Libération - 22.10.2019

(Michael S) #1

Un retrait, mais peut-être
pas en totalité. Deux semai-
nes après l’annonce inopi-
née du départ des troupes
américaines du nord-est de
la Syrie par Donald Trump,
ce dernier a annoncé lundi
qu’un «petit» nombre de
­militaires américains de-
meureraient sur le sol sy-
rien. Ces 200 soldats au sol,
dixit le New York Times, se-
raient entre autres chargés
de s’assurer que les champs
pétroliers et gaziers de Deir
el-Zor ne soient pas à nou-
veau accaparés par l’EI, a as-
suré Mark Esper, le secré-
taire d’Etat à la Défense. Les
jihadistes avaient notam-
ment pris le contrôle de ceux


d’Al- Omar et de Conoco
avant d’en être chassés par
les Forces démocratiques sy-
riennes (FDS), en 2017.
Si le revirement du prési-
dent américain était acté,
cela ne changerait rien à
l’actuelle offensive turque
contre les forces kurdes.
Celle-ci a été déclenchée
le 9 octobre, trois jours après
que Trump a décidé de ra-
patrier les militaires améri-
cains déployés au Kurdistan
syrien. Où il restait alors en-
viron 1 000 soldats améri-
cains, membres des forces
spéciales pour la plupart,
qui appuyaient les FDS. Tra-
hies par leur ancien allié, les
autorités kurdes se sont de-

Saad Hariri
Premier ministre
libanais Reuters

En Israël, pas une semaine ne
passe sans qu’un gros titre ne
fasse frémir en évoquant l’hy-
dre iranienne assiégeant l’Etat
hébreu sur tous
les fronts, du Li-
ban à Gaza, en
passant par la Sy-
rie et désormais l’Irak. Comme
aime à le répéter Benyamin
Nétanyahou (d’autant plus
quand les nuages judiciaires
s’accumulent), Israël ferait face
à trois menaces existentielles :
«L’Iran, l’Iran et l’Iran.» Au-
tant de raisons, à l’entendre,
d’envoyer à la nuit des chas-
seurs F-16 toujours plus loin
de ses frontières et, surtout,
de maintenir le «roi Bibi» sur
son trône.
On ressent pourtant une
forme de décalage, attablé
chez Sabzi Gourmet, l’un des
restaurants perses du marché
aux épices de la rue Levinsky,
dans le sud de Tel-Aviv. Face à
une plâtrée de riz pilaf et de
brochettes de bœuf, on évolue
dans une réalité parallèle, un
monde englouti. Au mur est
punaisé un drapeau du lion
solaire, totem national jusqu’à
la révolution islamique. Le
fond sonore est un flot de ba-
lades lacrymales chantant le

paradis perdu en farsi. Et en-
core, ici, contrairement à un
autre resto à 50 m de là, chez
Sabzi, pas de portrait encadré
du Shah, symbole
de cet Iran qui fut
l’un des premiers
pays musulmans à
reconnaître Israël et n’avait
pas fait de sa destruction un
pilier idéologique.
La perception de l’Iran par
les Israéliens est plus com-
plexe que le croque-mitaine
qu’en fait Nétanyahou. Fan-
tasmé et honni, mais aussi
avec l’idée générale que la po-
pulation est victime du régime
plutôt qu’ennemie, l’Iran à
leurs yeux, c’est Mars – ou
­plutôt l’Etoile noire pour filer
la métaphore. Mais pour les
200 000 Israéliens d’origine
perse, dont un quart est né là-
bas avant la prise de pouvoir
par les mollahs en 1979, c’est
la maison.
Un jour qu’on y feuilletait une
biographie de Nétanyahou,
un voisin de table quinqua­-
génaire, né à Téhéran, nous
a demandé si le livre parlait
d’Abou Jihad. Prétexte pour
raconter, yeux brillants, ce qui
était encore il y a quelques an-
nées un secret d’Etat : l’assas-

Terres
promises

Conscient qu’aucune annonce de son gouvernement
ne pouvait offrir une réponse à la hauteur du mou-
vement spectaculaire qui a rassemblé tout le week-
end près du quart de la population dans les rues du
Liban, le Premier ministre, Saad Hariri, a néanmoins
qualifié de «mesures essentielles et nécessaires» les
décisions prises lundi par la coalition qu’il dirige.
Certaines sont symboliques, comme la baisse de
50% des salaires du Président, des ex-présidents, des
ministres et des députés. D’autres, plus concrètes,
portent sur l’annulation de toutes les taxes annon-
cées, y compris celle sur l’application WhatsApp, qui
avaient mis le feu aux poudres. De nouvelles taxes
sont imposées sur les banques tandis que la privati-
sation de l’électricité devrait remédier au désordre
et aux pénuries. Si ces réformes répondent à plu-
sieurs revendications des manifestants, Saad Hariri
n’appelle pas pour autant à l’arrêt de la protestation :
«C’est vous qui déciderez», a-t-il dit, non sans déma-
gogie. Pour le parti Sabaa, qui représente la société
civile, c’est tout vu. Ce dernier continue d’exiger la
fixation d’une date pour des législatives anticipées,
la démission du gouvernement, un accord sur un
cabinet réduit composé de spécialistes pour organi-
ser les législatives. Et l’adoption de la loi sur la resti-
tution de l’argent public.


