Les Echos - 22.10.2019

(avery) #1

Les Echos Mardi 22 octobre 2019 ENTREPRISES// 19


eaux souillées dans le fleuve? Il a
fallu réagir vite, très vite. « Les ser-
vices du lamanage [qui aident les
bateaux à appareiller ou amar-
rer], qui ont une mission antipollu-
tion avec une disponibilité H24,
mettent en place vers 5 heures du
matin un premier barrage flottant
au niveau de la canalisation de
l’usine la plus en aval », explique
Pascal Bonnel, commandant de
port à Rouen.

Plan Polmar
Mais l es débits d’eau élevés com-
binés aux forts coefficients de
marée annoncés (ce jour-là, la
marée se faisait sentir jusqu’à
Rouen) amènent l’Etat à chan-
ger de braquet et à recourir aux
grands moyens. « Le préfet a sol-
licité jeudi vers 11 heures la mobi-
lisation des moyens du plan Pol-
mar – habituellement destinés

aux pollutions maritimes –, ce qui
nous a permis de mettre en place
des moyens lourds de lutte contre
les pollutions, basés au Havre »,
raconte François Bellouard, le
directeur adjoint de la direction
départementale des territoires
et de la mer (DDTM) de Seine-
Maritime.

Courants artificiels
Un nouveau barrage flottant, plus
important, arrive dans la journée
par voie terrestre. Il est installé vers
16 heures par le service de lama-
nage. Le premier barrage est alors
déplacé vers le fond du bassin pour
pousser et concentrer les polluants.
Les services portuaires avaient
aussi mis en place un système de
courants artificiels avec des jets
d’eau fournis par des remorqueurs
pour pousser les hydrocarbures
vers le fond du bassin.

Cette organisation a permis de
« contenir la pollution dans le bas-
sin », observe Pascal Bonnel. « Les
filets d’hydrocarbures qui ont réussi
à s’échapper ont été repêchés par le
service du lamanage au moyen de
boudins absorbants en matière
hydrophobe, qui n’aspirent que les
polluants. »
Mobilisée aussi dès le 26, la
société spécialisée Séché Environ-
nement a pu, dès 16 heures, com-
mencer à pomper les polluants du
bassin portuaire. Soit environ
150.000 litres récupérés au total
puis adressés aux spécialistes des
déchets et de la dépollution Sedi-
bex et Valgo. La lutte se concentre
désormais sur le nettoyage des
canalisations de Lubrizol. Un
préalable avant de se pencher vers
un curage plus lourd, celui des
sédiments pollués qui traînent au
fond du bassin. —C. G.

Comment la Seine a évité la marée noire


La pollution de la Seine était annon-
cée. Elle devait mécaniquement
arriver. Pour maîtriser l’incendie
des entrepôts de stockage de Lubri-
zol, jeudi 26 septembre, les pom-
piers avaient utilisé de très grosses
quantités d’eau pompées dans la
Seine. Cette eau mêlée aux hydro-
carbures et déchets du site allait
être évacuée par les réseaux d’eau
pluviale de Lubrizol donnant sur
un bassin du port de Rouen qui
communique avec la Seine.
Comment faire pour éviter un
catastrophique relargage de ces

Jeudi 26 septembre, date
de l’incendie de Lubrizol,
une grave pollution
de la Seine a été évitée
par les services portuaires
et l’Etat. Les gros moyens
du plan Polmar ont été
employés en urgence.

307 emplois. Le nouveau plan p ré-
voit la suppression de 485 postes à
Belfort, contre 792 annoncés en
mai. « Surtout, il conduit à un pro-
jet industriel », se félicite Alexis
Sesmat, délégué Sud à Belfort.
Le doute était pourtant permis à
l’ouverture de l’assemblée générale
ce lundi matin. L’intersyndicale
CGC-Sud avait réuni les salariés
pour voter à main levée sur le com-
promis négocié avec la direction, à
Bercy, la semaine dernière. La CGT
avait annoncé samedi qu’elle ne
validerait pas ce nouveau plan.
Environ 90 % du millier de salariés
réunis ont voté pour le compromis.
Négocié âprement avec le direc-
teur des opérations pour l’Europe
Patrick Maffeis sous l’arbitrage de
Bercy, après que l’intersyndicale a
contraint l e gouvernement à
s’impliquer dans le dossier, l’accord
de méthode signé lundi prolonge la
période d’information-consulta-
tion jusqu’au 29 novembre.

