Le Monde - 27.10.2019 - 28.10.2019

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D I M A N C H E 2 7 - L U N D I 28 O C TO B R E 2 0 1 9

S’AIMER COMME ON SE QUITTE


Le sillon qui dépasse
du pantalon? Dégoûtant!
Proximité obscène avec
les fonctions d’excrétion
du corps, fashion faux pas
consommé... et puis
franchement, ce laisser-aller,
c’est un truc de prolo.
Classisme, vous avez dit

aussi de buttock cleavage
(le décolleté du postérieur).
On nous avait bien dit, depuis
les succès de Jennifer Lopez
et de Kim Kardashian, que
les fesses étaient devenues
les « nouveaux » seins. Logique
qu’elles soient mises en valeur,
depuis le début du millénaire,
par la mode des pantalons
taille basse. C’est vrai pour
les femmes, mais aussi
pour les hommes ayant cédé
aux sirènes du pantalon
saggy, lequel tombe parfois
sous les fesses. D’ailleurs,
pour décrire la ligne dessinée

sous des fesses, les Anglais
ont inventé l’underbutt.
Vous suivez? L’underbutt est
le sourire inversé du plombier.
Alors, la raie, on
l’abandonne? Certainement
pas, car du monde ouvrier
à celui des pêcheurs, tout est
joint : ainsi, quand la ficelle
d’un string dépasse, le sourire
du plombier devient une
queue de baleine (parce que
la fente dessine un petit Y).
Irrésistiblement, cette
queue-là nous appelle vers
les profondeurs.
Celles du langage, bien sûr.

classisme? Certainement. Et
jusque dans nos métaphores,
puisque la raie des fesses
est aussi qualifiée de raie
du maçon, ou de sourire du
plombier. On est loin de
l’austère sillon interfessier, ou
interglutéal, de la science. Cet
imaginaire du travail manuel
n’est pas propre à un mépris
français pour les ouvriers : on
parle de la fente du plombier
en anglais, et du décolleté
du maçon en allemand.
Puisqu’on est dans le
décolleté, rappelons que
les Anglo-Saxons parlent

L E S M O T S D U S E X E

Raie


Par Maïa Mazaurette

« Je me suis unie à lui et nous


serons un couple jusqu’au bout »


Deux jours dans la vie des amoureux. Le premier parce que tout s’y joue, le dernier
parce que tout s’y perd. Maroussia Dubreuil a recueilli ces moments-clés.
A chacun de deviner ce qui s’est passé entre-temps. Cette semaine, Françoise, 72 ans, raconte

