Les Echos - 22.10.2019

(avery) #1

Passer du « Silicon Sentier » à la
bataille des données. Le combat
pour imposer Paris parmi les places
fortes de l’écosystème mondial de
l’innovation et des start-up a été
l’une des ambitions de l’équipe
municipale sortante. Les partisans
de la réélection d’Anne Hidalgo à la
Mairie de Paris aspirent désormais à
ouvrir un nouveau chapitre dans le
domaine de l’économie numérique.
La plate-forme Paris en commun,
présidée par Jean-Louis Missika,
vient de mandater Diana Filippova,
directrice de l’agence de communi-
cation numérique Stroïka, cofonda-


trice de Place publique et de OuiS-
hare, pour réfléchir notamment à la
question des « communs numéri-
ques », ces biens que les mutations
technologiques ne doivent pas con-
duire à être totalement privatisés
(eau, mobilité, électricité, sécurité,
données...).

Absence de régulation
« Les grands acteurs économiques
que sont Airbnb, Uber, Google, qui
veulent jouer un rôle dans l’organisa-
tion urbaine, ont une vision du traite-
ment d e la donnée par les algorithmes
et de la gestion des services qui n’est
pas nécessairement la même que celle
des élus. Après avoir promu l’innova-
tion, il faut donc ouvrir un acte II qui
impose la régulation et la défense de
nos communs numériques », assure
Jean-Louis Missika.
La question de l’existence de don-
nées dites « d’intérêt général », c’est-
à-dire ayant vocation à être parta-
gées et non à demeurer la propriété

d’acteurs privés, est prégnante et a
déjà été a bordée par des t extes de loi.
Mais ce traitement reste insuffisant
aux yeux de Jean-Louis Missika, qui
souligne toute la difficulté d’antici-
per et de réguler les effets de ces pla-
tes-formes qu’aucun contrat ne lie à
la mairie de Paris. « Avec le phéno-
mène Airbnb, de plus en plus de
locaux commerciaux en pied
d’immeuble sont transformés en l oge-
ments. Cela impacte évidemment
notre commerce ; or n ous n’avons pas
de moyen d’action, par exemple au
niveau du PLU », cite en exemple
Jean-Louis Missika.
Comment la ville peut-elle, sans
s’opposer à cette vague numérique,
reprendre la main et conserver une
souveraineté sur ses données et sur
ses choix politiques? C’est tout
l’enjeu des propositions que devra
remettre cet automne Diana Filip-
pova. « La France se définit encore
comme une start-up nation et favo-
rise un certain laisser-faire, alors que

l’on sait désormais que cet écosys-
tème reproduit des inégalités et que
les technologies numériques génè-
rent aussi leur part de nuisances,
notamment environnementales »,
remarque-t-elle. « Paris a une res-
ponsabilité particulière. C’est la ville
où le numérique est le plus présent,
mais c’est a ussi le lieu des expérimen-
tations, o ù l’on s e prend de plein fouet
les conséquences de cette absence de
régulation. » —L. A.

Les partisans d’Hidalgo comptent s’attaquer


à la privatisation des données


L’association Paris en
commun, présidée par
Jean-Louis Missika, proche
d’Anne Hidalgo, ouvre la
réflexion sur la place des
données et des services
publics dans une capitale
devenue le terrain de jeux
des Uber, Airbnb et autres.


Bon nombre des propositions de la CPME se focalisent sur la mobilité qu’elle propose d’ordonner par le biais de péages diurnes. Photo Shutterstock

main le destin de Paris jusqu’e n


  1. Cela commence par un
    tableau de bord pour piloter
    l’attractivité de Paris. « Il faut
    encourager les investissements, la
    venue des talents et les implanta-
    tions d’entreprises », rappelle le
    patron du Medef Paris. Dans
    sa deuxième proposition, i l
    demande la « liberté de commer-
    cer » dans la capitale, jugeant
    l’organisation actuelle inadaptée
    aux besoins. Les autorisations
    d’exploitation pour ouvrir une
    boutique sont plus restrictives
    qu’ailleurs, et les zones touristi-
    ques internationales incompré-
    hensibles pour les touristes... « Ils
    partent à Londres le week-end, et
    Internet ne s’arrête pas le samedi
    soir », résume le président.


