Les Echos - 22.10.2019

(avery) #1

20 // ENTREPRISES Mardi 22 octobre 2019 Les Echos


française à acheter », a-t-il indi-
qué, la BPI pouvant « être votre
point d’entrée. Tout sera vendu,
mais je préférerais que ce soit à
vous plutôt qu’à des groupes chi-
nois ou américains », a conclu le
patron de la banque publique.
De fait, le stock total de capi-
tal investi par des industriels
allemands dans l’Hexagone se
limite à 11 milliards d’euros. En
parallèle, la France affiche un
déficit commercial annuel de
15 à 17 milliards avec l’Allema-
gne, essentiellement i ndustriel.
« C’est comme si on avait trans-
féré en dix ans 150 milliards
d’euros de fonds propres outre-
Rhin! Il faut que cet argent
revienne sous forme d’investis-
sement productif », a martelé
Nicolas Dufourcq.
Devant l’auditoire, un panel
de chefs d’entreprise allemands
et français ayant fait des acquisi-
tions de part et d’autre d u Rhin, il
a enchaîné sur les atouts de ces
opérations, une fois levés les
obstacles linguistiques et cultu-
rels. Le directeur g énéral d e Che-
moform, spécialiste de l’assai-
nissement de l’eau des piscines,
Cedric Mayer-Klenk, a témoi-
gné, après avoir finalisé ce
mois-ci une deuxième acquisi-
tion en France. « Nous avons
invité les équipes françaises au
siège de Wendlingen et multiplié
les échanges pour créer un esprit
de groupe qui assure une commu-
nication fluide », a-t-il raconté.

Créer un « M-40 »
franco-allemand
Cette fluidité, Henri Marchetta,
président de Macalac, fabricant
français de pelles polyvalentes
sur pneus et sur chenilles, l’a
confirmé. Après le rachat, il y a
quinze ans, d’une société dans
le Schleswig-Holstein, « ce fut
très difficile, car la culture du chef
y était très forte », a-t-il raconté.
« L’entité est devenue une forte-
resse à la main du directeur géné-
ral et de son directeur financier. I l
a fallu s’en séparer et réorganiser
les circuits de décision pour enfin
bénéficier de l’esprit d’équipe des
Allemands », se souvient Henri
Marchetta. Mais « quand elle
fonctionne, la coopération fran-
co-allemande est extrêmement
puissante », a-t-il conclu.
Nicolas Dufourcq ambitionne
de créer un accélérateur franco-
allemand avec 5 entreprises
familiales de chaque nationalité
pour faciliter cette coopération.
« Ce sera gagné quand chacun se
moquera de ses propres défauts »,
a relevé le patron de la BPI. D’ici
là, ce dernier a annoncé la mise
en route d’un premier club de
dirigeants franco-allemands
dans le secteur de la santé, réu-
nissant dix PME du secteur.n

Opération


séduction


de bpifrance


en Allemagne


lions de dollars, selon Bloomberg, a
été trouvé dans la nuit de dimanche
à lundi avec les trois géants de la dis-
tribution de médicaments aux
Etats-Unis et le laboratoire pharma-
ceutique Teva pour solder les plain-
tes de deux comtés de l’Ohio.
L’accord donne un peu de temps à
l’industrie pharmaceutique : ces
deux collectivités locales devaient
ouvrir lundi à Cleveland (Ohio) le
procès-fleuve de la crise des opiacés.
Il ne signe toutefois pas la fin des
contentieux : le procès prévoyait
d’examiner les plaintes de 2.300 vil-
les, h ôpitaux ou Etats américains qui
accusent le secteur pharmaceutique
d’avoir favorisé, par la diffusion mas-
sive de médicaments antidouleur, la

dépendance et la mort de dizaines de
milliers de personnes aux Etats-
Unis – 400.000 morts par overdose
d’opioïdes ont été recensées ces vingt
dernières années. Les plaintes des
deux comtés de l’Ohio, particulière-
ment touchés par les overdoses,
devaient servir de « pilote » pour le
déroulement du processus.

Solder les contentieux
Chargé de conduire ce premier pro-
cès fédéral, le juge Dan Polster a
encouragé la voie d’un règlement
global à l’amiable. Plusieurs acteurs
du secteur ont d’ailleurs déjà négo-
cié. Si le pharmacien Walgreens
Boots Alliance, également visé par
les plaintes, n’a pour l’instant pas

fait part d’un accord, Johnson &
Johnson avait déjà négocié avec les
deux comtés de l’Ohio, signant un
chèque de 20 millions de dollars.
Les avocats devraient mainte-
nant continuer à discuter pour ten-
ter d’arracher un accord global.
Deux laboratoires pharmaceuti-
ques (J & J et Teva) et les trois distri-
buteurs de médicaments (Ameri-
sourceBergen, Cardinal Health et
McKesson) ont proposé, selon la
presse américaine, près de 50 mil-
liards de dollars pour s older l es con-
tentieux. La somme serait versée en
cash et en médicaments sur une
période de dix-huit ans.
Si elles estiment toujours avoir
respecté les règles en vigueur pour