Je participe à un stage de cadres au château de Bonnelles, dans
un grand parc, en vallée de Chevreuse. Pendant cinq semaines ré­
parties sur six mois, on nous offre le café le matin, la cuisine est
excellente et nous dégustons de bons vins. Nous prenons tous
trois kilos. Bien entendu, il y a une dominante masculine. Douze
hommes pour quatre femmes. Un garçon manqué, une ultra­
féministe qui emmerde tout le monde avec l’accord des adjec­
tifs aux deux genres et une mère de famille. Je suis la seule à être
vraiment libre, libérée mais pas vulgaire. J’approche de la quaran­
taine, je suis célibataire, je l’ai toujours été. Provocatrice, je ne laisse
jamais passer une occasion de dire un mot pour le plaisir de choquer.
Le premier matin, on nous donne un cas de management à ré­
soudre en petits groupes. Lui a déjà la réponse. Pas de discussion possi­
ble. J’en fais une question de principe et je m’insurge : « Moi, monsieur,
j’ai besoin d’être convaincue! Il faut qu’on me le démontre! » L’après­
midi, je ramène encore ma fraise et il me fait le signe de la boîte à ca­
membert : « Ça ne durera pas comme ça cinq semaines, madame! »,
coupe­t­il court. Je ne peux pas l’encaisser, il m’horripile.
Je ne supporte pas ses cheveux blonds un peu crépus ni ses
yeux bleus prétendument verts. Je n’aime que les bruns bien bruns
aux yeux noirs, il ne répond absolument à aucun critère physique de
mes préférences. Ni aucun critère intellectuel. J’ai l’habitude de fré­
quenter des gens brillants, des créateurs sinon des créatifs. Lui, ce
n’est pas le style brillant, c’est le style sérieux qui porte des chemises
blanches. Les fines rayures qu’on ne voit pas de loin, ça lui est impos­
sible. Heureusement, le hasard fait que nous sommes toujours placés
côte à côte : je n’ai même pas besoin de le regarder.
En troisième semaine, le voilà assis face à moi pour la première
fois. Le thème communication de la session nous pousse à faire
preuve d’imagination et les traits de caractère des uns et des autres se
révèlent peu à peu au­delà de la première apparence. Je l’entends dire
des choses profondes et même belles. Je ne m’attendais pas à ça. Puis
il évoque ses origines, pas de façon claire, mais je comprends que ses
cheveux crépus viennent du fait qu’il est sang­mêlé. Quarteron afri­
cain. Il a alors cet attrait de l’étranger qui suscite en moi l’envie de le
connaître. Le soir, il joue au jacquet avec une fille. Je ne sais pas jouer,
je n’aime pas les jeux de société mais je me glisse derrière lui et passe
la main dans ses cheveux, comme ça. Je m’attends à sentir du crin, je
découvre qu’il a les cheveux très doux. Il semble apprécier...
Insensiblement, nous nous rapprochons et parlons beaucoup.
J’apprends qu’il a vécu dans mon quartier, c’est un lien, et qu’il n’a
qu’un an de plus que moi. ou plutôt une gestation : il est né la veille du
mariage de mes parents. Moi, neuf mois après la cérémonie. Quand
nous jouons à la pétanque pendant les pauses, il lui échappe des mots
charmants, il m’appelle « Petit cœur ». Ça me touche beaucoup, jamais
personne ne m’a appelée comme ça. Il est prévenant et très vite je me
sens gênée. Je me suis montrée sous un jour tellement libre que j’ai
peur qu’il me juge. Mais sans doute parce qu’il a une grande connais­
sance du management et des hommes, il me perce à jour et ne me pose
aucune question. Il m’accepte tout de suite comme je suis. Ça ne
m’était jamais arrivé. Lors de la cinquième semaine, il vient me rejoin­
dre dans ma chambre. Le lendemain, un des participants un peu jaloux
m’appelle « Madame R. », du nom de mon nouvel amant. Je le gifle.