Pénurie de bureaux
Le Medef Paris demande aussi au
futur maire d’associer des chefs
d’entreprise à l’exercice du droit de
préemption de la Mairie sur l e fon-
cier privé et public. Il s’agit de limi-
ter la pénurie de bureaux dans la
capitale et l’explosion des loyers
qui en découle. Sa quatrième pro-
position, créer des espaces de télé-
travail dans le parc foncier de la
ville, s’inscrit dans la logique de
transformation des modes de tra-
vail qui s’amorce. Enfin, la cin-
quième proposition, la création
auprès du maire d’un comité de
pilotage économique constitué
d’une dizaine de chefs d’entre-
prise, comme cela se fait dans cer-
tains pays, paraît plus ambiguë.
Elle peut aussi interroger sur l’effi-
cacité de la chambre de com-
merce et... des organisations
patronales parisiennes qui ont
aussi vocation à faire entendre la
voix des milieux économiques.n

Dominique Malécot
@DMalecot

Le Medef Paris candidat aux
municipales? « Une boutade », se
défend Jean-Louis Schilansky, le
président de l’organisation patro-
nale qui revendique 10.000 entre-
prises affiliées – certaines par le
biais de leur fédération –, cumu-
lant quelque 500.000 salariés.
« Nous partons d’un double cons-
tat, poursuit-il, cette élection n’est
pas comme les autres, elle est moins
politique que par l e passé. E nsuite, il
nous semble qu’elle va se jouer sur
des projets et q ue les sujets économi-
ques ne sont pas du tout traités. On
ne parle pas d’économie. » Pour le
Medef Paris, la capitale n’est plus
dans le peloton de tête d es grandes
villes du monde que constituent
Londres, New York, Shanghai et
Tokyo, elle est même tombée au
9 e r ang en matière d e PIB par habi-
tant et au 15e pour l’innovation et
les technologies. « Nous voudrions
que la future o u le futur é lu s’appro-
prie le développement économique
et pas uniquement les musées »,
résume Jean-Louis Schilansky.
L’organisation formule donc
ci nq propositions pour que les
préoccupations économiques
soient présentes dans le débat
électoral et, de là, dans les déci-
sions de l’équipe qui prendra en

L’organisation patronale
part en campagne pour
sensibiliser les candidats
aux enjeux de l’attractivité
et du développement
économiques. Elle juge
urgent de desserrer
la réglementation
pour étendre la liberté
d’entreprendre.

Pour le Medef Paris, l’économie


est la grande absente


du débat des municipales


Laurence Albert
@LAlbert


« Le débat économique à Paris ne
peut pas se résumer au triptyque col-
loques-champagne-Salons : les
entreprises sont la clef de l’activité
économique, ne les oubliez pas! »
Plus qu’un plaidoyer, c’est un cri
d’alarme que lance, à cinq mois des
élections municipales, la Confédé-
ration des petites et moyennes
entreprises (CPME). L’organisation
patronale dévoilera ce mardi
22 octobre un Livre blanc d’une
quarantaine de propositions pour
« mieux vivre et travailler à Paris ».
Rappelant que « neuf entreprises
sur dix sont des PME » dans la capi-
tale, elle espère trouver l’oreille des
postulants au fauteuil de maire.
Bien décidée à déborder du cadre
traditionnel de la fiscalité, la
CPME n’évite aucun sujet, de la
sécurité (une police municipale
armée) aux logements sociaux (des
quotas pour les métiers en tension)
en passant par le tourisme (une
location meublée limitée à 6 0
jours). Bon nombre de ses proposi-
tions se focalisent toutefois sur la
mobilité, « colonne vertébrale du
débat pour la prochaine manda-
ture », selon son président, Bernard
Cohen-Hadad.
Parmi les propositions phares,
l’instauration d’un péage urbain
diurne autour de la capitale entre
8 heures et 20 heures. Dans un pre-
mier temps, seul le centre de Paris
serait concerné, l’accès serait régle-
menté par un système de puces. La
tarification serait différenciée selon
la taille et l’émission de CO 2 des
véhicules, certains obtenant la gra-
tuité. Notamment pour les véhicu-
les pour lesquels les alternatives
propres n’existent pas comme les
bétonnières, les pelleteuses, etc.