commercialiser leurs médica-
ments, ces entreprises veulent
tourner la page du scandale et
redoutent l’incertitude liée à un
procès. En août, le laboratoire
Johnson & Johnson a de fait été
condamné à une amende de
572 millions de dollars dans un pre-
mier procès intenté par l’Okla-
homa – le groupe a décidé de faire
appel.
Deux autres laboratoires (Pur-
due Pharma et Teva) avaient pré-
féré négocier avec l’Etat et ont
accepté de payer respectivement
270 et 85 millions de dollars.
Depuis, Purdue Pharma, fabricant
de l’OxyContin, s’est, de son côté,
placé sous le régime des faillites

dans le cadre d’un large accord avec
une multitude de plaignants.
Les collectivités locales et les
hôpitaux dénoncent dans leurs
plaintes des pratiques commercia-
les agressives de la part des labora-
toires et le laxisme de certains distri-
buteurs. Et veulent être indemnisés
pour les traitements coûteux des
malades dépendants aux opioïdes.
Selon la presse américaine, les
premières tentatives de règlement à
l’amiable avaient notamment
achoppé sur l’usage des fonds
d’indemnisation et, en particulier,
leur répartition entre l’échelon
local e t les E tats. La niveau d e rému-
nération des avocats aurait égale-
ment créé des tensions.n

Aux Etats-Unis, un accord partiel trouvé dans la crise des opioïdes


Véronique Le Billon
— Bureau de New York


In extremis. Après des semaines de
discussions, un accord à 250 mil-


PHARMACIE


Trois distributeurs
de médicaments
et un laboratoire
ont trouvé un accord
avec les deux collecti-
vités locales de l’Ohio
qui devaient ouvrir
lundi le procès-fleuve
de la crise des opiacés.


situés entre 329 et 589 kilomètres
du sol terrestre. « Après que SpaceX
a démontré ses capacités dans les
fusées, puis dans les voitures élec-
triques, on ne peut balayer ce dossier
d’un revers de main », constate
Alexandre Vallet, chef de la division
des services spatiaux à l’UIT, qui
évoque toutefois une curieuse
« guerre des déclarations » dans
le domaine des constellations. A
ce jour, Iridium, la plus grande
constellation jamais lancée dans
l’espace, compte... 66 satellites!
Mais y aura-t-il la place pour tous
ces projets? L’espace est grand, oui,
indéniablement, confirme Alexan-
dre Vallet. En revanche, la possibilité
d’émettre sans brouiller d’autres
satellites déjà présents en orbite va
se corser. A moins que les opéra-
teurs ne collaborent étroitement
entre eux. Or, pour l’instant, les
deux promoteurs les plus vocaux
de constellation « broadband », le
patron de OneWeb, Greg Wyler, et
Elon Musk pour le projet Starlink
échangent des propos plutôt aigres,
le premier mettant en garde le
second sur des risques d e brouillage.
« Il n’y a pas à strictement parler
de règle sur le mode “premier arrivé,
premier servi” [comme l’affirme
Greg Wyler], mais le ou les nou-
veaux arrivants doivent s’assurer de
ne pas gêner ceux déjà en place »,
explique le spécialiste.

Rudes négociations
internationales en vue
L’essor des constellations sera en
tout cas l’un des principaux thè-
mes débattus à partir du 28 octo-
bre, lors de la réunion internatio-

Anne Bauer
@annebauerbrux

Pas un jour sans que SpaceX, la
société fondée par Elon Musk, ne
crée la surprise. A Washington, où
s’est ouverte dimanche la réunion
annuelle du Congrès international
de l’astronautique, le dépôt par Spa-
ceX début octobre d’une demande
d’autorisations pour le lancement
de 30.000 satellites fait jaser! Ima-
ginez, le c hiffre est six fois supérieur
au nombre de satellites lancés dans
l’espace depuis l’e nvoi du premier
d’entre eux, Spoutnik, en 1957.
Pour l’heure, l’entreprise califor-
nienne s’est contentée de lancer au
printemps une première grappe de
60 microsatellites en test, après
avoir obtenu en mars un feu vert de
l’autorité fédérale de télécommuni-
cations américaine (FCC), pour
déployer jusqu’à 4.425 satellites en
orbite b asse a fin de distribuer Inter-
net au monde entier. On comprend
la surprise de l’Union internatio-
nale des télécommunications
(UIT), qui gère à Genève les attribu-
tions de fréquences dans l’espace,
lorsque lui est parvenue une
demande pour 30.000 satellites

ESPACE


L’ Union internationale
des télécommunications
a été surprise par la
demande de fréquences
déposée par SpaceX
pour 30.000 satellites
en orbite basse.

