Les Echos - 22.10.2019

(avery) #1

Les Echos Mardi 22 octobre 2019 MONDE// 09


traditions de la maison impériale et
la relative modernité des derniers
empereurs.

Akihito, déjà...
Akihito, le père de Naruhito, avait
déjà cassé les codes des conserva-
teurs en osant s’agenouiller pour se
mettre au niveau des sinistrés lors
de catastrophes naturelles ou en
demandant pardon, à l’étranger,
aux victimes de l’ancienne armée
impériale japonaise. Il avait aussi
ulcéré les traditionalistes en osant
demander à abdiquer.
Ayant laissé entendre qu’il sui-
vrait la voie progressiste de son
père, Naruhito s emble, d éjà, militer,
discrètement, pour un pays plus
ouvert sur l’étranger et plus respec-
tueux de l’égalité entre les sexes.
Une posture qui risque de raviver le
débat dans le pays sur le code de la
maison impériale, qui écarte les
femmes de la succession au trône.
Naruhito et Masako n’ont eu
qu’une fille et le futur de la lignée
impériale repose désormais sur le
prince Hisahito, le seul neveu de
l’empereur. Agé d’à peine 13 ans, il
sait déjà qu’il lui faudra absolument
avoir un jour un fils puisque ni ses
sœurs ni sa cousine ne peuvent être
appelées à régner. « Le débat va for-
cément rebondir, souffle Ken Ruoff.
Rares sont les pays qui imposent
encore une succession patrilinéaire
fondée uniquement sur les hommes.
Il y a le Japon et quelques pays
musulmans, comme l’Arabie saou-
dite. Les Japonais vont devoir se
demander s’il est bon de se retrouver
dans ce groupe. »n

Yann Rousseau
@yansan
—Correspondant à Tokyo


Le 27 mai dernier, l’impératrice
Masako a osé une folie. Elle a pris la
parole avant son époux, l’empereur
Naruhito. Le couple recevait au
Palais, en plein centre de Tokyo,
Donald et Melania Trump en tant
que premiers invités d’Etat depuis
que le monarque de 59 ans avait
succédé à son père Akihito, dans les
heures qui avaient suivi son abdica-
tion, le 30 avril.
Pour célébrer c ette première ren-
contre officielle, le président des
Etats-Unis était venu offrir à l’empe-
reur Naruhito un précieux violon
fabriqué en 1938 par l’artisan amé-
ricain Ivan W. Allison. Commen-
tant cette charmante attention,
Masako s’e st empressée de dire,
dans u n anglais perfectionné à Har-
vard et à Oxford, que son époux, un
fin musicien, « pourrait en jouer le
soir [même] ».
Dans une maison impériale ultra
codifiée et encadrée par des hauts
fonctionnaires très conservateurs,
cette innocente sortie a fait beau-
coup de bruit. « Malgré les entraves
et les traditions, elle se comporte de
manière très naturelle et incarne une
forme d’égalité des genres », explique
le professeur Miyashiro Eiichi, un


ASIE DE L’ EST


L’empereur Naruhito
va formellement être
intronisé ce mardi
à l’issue de rituels
très codifiés remon-
tant au VIIe siècle.


Avec son épouse,
il incarne pourtant un
Japon plus moderne,
en conflit avec les
conservateurs.


Au Japon, le nouveau couple impérial instille


une dose de progressisme dans la société


bon connaisseur de la monarchie
nippone. Cet é té, lors de cérémonies
officielles, l’ancienne diplomate,
qui parle également un très bon
français, a aussi été vue se tenant
sur la même ligne que son mari, et
non un pas en retrait comme les
précédentes impératrices. Une
autre petite révolution dans un sys-
tème que les nationalistes, bien
représentés au pouvoir, refusent de
voir changer de peur d’altérer
l’identité du pays.
Ce mardi, Naruhito et Masako
vont ainsi se plier aux rituels de
l’intronisation remontant au
VIIe siècle qui marque la montée
officielle du nouveau souverain sur
le trône du Chrysanthème. Dans