Une quête de fluidité
dans les transports
Loin d’entraver le quotidien des
entrepreneurs, cette restriction
potentielle de circulation leur ren-
drait au contraire un grand service,
estime la CPME. « Aujourd’hui, cir-
culer à Paris quand on est un profes-
sionnel coûte cher en stress, en acci-
dents, voire en contraventions, par
exemple pour les véhicules de gros


gabarit qui sont exclus des parkings.
Sans compter les salariés et chefs
d’entreprise qui sont obligés de prati-
quer des horaires décalés. Tout cela a
un coût économique. Mieux vaudrait
donc débourser un peu d’argent au
départ, pour pouvoir ensuite circuler
librement », assure Bernard Cohen-
Hadad.
Une quête de fluidité qui se
retrouve aussi dans les doléances
en matière de transports publics
(développement de l’offre nocturne,
transports secondaires entre les
zones de tourisme d’affaires) et de
stationnement. « Il faut être réaliste,
tout le monde ne peut pas se déplacer
à vélo ou en trottinette électrique »,
martèle le président, très allant en
même temps sur les questions
de mobilité verte (station GNV, bor-

nes électriques). « Paris est de moins
en moins accueillant pour les entre-
prises petites, fragiles, ou patrimo-
niales », tance également Bernard
Cohen-Hadad. Pour éviter qu’elles
ne fuient la capitale, la CPME
réclame à la fois souplesse et
accompagnement. Souplesse fis-
cale, avec un moratoire déclencha-
ble en période de fragilité (à la créa-
tion, ou lorsqu’elles subissent un
mouvement du type « gilets jau-
nes »), même si les impôts ne sont
pas très élevés.
Souplesse, aussi, pour les baux et
les redevances d’occupation
d’espace public dans les quartiers
sensibles, où les chiffres d’affaires
ne sont pas toujours faramineux.
Concernant l’accompagnement, la
CPME réclamant plus de locaux

(pépinières, fablab), malgré les
efforts réalisés lors de cette manda-
ture. « Les PME ont une vraie
angoisse et une vraie d ifficulté à gran-
dir à Paris, passé le cap de 3-4 sala-
riés », assure Bernard Cohen-Ha-
dad. Enfin, pour être davantage
« PME friendly », la Ville doit à la
fois ouvrir ses marchés publics (un
« Parisian Small Business Act ») et
mieux écouter ses entrepreneurs.
« La prise de décision à l’échelle de
Paris est perçue comme unilatérale.
Le dialogue est rare et n’implique que
très rarement les acteurs économi-
ques », déplore la CPME, qui sou-
haite voir la Mairie créer un conseil
composé de représentants sociaux


  • patronat, syndicats – sur le
    modèle du Conseil économique,
    social et environnemental.n


lA cinq mois des municipales, la CPME parisienne dévoile ce mardi ses propositions économiques pour la capitale.


lElle plaide pour l’instauration d’un péage diurne et la création, aux côtés de la Mairie de Paris, d’une instance


représentative des professionnels sur le modèle des conseils économiques, sociaux et environnementaux.


Comment les petits patrons veulent


réveiller la vie économique parisienne


« Il faut ouvrir un
acte II qui impose
la régulation
et la défense de
nos communs
numériques. »
JEAN-LOUIS MISSIKA
Adjoint au maire

PME & REGIONS


Les EchosMardi 22 octobre 2019

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