Premier jour


Nous sommes au bout du voyage. J’habite à l’hôpital parce que
je ne veux pas le laisser seul. Je me suis unie à lui et nous se­
rons un couple jusqu’au bout. Alors qu’il se noue quelque
chose d’hyper­dramatique dans cette chambre, le personnel
soignant remarque la sérénité qui s’en dégage. Jean est à l’ago­
nie, c’est sûr. On voit bien que l’issue fatale est proche mais je
ne peux pas encore croire qu’il va mourir.
Quatre mois plus tôt, le 21 avril, le médecin m’a convo­
quée pour m’annoncer que mon mari ne s’en sortira pas. Je ne dis
rien à Jean, je m’arrange pour qu’il ne s’aperçoive de rien, je veux lui
rendre la vie plus facile mais j’ai l’impression de vivre dans un men­
songe. Le soir, nous regardons Le Grand Chemin, alors je peux pleu­
rer. Quand nous nous mettons l’un contre l’autre pour dormir, je
donne libre cours à mon chagrin. Plus tard, je fonds en larmes dans le
cabinet de ma gynécologue. Elle comprend : « Madame, quand vous
aurez envie de pleurer, prenez rendez­vous et venez pleurer dans mon
bureau », me propose­t­elle. Il y a vraiment des gens gentils.
Il refuse que j’abandonne mon travail pour lui. Comme l’hôpi­
tal n’est pas loin de mon bureau, je le retrouve à l’heure du déjeuner et
le soir. Sous l’effet de la morphine, il se croit dans les geôles du roi du
Maroc. Ce n’est pas complètement idiot car son gastro­entérologue
est aussi le médecin d’Hassan II. Une nuit, Jean a failli sauter par la
fenêtre pour de bon. Je décide de dormir à l’hôpital, dans un fauteuil
puis sur un lit de camp que j’ai rapporté.
Je ne travaille plus, je suis là 24 heures sur 24. « Ça y est, nous
allons déménager parce que je ne veux pas que tu continues à dormir
comme ça », me glisse­t­il. Il vient d’obtenir une chambre à deux lits.
Nous les rapprochons. Nous restons là en permanence. Nous som­
mes toujours ensemble. Jean n’a d’yeux que pour moi. Sa mère a beau
se tenir devant lui, il me réclame dès que je disparais de son champ de
vision : « Où est ma femme, où est ma femme? » Il veut que nous ne
soyons jamais séparés. C’est comme s’il n’avait plus d’air à respirer
quand il ne me voyait plus. Alors, une preuve d’amour comme ça, on
ne peut pas en avoir deux dans la vie, ce n’est pas possible.
L’avant­veille au soir, nous prions ensemble. Nous ne som­
mes pas branchés là­dessus, ni lui ni moi, mais nous récitons un
Notre Père, un Je vous salue Marie et un Gloire à Dieu. « Si je m’en sors,
nous ferons le tour du monde », me confie­t­il juste après. Il a encore
en lui un si fort désir de vie, c’est terrible. Nous parlons jusqu’au der­
nier soir. Les infirmières comprennent que cela va arriver. Elles ont
laissé la lumière allumée. Il a des visions : « Ah, cet homme de 55 ans »,
murmure­t­il comme si quelqu’un lui faisait signe. Je répète son nom
sans cesse. Il ne dit plus rien mais respire fort. En fait, il râle. Moi, je
ne sais pas que c’est, le râle. Je crois que je m’endors au moment où il
meurt. Je ne sais pas si je suis consciente ou pas. Je ne sais pas. Je me
le reproche encore. Il meurt dans une sérénité totale.
Son passage dans ma vie est tellement bref mais tellement
fort que ça la remplit encore. Je dis toujours que je suis à moitié
morte mais que je suis aussi à moitié vivante. Je suis heureuse
d’avoir vécu ma vie à cause de ce que j’ai vécu avec lui. C’est ma seule
histoire d’amour qui mérite d’être racontée. La seule que je peux ap­
peler Amour. Elle ne me semble pas vraiment finie. Et j’ai la certitude
que je le retrouverai là­haut.

Dernier jour


L E M O T D E L A S E M A I N E

Excuse


n. fém.

Utile pour se sortir d’embarras,


Comme l’a expérimenté Sébas-


tien Vahaahamina, qui s’est ex-


cusé après son coup de coude en


quarts de finale de la Coupe du


monde de rugby France-Galles.


L’arbitre du match, Jaco Peyper,


a dû s’excuser à son tour après


avoir moqué le geste coupable


au milieu de supporteurs gallois,


hilares. « Inexcusable », comme


dirait l’irréprochable patron du


rugby français, Bernard Laporte.


BLOC-NOTES

FOUDROYANT


UN SEPTUAGÉNAIRE n’a pas survécu à un
malaise cardiaque survenu en plein ébat
amoureux avec une femme de son âge,
le 17 octobre. Selon Le Républicain lorrain, qui
rapporte les faits, les deux amants s’étaient
rencontrés le jour même dans une petite ville
des Vosges, un coup de foudre aussi récipro-
que que fatal contracté lors d’une prome-
nade qui finalement n’aura pas été de santé.

75 %


des femmes en couple sont
avec un homme qui sort les
poubelles sans rechigner et/
ou 60 % vivent avec un par-
tenaire qui fait la vaisselle
ou remplit le lave-vaisselle,
selon une récente étude
de l’IFOP conduite auprès de
5 026 Européennes de 18 ans
et plus. MAIS : 28 % d’entre
elles ont un compagnon
ou mari qui, même s’il fait
les courses, essaye d’éviter
de les faire, qui ne repasse
jamais (71 %) et ne nettoie
jamais les sanitaires (52 %)

MÉNAGE HEUREUX

Après avoir été prévenu
par des voisins que
des intrus s’activaient
dans leur maison,
un couple canadien a
appelé la police d’Upper
Tantallon, en Nouvelle­
Ecosse. Sur place,
les enquêteurs ont dé­
couver t deux femmes
de ménage en train
de nettoyer le domicile
après s’être trompées
d’adresse. La gendarme­
rie royale a profité
de cette méprise pour
rappeler à chacun
de « s’assurer que leurs
portes sont fermées
à clé tout le temps »,
selon le site Globalnews.

MC BESS
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