La mégalomanie de SpaceX


interpelle les régulateurs


La société fondée par Elon Musk vient d’obtenir en mars un feu vert de l’autorité fédérale de télécommunications américaine (FCC),
pour déployer jusqu’à 4.425 satellites en orbite basse afin de distribuer Internet au monde entier. Photo Bruce Weaver/AFP

nale d e l’UIT à Charm e l-Cheikh, e n
Egypte. Entre 2.000 et 5.000 parti-
cipants du monde entier sont
attendus pour un mois de négocia-
tions non-stop et un bon quart des
sujets concernent le spatial.

Imposer un calendrier
de déploiement
Jusqu’à présent, les risques de
brouillage se réglaient par des
négociations interétatiques à
l’amiable, l’organisation onu-
sienne gérant dans une base inter-
nationale toutes les fréquences
utilisées par les satellites. Mais à
vrai dire, la plupart des satellites
de télécommunication étaient
lancés en orbite géostationnaire,
divisée en tranches pour réserver
une place aux 193 Etats membres
de l’UIT.
Avec des centaines de projets de
constellation, la donne change
complètement. Dans un premier
temps, les Etats doivent se mettre

d’accord sur u n mécanisme simple
pour s’assurer que les bandes de
fréquences ne seront pas gelées
par des projets mégalomaniaques
et sans issue. « Nous allons discuter
d’une limitation dans le temps des
réservations de fréquences », expli-
que Alexandre Vallet.
Jusqu’à présent, tout opérateur
avait un délai de 7 ans entre le dépôt
de sa demande de fréquence et
l’envoi de son ou ses satellites dans
l’espace. Avec les constellations,
cette règle doit être complétée par
un calendrier de déploiement.
L’Union européenne plaide pour
un déploiement de 10 % minimum
du nombre de satellites prévus
dans les deux ans suivant le pre-
mier envoi, puis de 30 % après 4 ans
et de 100 % après 7 ans. A partir de
2019, SpaceX aurait ainsi jusqu’à
2028 pour déployer 3.000 satellites,
soit 10 % de sa constellation — et
jusqu’à 2033 pour en faire tourner
30.000 au-dessus de nos têtes !n

Risques de collision


OneWeb et SpaceX ont l’intention d’utiliser les mêmes
fréquences, ce qui devrait les obliger à se coordonner
pour éviter les interférences. OneWeb a soumis
la description de son système à l’UIT avant SpaceX,
ce qui oblige ce dernier à se coordonner avec le premier.
Dans une compétition internationale accrue,
avec l’arrivée dans le spatial d’acteurs privés, échanger
peut devenir sensible commercialement. L’ IUT demande
donc aux Etats qui autorisent les constellations
de trouver une solution. D’autant que la gestion
de centaines de satellites pose un véritable défi
dans les calculs d’orbitographie, afin d’éviter
les risques de collision entre satellites.

Ninon Renaud
@NinonRenaud
— Correspondante à Berlin


Séduire le tissu allemand. Le
directeur général de bpifrance
a choisi Stuttgart, centre histo-
rique du très discret Mittel-
stand, pour lancer jeudi soir sa
campagne auprès de ces cham-
pions industriels allemands.
L’objectif est de convaincre ces
acteurs, prompts à regarder
vers l’Europe de l’Est ou l’Asie,
de l’intérêt d’investir en France.
Nicolas Dufourcq se rendra
l’an prochain à Munich, à Hano-
vre, en Rhénanie-Palatinat, puis
à Dortmund. Mais cette pre-
mière étape a valeur de test. La
salle de 80 places réservée dans
l’imposante Maison de l’écono-
mie (« Haus der Witschaft »),
qui concentre les activités de
promotion économique du
Bade-Würtemberg, s’est révélée
trop exiguë. Il a fallu aller cher-
cher une vingtaine de chaises
supplémentaires avant que
Nicolas Dufourcq commence
son discours... en allemand.
« Je suis venu vous parler de
nos clients, ces champions cachés
de l’industrie française qui parta-
gent les mêmes ambitions et pré-
occupations que vous », a déclaré
le patron de bpifrance, en rap-
pelant que la banque e st au capi-
tal de 600 sociétés. Son porte-
feuille ayant vocation à tourner,
« il y a toujours une entreprise


INDUSTRIE


La banque publique
française bpifrance
a entamé à Stuttgart
la première étape
de sa campagne
de séduction auprès
des entreprises
familiales allemandes.


Objectif : rééquilibrer
sous forme d’investis-
sement productif
le déficit commercial
franco-allemand.


« Tout sera
vendu, mais
je préférerais
que ce soit à vous
plutôt qu’à des
groupes chinois
ou américains. »
NICOLAS DUFOURCQ
directeur général de BPI
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