Les Echos - 22.10.2019

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Les Echos Mardi 22 octobre 2019 FINANCE & MARCHES// 29


lLes sociétés du CAC 40 ont procédé à 9,8 milliards d’euros de dépréciations de survaleurs, contre 3,6 milliards en 2017.


lPrès des deux tiers de ces dépréciations ont été passées par le groupe d’assurances AXA.


Les dépréciations d’actifs repartent


à la hausse parmi les géants du CAC 40


Sophie Rolland
@Sorolland


Après deux années de baisses
consécutives, les dépréciations
de survaleurs des entreprises du
CAC 40 sont fortement reparties à
la hausse. C’est ce que révèle la der-
nière analyse annuelle des comptes
des géants de la cote réalisée par le
cabinet Duff & Phelps. Ces dépré-
ciations de goodwills correspon-
dent à une pratique comptable qui
permet d’ajuster la valorisation
d’une société acquise. Une correc-
tion nécessaire lorsqu’il apparaît
que les performances à venir de la
société intégrée ne seront pas à la
hauteur des attentes. Autrement
dit, comme le rappelle Carine Tour-
neur, responsable de la ligne de
services évaluation chez Duff &
Phelps, « l’ampleur des déprécia-
tions d’écarts d’acquisition ne donne
pas d’indications sur la performance
passée de l’entreprise, mais plutôt
sur ses anticipations pour l’avenir ».


Au plus haut depuis 2013
En 2018, les dépréciations de sur-
valeurs ont quasiment triplé, pas-
sant de 3,6 milliards à 9,8 milliards
d’euros. Elles reviennent ainsi à
leur plus haut niveau depuis 2013.
Autre rupture par rapport à l’année
précédente : les dépréciations
représentent une proportion beau-
coup plus importante du montant
total de goodwills comptabilisés,
environ 2,5 %, contre 1 % en 2017.
Il est cependant trop tôt pour
parler d’une réelle inversion de ten-
dance. « D’abord, il faut bien noter
qu’avec le dynamisme des opérations
de fusion-acquisition, le montant
total de goodwills a augmenté de près
de 60 milliards d’euros. Il n’est donc
pas anormal que le montant
des dépréciations progresse aussi »,
relève Carine Tourneur. Parmi les
opérations bouclées en 2018, la
fusion entre Essilor et Luxottica
représente, à elle seule, environ
20 milliards d’euros de goodwills.
L’acquisition du groupe XL par
AXA en a généré quelque 8 mil-
liards. Et celle de Zodiac par Safran,
de l’ordre de 3 milliards. Le change-
ment de périmètre du CAC 40, en
revanche, a plutôt eu tendance à
diminuer le montant t otal, D assault
Systèmes et Hermès (les entrants
de 2018) ayant accumulé moins de
survaleurs que LafargeHolcim et
Solvay (les sortants).
Autre bémol : les dépréciations
constatées au titre de 2018 sont les-
tées p ar les 6,3 milliards d ’e uros ins-
crits par AXA dans ses comptes


BOURSE Près de 90 % des dépréciations d’écarts


d’acquisition concentrés sur trois sociétés


AXA Le groupe d’assurances a déprécié l’intégralité des
survaleurs liées à sa participation dans AXA Equitable Hol-
dings (AEH), sa filiale introduite en Bourse en mai 201 8.
Cette dépréciation de 6,3 milliards représente 27 % du good-
will de la société. AXA a souhaité « refléter les incertitudes
et la volatilité actuelle des marchés bien que le cours de
l’action AEH à la date du test n’indique pas d’irrecouvrabilité
du goodwill », commente Duff Phelps.

SAINT-GOBAIN Le spécialiste des matériaux a déprécié 10 %
de son goodwill en 2018, pour un montant de 1,1 milliard
d’euros. Les survaleurs liées à l’activité distribution ont été
dépréciées en raison des incertitudes économiques au
Royaume-Uni (750 millions) et en Allemagne (130 millions).
Le goodwill de l’activité canalisation a également été revu à
la baisse suite à la cession des entités du site PAM Xuzhou
en Chine et plus généralement à la restructuration en cours.

TECHNIPFMC L’entreprise de services parapétroliers invo-
que la détérioration des conditions macroéconomiques et
notamment l’évolution défavorable des prix de la production
de pétrole et gaz naturel en eaux profondes pour justifier
une dépréciation du goodwill de 1,2 milliard d’euros (soit
15,4 % des survaleurs nettes 2018 avant dépréciation).

après la mise en Bourse de Equita-
ble Holdings, initialement acquis
en 1991 (lire ci-contre). Le montant
des dépréciations est encore plus
concentré que les autres années
(97 % sur cinq secteurs et 88 % sur
trois valeurs). Hors AXA, les dépré-
ciations de goodwills des sociétés
du CAC 40 ne ressortent plus qu’à
3,5 milliards d’euros, quasiment
leur niveau de l’année dernière.
« En réalité, hors AXA, Technip-
FMC et Saint-Gobain, les grandes
entreprises cotées affichent des
niveaux très réduits de dépréciations
au regard de leur goodwill total. »
Autrement dit, malgré les turbulen-
ces boursières de la fin de l’année
dernière, les sociétés françaises res-
taient dans l’ensemble sereines.