Il dessine les contours d’un nou-
veau projet industriel qui devra
être mis en place à la fin du pre-
mier semestre 2020. Ce projet
devra répondre aux accords pas-
sés entre GE et l’Etat en novem-
bre 2014, notamment en remettant
« des décideurs » à la tête du site. Il
devra également définir un péri-
mètre d’activités industrielles et
garantir un nombre d’emplois
minimum.

Suppression de RTT
L’effectif du site é voluera de
1.760 postes à 1.400 grâce à des
départs volontaires avant fin mars
2020, et à 1.275 postes à partir du
dernier trimestre. « Nous espérons
pouvoir négocier encore pour arriver
à zéro départ contraint », indique
Philippe Petitcolin, délégué CGC.
En contrepartie, les signataires
s’engagent des économies de
12 millions d’euros par an, qui pas-
sera par la cession des bâtiments, la

Monique Clémens
—Correspondante à Besançon


La lutte n’aura pas été vaine pour
les salariés belfortains de General
Electric. Cinq mois de rudes négo-
ciations entre l’intersyndicale, la
direction du groupe et le gouver-
nement auront permis de sauver


ÉNERGIE


Après cinq mois de
négociations et deux
semaines de grève, un
compromis a été voté
par les salariés.


Il devrait sauver
307 emplois en
échange d’un plan
d’économies de 12 mil-
lions d’euros par an.


à suivre


Nucléaire : rien n’est tranché, assure
la ministre Elisabeth Borne

ÉNERGIE Le gouvernement n’a pas pris sa décision quant à la
construction d e nouvelles centrales nucléaires, a assuré lundi la
ministre de la Transition écologique. « Ça n’est pas EDF, ni son
PDG, qui fixent la politique énergétique du pays », a dit Elisabeth
Borne sur Europe 1, relevant que « ce qu’on attend d’abord d’EDF
c’est des explications sur les dépassements de coûts et les délais de
Flamanville ». « Il y a différents scénarios, avec des nouveaux
réacteurs, c’est celui qu’étudie EDF. Je vous confirme que c’est un
scénario parmi d’autres, on a également à l’étude des scénarios
100% énergies renouvelables », a-t-elle déclaré.

Les dispositions anti-gaspillage
étendues aux cantines privées

ALIMENTATION Le gouvernement a pris lundi une ordonnance
sur le gaspillage alimentaire permettant d’étendre les disposi-
tions de la Loi Garot aux secteurs de la restauration collective
privée et de l’agroalimentaire, a indiqué la porte-parole du gou-
vernement. L’ordonnance étend à l’ensemble des opérateurs de
la restauration collective privée l’obligation de lutte contre le
gaspillage alimentaire, déjà imposée à la restauration collective
publique. Elle élargit aussi à tous les opérateurs de la restaura-
tion collective et de l’industrie agroalimentaire l’interdiction,
qui s’applique aux distributeurs, de rendre les invendus alimen-
taires encore consommables impropres à la consommation.

suppression de 10 jours de RTT


  • qui seront payés en heures sup-
    plémentaires –, la réduction des
    primes pour les salaires de plus de
    90.000 euros par an et une exigence
    de productivité de plus de 5 % pen-
    dant deux ans.
    Bruno Le Maire a salué « le sens
    des responsabilités des salariés ». Le
    ministre d e l’Economie s’est n otam-
    ment entretenu plusieurs fois avec
    le patron du conglomérat améri-
    cain, Larry Culp, ces dernières
    semaines. La direction de GE a
    salué également le « déblocage » des
    sites de Belfort et Bourogne qui
    avait perturbé la production.
    Les collectivités locales main-
    tiennent toutefois la pression.
    « La Région déposera, tout comme
    le Grand Belfort, un recours admi-
    nistratif contre l’Etat [pour n’avoir
    pas fait respecter l’accord de
    2014, NDLR], et s’engage à le reti-
    rer si des engagements forts sont
    obtenus ».n


A Belfort, un compromis a enfin été


trouvé chez General Electric


Lubrizol : le traitement


de 1.400 fûts de produits


chimiques va commencer


La plupart des fûts restant contiennent des additifs et 160 d’entre eux renferment des antioxydants
qui, ayant chauffé, sont susceptibles d’émettre des bouffées très toxiques de sulfure d’hydrogène.
Photo Philippe Lopez/AFP