Espagne


Le chef du gouvernement
espagnol et celui de l’oppo-
sition sont allés lundi en Ca-
talogne pour rendre hom-
mage aux forces de l’ordre
après une semaine de violen-
tes manifestations pro-indé-
pendance qui ont changé la
donne de la campagne des
­législatives du 10 novembre.
Les derniers sondages pu-
bliés sont désormais défavo-
rables au Premier ministre
socialiste, Pedro Sánchez.

royaume-uni


Le président de la Chambre
des communes, John Ber-
cow, a refusé de soumettre
au vote des députés lundi
l’accord de Brexit conclu
entre Londres et l’Union eu-
ropéenne, expliquant que la
motion avait déjà été exami-
née samedi. Il faudra donc
attendre l’étude des textes
d’application, plus com-
plexes, pour savoir si le Parle-
ment britannique donne son
feu vert au compromis.

sinat du chef militaire du Fa-
tah à Tunis en 1988. Notre
homme était dans le bateau
pneumatique des forces spé-
ciales envoyées dessouder le
dirigeant palestinien dans
sa villa de Sidi Bou Saïd. «J’ai
pas tiré. Dommage. Mais
mon poste, c’était de garder le
canot.» On s’est habitué à ce
genre d’anecdotes dans une
région où chaque interlocu-
teur a un jour touché sang,
tragédie et histoire.
Religieux et patriotes, les Juifs
perses d’Israël penchent
­sévèrement à droite, fantas-
sins du Likoud. L’un des leurs,
Moshe Katsav, fit leur fierté,
qui s’éleva des bidonvilles
qu’étaient les camps d’immi-
grés «orientaux» à la prési-
dence de l’Etat, avant de tom-
ber pour viols. Chez Sabzi,
on a vu l’ex-cheffe du Meretz
(le parti du «camp de la paix»)
et son assistant se voir refuser
le service pour des motifs
­vaseux, avant que le patron
n’éclate de rire une fois le
duo de «gauchistes» décou-
ragé. La soupe à l’orge, ce
jour-là, était plus amère que
d’ordinaire.
Guillaume Gendron
(à Tel Aviv)

260


C’est, en millions de dollars, le montant de
l’accord à l’amiable que quatre sociétés phar-
maceutiques ont signé lundi pour éviter un
procès inédit sur la crise des opiacés qui ra-
vage les Etats-Unis. Cet accord, trouvé juste
avant l’ouverture du grand procès prévue dans
l’Etat de l’Ohio, qui devait opposer des géants
pharmaceutiques et des Etats et collectivités loca-
les, ne concerne que deux comtés et s’applique à
trois grands distributeurs et un labo israélien.
Reste à trouver un accord plus large pour solder
toutes les plaintes (quelque 2 700) qui pourrait se
chiffrer en dizaines de milliards de dollars. Un
possible record depuis l’accord trouvé avec les
grands cigarettiers américains en 1998.

Tel-Aviv : la réalité parallèle


du «Little Téhéran»


#right to know : contre la censure officielle, la presse
australienne noire de rage La une et les premiers papiers des journaux
nationaux et régionaux étaient couverts d’encre noire lundi en Australie.
Objectif de cette protestation concertée : obtenir que les journalistes ne soient
pas soumis à la législation très stricte en matière de sécurité nationale, à
l’origine de perquisitions chez une journaliste de News Corp et au siège d’ABC.
Et d’une «culture du secret» au sein du gouvernement qui «restreint le droit de
tout Australien à être informé», selon Paul Murphy, chef du syndicat Media
Entertainment and Arts Alliance.

Israël


Benyamin Nétanyahou a
annoncé lundi qu’il renon-
çait à former un gouverne-
ment après les législatives
du 17 septembre dont les ré-
sultats étaient très serrés.
«Il y a peu de temps j’ai an-
noncé au chef de l’Etat que je
renonçais à former un gou-
vernement», a ainsi déclaré le
Premier ministre israélien
dans une vidéo mise en ligne
sur Facebook, en s’adressant
aux «citoyens israéliens».

puis rapprochées du régime
syrien et de son principal al-
lié avec l’Iran, la Russie.
En parallèle, le retrait des
troupes américaines se
poursuit dans le Nord, le
long de la frontière turque.
Des dizaines de blindés ont
été filmés quittant Ka-
meshli. Où des passants se
sont mis en travers de leur
route, hurlant à «la traîtrise
des Américains». Les convois
ont rejoint une base améri-
caine près de Mossoul, non
loin de la frontière, qu’ils
pourraient à nouveau fran-
chir pour mener des opéra-
tions de contre-terrorisme,
a prévenu Washington.
Luc Mathieu

Trump garde «un petit»


nombre de soldats en Syrie


«Votre voix est entendue


et si vous réclamez des


élections anticipées, moi,


Saad Hariri, je suis avec


vous personnellement.»


Libération Mardi 22 Octobre 2019 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 13

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