient à tirer les ficelles ; les « par­
tis politiques connus », une allu­
sion aux Forces libanaises, une
formation de droite chrétienne,
qui auraient infiltré le mouve­
ment ; « les sources de finance­
ment », trop mystérieuses pour
être honnêtes ; et, bien sûr « l’en­
nemi israélien », qui se frotte les
mains. Nasrallah, dont le parti est
financé par l’Iran, a donné l’im­
pression de recycler tous les pon­
cifs du petit manuel de survie des
autocrates arabes.
« Ce n’est plus un mouvement po­
pulaire et spontané, a­t­il asséné.
Le Liban est désormais la cible
d’une intervention régionale et in­
ternationale. Il y a des gens propres
et nationalistes dans la rue. Mais
quel est leur pourcentage? C’est la
grande question. » Le caractère
outrancier de ces propos est à la
mesure du défi auquel le Hezbol­
lah est confronté. Si Nasrallah a
été jusque­là peu conspué par rap­
port à ses homologues, ce n’est
pas le cas de ses deux plus proches
alliés. Le ministre des affaires
étrangères, Gibran Bassil, chef du
Courant patriotique libre, un parti
chrétien, et le président du Parle­
ment, Nabih Berri, chef du mouve­
ment chiite Amal, sont les boucs
émissaires des manifestants.
« Or, Nasrallah a besoin du pre­
mier pour donner une légitimité
chrétienne à son arsenal et à son
ingérence dans la région, explique
Ali Mourad, professeur de droit à
l’université arabe de Beyrouth. Et
il a aussi besoin du second pour as­
seoir son hégémonie sur la com­
munauté chiite. » En affaiblissant

ces deux hommes, la révolte anti­
système menace de mettre à bas
le complexe échafaudage que le
parti a bâti ces dernières années.
Ce bijou d’ingénierie politique lui
permet d’occuper une position
dominante au sein du gouverne­
ment, sans apparaître en pre­
mière ligne. Une nécessité vitale
pour le parti, au moment où les
Etats­Unis, dans la lignée de leur
bras de fer avec l’Iran, cherchent à
l’affaiblir par tous les moyens.

Début de grogne chiite
L’autre inquiétude d’Hassan Nas­
rallah tient au début de grogne de
la communauté chiite. Depuis mi­
octobre, les milliers de personnes
ont protesté à Tyr et Nabatiyé,
deux bastions du tandem Amal­
Hezbollah. Des habitants de la Da­
hiyé, banlieue pauvre de Beyrouth,
autre terre à majorité chiite, ont
fraternisé dans le centre de la capi­
tale avec les classes moyennes
chrétiennes et sunnites – le gros
des manifestants. Du jamais­vu
depuis la fin de la guerre.
Le discours du « Sayyed » – un
titre attribué uniquement aux
descendants de Mahomet –
s’adresse d’abord à ces renégats.
L’argument du chaos et l’affirma­
tion, avancée sans preuve, qu’aux
barrages tenus par les protestatai­
res, des automobilistes se sont vu
demander leur carte d’identité,
visent à les faire revenir dans le gi­
ron du Hezbollah. « Il a touché aux
peurs primaires des chiites, celles
de la guerre, d’Israël, de l’Occident,
de l’autre en général, décrypte
Rose, une universitaire venue

Dans son
discours, Hassan
Nasrallah a agité
le spectre d’un
retour à la guerre
civile, une carte
toujours efficace
au Liban

manifester en famille. C’est malin
parce que pour réussir, la révolu­
tion a besoin d’être tripartite, chré­
tienne, sunnite et chiite. »
Les rassemblements prévus di­
manche permettront de mesurer
l’impact de cette opération de sa­
botage. Une affluence massive in­
fligerait un camouflet au respon­
sable politico­communautaire.
« Nasrallah est coincé, analyse le
professeur Ali Mourad. S’il inter­
vient, il est fautif et s’il n’intervient
pas, il est foutu. »
benjamin barthe

En Ombrie, l’alliance entre le PD


et le M5S passe à l’épreuve des urnes


L’élection régionale de dimanche 27 octobre est le premier test
électoral pour le nouveau gouvernement italien

pérouse (italie) ­ envoyé spécial

L


a photo de groupe, inimagi­
nable il y a quelques mois, a
finalement eu lieu. Ven­
dredi 25 octobre, pour le dernier
jour de la campagne en vue de
l’élection régionale en Ombrie
(centre de l’Italie), dimanche
27 octobre, le ministre de la santé,
Roberto Speranza, représentant
du parti de gauche Libres et égaux,
le secrétaire du Parti démocrate
(centre gauche), Nicola Zingaretti,
le chef du Mouvement 5 étoiles
(antisystème), Luigi Di Maio, et le
président du Conseil, Giuseppe
Conte, se sont retrouvés dans la
petite ville de Narni. Puis ils ont
posé, tout sourire, autour du can­
didat commun qu’ils soutiennent,
Vincenzo Bianconi, un entrepre­
neur de Norcia, commune encore
meurtrie par les conséquences
des séismes à répétition de 2016.
Le symbole est fort à deux jours
du premier test électoral depuis la
rupture de l’alliance entre la Ligue
(extrême droite) de Matteo Sal­
vini et le M5S : toutes les compo­
santes de la nouvelle coalition en­
tre le parti antisystème et la gau­
che sont représentées, exception
faite de la formation centriste
lancée en septembre par Matteo
Renzi, Italia Viva, qui a préféré
soutenir tièdement l’initiative.
Tandis que Nicola Zingaretti
réaffirmait son soutien au gouver­
nement Conte II, malgré les ten­
sions et ses réticences initiales
(« Quand on nous dit que nous
sommes très différents, je dois re­
connaître que c’est vrai, mais nous
sommes ensemble parce que nous
aimons ce pays »), Luigi Di Maio,
lui, voulait voir dans cet événe­
ment l’acte de naissance d’une
« troisième voie » entre la gauche et