En 2019, deux forces pourraient
jouer en sens inverse. D’un côté, les
entreprises pourraient se montrer
nettement plus pessimistes. La con-
joncture mondiale s’est détériorée.
Le FMI a notamment estimé, la
semaine dernière, que le conflit
commercial entre les Etats-Unis et
la Chine allait ramener la croissance
de l’économie mondiale à son plus
bas niveau depuis la crise financière
de 2008-2009, et revu sa prévision à
3 % (contre 3,2 % prévu en juillet).
A l’inverse, les dépréciations pas-
sées dans les comptes pourraient
être minorées grâce à l’exception-
nelle faiblesse des taux d’intérêt.
Comment? « Le coût moyen pon-
déré du capital [aussi connu sous
l’acronyme anglais WACC, NDLR],
qui est le taux d’actualisation utilisé
pour tester le goodwill sur la base
du plan d’affaires d’une entreprise,
pourrait être revu à la baisse, ce qui
minorerait les dépréciations. Toute-
fois, l’approche des taux normalisés
permet d’éviter cet écueil », explique
Carine Tourneur. Certains secteurs
demeureront sous tension. Les
banques, notamment, n’ont pas fini
de se restructurer et, tant que les
taux d’intérêt resteront au plancher,
leurs marges d’intermédiation
resteront sous tension.

(


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Hors AXA,
les dépréciations
de goodwills des
sociétés du CAC 40
ne ressortent plus
qu’à 3,5 milliards
d’euros, quasiment
leur niveau de l’année
dernière.

l’annonce, lundi, d’une « alliance
stratégique » avec l’espagnol All-
funds Bank.
Le groupe français devrait con-
trôler cette entité à 22,5 % avant la
fin 2020, sous réserve de la bonne
réalisation de l’opération. Peu
connu du grand public, A llfunds est
un acteur de la distribution de fonds
et de services de suivi d es fonds c réé
en 2000, et valorisé 1,8 milliard
d’euros en 2017, lorsque Santander
et Intesa Sanpaolo en avaient cédé
le contrôle. Le groupe a dégagé un
chiffre d’affaires de 221 millions
d’euros en 2018 pour un résultat
après impôts de 86 millions d’euros.
En pratique, les 22,5 % détenus à
terme par BNP Paribas seront por-
tés conjointement par BNP Paribas
Securities Services (BP2S), acteur
majeur des services aux investis-

seurs, et BNP Paribas Asset Mana-
gement, la filiale du groupe spécia-
lisée en gestion d’actifs.

Coopérations
industrielles
Mais rien n’indique que la banque
de la rue d’Antin ait dû débourser
du cash pour s’inviter au capital
de l’entité, qui reste détenue en
majorité par la société de gestion
Hellman & Friedman et le Fonds
souverain de Singapour (GIC). Sans
indication sur les conditions préci-
ses, le cœur de l’opération se situe
plutôt dans les coopérations indus-
trielles et les apports d’actifs men-
tionnés par BNP Paribas.
« La transaction consiste pour
BNP Paribas Securities Services à
mutualiser nos compétences sous
un angle industriel : nous pourrons

utiliser leur infrastructure pour
proposer à nos clients existants
l’accès à un plus vaste univers de
données sur les f onds et de nouveaux
outils analytiques. Cette offre élargie
devrait à terme accélérer la conquête
commerciale et développer les volu-
mes », poursuit Arnaud Claudon,
responsable de la clientèle asset
managers chez BNP Paribas Secu-
rities Services.

Marges faibles,
volumes importants
De son côté, Allfunds accédera à
toujours davantage d e clients, voire
de nouvelles géographies, une
dimension essentielle pour des
industries à marges f aibles nécessi-
tant d’importants volumes. Signe
de cette stratégie, Allfunds a
récemment mis la main sur Invest-

Lab, une plate-forme reprise à Cre-
dit Suisse. Concrètement BP2S
« prévoit par cet accord d’utiliser
Allfunds comme canal privilégié
pour l’accès au marché des fonds de
placement », indique la banque de
la rue d’Antin. Autre dimension de
cet accord, une partie de l’activité
de BP2S en Italie (son activité de
« banque correspondante » dans
la péninsule Italique) sera égale-
ment transférée à Allfunds, com-
plétant l’offre de ce dernier.
Enfin « BNP Paribas confiera
à Allfunds la gestion des contrats
de distribution des fonds d’investis-
sement tiers distribués par plusieurs
entités de banque de détail, de gestion
de patrimoine, d’assurance ou de
gestion d’actifs du groupe BNP Pari-
bas », précise la banque dans un
communiqué.n

Edouard Lederer
@EdouardLederer


L’industrie bancaire ne s’illustre
décidément pas par de vastes opé-
rations de fusion-acquisition. Elle
ne grandit actuellement que par
petites touches, dans des métiers
très techniques. BNP Paribas pour-
suit ainsi les manœuvres dans les
« tuyauteries » de la finance avec


BANQUE


La banque française
a noué un « partenariat
stratégique » avec
l’espagnol Allfunds,
dont elle devrait à
terme détenir 22,5 %.


BNP Paribas se renforce dans les infrastructures de gestion d’actifs


Les chiffres clefs


221
MILLIONS D’EUROS
Revenus d’Allfunds
en 2018.

86
MILLIONS D’EUROS
Résultat après impôts
d’Allfunds en 2018.
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