Claire Garnier
—Correspondante à Rouen


Presque un mois après l’accident,
Lubrizol continue d’agiter les rive-
rains et les pouvoirs publics. Eric
Schnur, le PDG du groupe améri-
cain propriétaire de l’usine pétro-
chimique qui a brûlé à Rouen (Sei-
ne-Maritime), doit être entendu ce
mardi 22 octobre par la Commis-
sion d’enquête du Sénat. Les parle-
mentaires se rendront d’ailleurs
sur le terrain jeudi – le jour où
seront également auditionnés les
représentants de l’Etat dans le
cadre de la mission d’information
de l’Assemblée nationale sur
l’incendie. Et le préfet réunira ven-
dredi la deuxième session du
« Comité pour la transparence et le
dialogue » chargé des questions
d’indemnisation et du suivi épidé-
miologique.
Sur place, 26 jours a près
l’incendie d’entrepôts de stockage
de l’usine Seveso seuil haut (clas-
sée parmi les plus dangereuses) et
de ceux de son voisin Normandie
Logistique, une installation clas-
sée, la remise en état des deux
sites se poursuit. Les équipes de
Lubrizol entament ce mardi le
transfert de 1.389 fûts métalliques
dégradés et inutilisables, trans-
fert qui pourrait s’é taler sur plu-
sieurs semaines.


Robots à la rescousse
Fragilisés car ayant été exposés à la
chaleur, ces fûts d ’environ 200 kg ne
peuvent être manipulés par des
moyens classiques. « Pour protéger
nos employés ainsi que les interve-
nants, nous avons défini un proto-
cole validé par les services de l’Etat. Il
comprend un équipement de confi-
nement de 1.000 m^2 en dépression
d’air recouvrant toute la zone des
fûts ainsi qu’une manipulation
robotisée de ces fûts », a expliqué


aux « Echos » Guillaume Gohier,
manager HSE de Lubrizol.
La plupart des fûts contiennent
des additifs (les produits finis de
Lubrizol) et 160 d’entre eux, plus
délicats à traiter, renferment des
antioxydants – dont des produits
soufrés. Ayant chauffé, ceux-ci sont
susceptibles d’émettre des bouffées
du très i ncommodant mercaptan e t
du très toxique sulfure d’hydro-
gène, appelé aussi hydrogène sul-
furé (H 2 S).

Tous les fûts seront traités par un
gros engin de chantier télécom-
mandé de la société Perfo Sciage
Diamant (PSD) installée à La Vau-
palière, près de Rouen, et spéciali-
sée dans les démolitions comple-
xes. Le robot viendra attraper
chacun des fûts au moyen d’une
grosse « pince » pour son traite-
ment sur place. Le contenu liquide
sera neutralisé dans un bac conte-
nant de la soude, et les éventuelles
émissions gazeuses traitées par un
système d’aspiration relié à l’unité
d’élimination des gaz de l’usine qui
fonctionne 24 heures sur 24.
Les fûts et carcasses de fûts pren-
dront ensuite la direction du centre
de traitement de déchets dange-
reux Sedibex du Havre, filiale de
Veolia qui emploie 86 salariés.
« Nous avons déjà traité 194 tonnes
de déchets en lien avec l’incendie de
Lubrizol issus des pompages des
déchets sur le site, de fûts brûlés,
d’eaux d’extinction et de produits
d’émulsion utilisés par les pompiers
pour éteindre l’incendie », explique
François Thuillier, son directeur
général.

Pour le traitement de ses
1.389 fûts, Lubrizol affirme ne
s’imposer aucune cadence de trai-
tement. « Nous donnons la priorité à
la sécurité des intervenants et à la
prévention des odeurs. Cela prendra
le temps que cela prendra », souligne
Guillaume Gohier. Les services de
l’Etat sont sur la même longueur
d’onde. « L’opération doit être con-
duite fût par fût, s ans précipitation »,
martèle P atrick B erg, le directeur de
la Direction régionale de l’environ-
nement (DREAL).
De l’autre côté de la Seine, les
manèges de la deuxième plus
grande fête foraine de France ont,
eux, commencé à tourner, au pre-
mier jour des vacances de la Tous-
sa int. Le délicat chantier de Lubri-
zol n’a pas dissuadé le maire de
Rouen d’autoriser la foire Saint-Ro-
main. Au pied du Pont Flaubert, à
500 mètres de l’usine Lubrizol.n

lLes équipes de Lubrizol entameront ce mardi le trans-


fert de 1.400 fûts métalliques dégradés après l’accident


de l’usine de Rouen, il y a un peu moins d’un mois.


lL’opération pourrait s’étaler sur plusieurs semaines.


lPour les manipuler et les neutraliser, le chimiste a fait


appel à un robot de la société rouennaise Perfo Sciage


Diamant.


CHIMIE


Les fûts et carcasses
de fûts prendront
la direction du centre
de traitement
de déchets dangereux
Sedibex du Havre.
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