la droite, et a assuré que « travailler
ensemble est déjà une victoire ».
Ce succès tactique se traduira­t­il
dans les urnes? Rien n’est moins
sûr. Face à leur candidat, la Ligue et
les partis de droite ont présenté la
sénatrice Donatella Tesei (Ligue),
que les derniers sondages crédi­
tent d’une légère avance et qui
pourrait bien arracher à la gauche
une région que cette dernière a
dirigé depuis un demi­siècle.
Comme à son habitude, le diri­
geant de la Ligue, Matteo Salvini,
s’est démené dans cette campa­
gne, multipliant les meetings.
Ecarté du pouvoir et en baisse
dans les sondages, il espère que le
scrutin en Ombrie marquera le dé­
but de sa reconquête. Aux journa­
listes, il a confié à plusieurs repri­
ses, ces derniers jours, qu’il « at­
tend[ait] cette élection comme un
enfant attend le Père Noël ».
De fait, la situation dans ce bas­
tion historique de la gauche peut
difficilement être plus favorable à
sa candidate. En effet, l’élection de
dimanche a été avancée de plu­
sieurs mois par la démission, en
mai, de la présidente (PD) de la ré­
gion, Catiuscia Marini, accusée
d’avoir couvert un vaste système
de concours de recrutement tru­
qués dans les hôpitaux (en Italie, la
santé fait partie des compétences

des régions). Et ce scandale a été ré­
vélé... par les conseillers régionaux
du M5S. Ceux­là mêmes avec qui le
PD local doit théoriquement faire
cause commune contre la droite.

Campagne surréaliste
L’annonce de la décision de pré­
senter une candidature unique, en
septembre, imposée par les états­
majors romains, a provoqué la stu­
peur au PD comme au M5S.
D’ailleurs, les candidats pour in­
carner cet étrange attelage ne se
sont pas bousculés. « Vincenzo
Bianconi, sur qui le PD et le M5S se
sont mis d’accord, n’est que le cin­
quième choix. Avant lui, quatre per­
sonnes se sont désistées, raconte le
journaliste Davide Vecchi, direc­
teur du Corriere dell’Umbria, le
quotidien local de Pérouse. Et son
profil pour incarner l’opposition à
la droite n’est pas idéal : il a été très
lié, par le passé, à Forza Italia [la for­
mation de Silvio Berlusconi], qui
se présente au côté de la Ligue! »
Le résultat de ce choix est une
campagne surréaliste, dans la­
quelle les dirigeants locaux du PD
et du M5S font à peine le mini­
mum pour soutenir du bout des
lèvres le candidat – venu de la
droite – que les états­majors ro­
mains ont désigné pour incarner
l’union de la gauche. « Au fond, le
véritable atout de Vincenzo Bian­
coni, analyse le professeur de
science politique pérugin Ales­
sandro Campi, c’est que Matteo Sal­
vini est venu faire une campagne
nationale, sur des thèmes qui ne
sont pas centraux en Ombrie. Les
migrants, dans cette région encla­
vée, ce n’est pas une préoccupation
majeure... Sans lui, peut­être que la
candidate de la Ligue, Donatella Te­
sei, aurait facilement gagné. »
jérôme gautheret

Le chef de la Ligue,
Matteo Salvini,
a répété qu’il
« attend[ait] cette
élection comme
un enfant attend
le Père Noël »

LE  PROFIL


Hassan Nasrallah
Chef incontesté du Hezbollah,
le « Parti de Dieu », qu’il dirige
depuis 1992, Hassan Nasrallah,
59 ans, a fait du mouvement
chiite libanais soutenu par l’Iran
un parti pivot de la politique liba-
naise et un acteur régional.
D’une milice auréolée par ses
succès contre l’armée israélienne
dans les années 1990 et 2000, le
Hezbollah s’est aujourd’hui mué
en puissant parti de gouverne-
ment et, critiquent ses adversai-
res, en un Etat parallèle au Liban.

Une comédie irrésistible.
TÉLÉRAMA

Un enchantement.


Un bijou.


Une merveille d’humour.


Somptueux.


Honoré est un génie.


Étourdissant.


Une comédie hilarante.On adore.


Une bulle de plaisir.


L’OBS

LE POINT

ELLE

CAUSETTE

Un quatuor dément.


Virevoltant.


PREMIÈRE

LES INROCKS LE JDD

PARIS MATCH

MARIANNE

LE FIGARO

SUD OUEST

UN FILM DE


CHRISTOPHE HONORÉ


Prix d’interprétation
Chiara Mastroianni
UNCER TAINREGARD
FESTIVALDECANNES

ACTUELLEMENT


CHAMBRE 212

CHIARA


MASTROIANNI


VINCENT


LACOSTE


CAMILLE


COTTIN


BENJAMIN


BIOLAY


Marc Paufi

chet pour la Flibuste / photo : © Jean-Louis Fernandez
Free download pdf