une cérémonie à huis clos, l’empe-
reur devra d’abord « informer » les
âmes de ses ancêtres et la déesse du
Soleil, Amaterasu, de son avène-
ment dans trois petits temples
construits dans l’enceinte du Palais.
En milieu de journée, il apparaîtra
avec son épouse, en tenue tradition-
nelle, dans l a salle des Pins du Palais
pour proclamer son accession for-
melle au trône. Le Premier ministre
Shinzo Abe criera alors trois fois
« Banzai! », soit littéralement
« 10.000 ans » (« longue vie à
l’empereur! »).
En fin d’après-midi, ils retrouve-
ront des tenues de soirée classiques
pour accueillir à un grand banquet
leurs invités, et notamment les

représentants de 174 pays venus
assister à cette première séquence
des cérémonies qui vont s’étaler sur
plusieurs semaines. En novembre,
Naruhito devra encore offrir aux
divinités des riz sélectionnés par
des prêtres ayant déchiffré des cra-
quelures dans des morceaux de

carapace de tortue brûlés dans un
petit feu de brindilles de bois de
cerisier issus des montagnes de
Nikko. « Les rituels n’ont, e ux, p as d u
tout été modernisés », sourit l’histo-
rien Ken Ruoff, de la Portland State
University, qui voit un décalage
grandissant entre les gardiens des

Naruhito et Masako vont se plier, mardi, aux rituels de l’intronisation qui marquent la montée officielle sur le trône. Le nouvel empe-
reur doit, notamment, « informer » les âmes de ses ancêtres et la déesse du Soleil de son avènement. Photo Japan Pool/Jiji Press/AFP

Spécial londres


Vendredi
avec

Les Echos

Richard Hiault
@RHIAULT


La réforme de la gouvernance du
Fonds monétaire international
(FMI) peut attendre. Vieux serpent
de mer, la question de la redistribu-
tion des cartes au sein du capital de
l’institution multilatérale, tout en le
doublant pour prendre en compte
le poids plus élevé des pays émer-
gents dans l’économie mondiale,
reste entière. A Washington,
samedi, les pays membres se sont
juste entendus pour sécuriser les
ressources financières du Fonds.
« Nous regrettons que la 15e révision


MULTILATÉRAL


A Washington, les
ministres des Finances
sont parvenus à
sécuriser, de manière
provisoire, les capaci-
tés d’intervention
financière du FMI à
environ 1.400 milliards
de dollars.


Mais la question
reviendra très vite
sur la table, les prêts
bilatéraux accordés
au Fonds venant
bientôt à échéance.


Les ressources financières


du FMI sécurisées


temporairement


générale des quotas ne se soit pas tra-
duite par une augmentation de ces
quotas », a indiqué Kristalina Geor-
gieva, la nouvelle directrice géné-
rale du Fonds, samedi, lors de sa
conférence de presse. Avant d’ajou-
ter qu’elle se félicitait de la sécurisa-
tion de ces ressources financières,
qui sont maintenues à un niveau
d’environ 1.400 milliards de dollars.
Techniquement, le Fonds dis-
pose de trois sortes de ressources
qui sont révisées, via une revue
générale, tous les cinq ans. La pre-
mière ressource, permanente, se
compose des quotes-parts des pays
membres (les quotas). Cœur du
réacteur, elles s’élèvent aujourd’hui
à environ 660 milliards de dollars.

Opposition américaine
Depuis plusieurs années, la ques-
tion d e les augmenter et de modifier
leur mode de calcul se heurte à
l’opposition des Etats-Unis. Pour
l’administration américaine
actuelle, le FMI dispose de suffi-
samment de capitaux propres.
Deux autres catégories de res-
sources, temporaires, renforcent la
capacité d’intervention du FMI en
cas de besoin. Ce sont les nouveaux
accords d’emprunt – les NAB –, pour
250 milliards de dollars, et des prêts
bilatéraux accordés, en 2016, par des
pays au Fonds. Ces prêts s’élèvent à
440 milliards d e dollars. A Washing-
ton, le Conseil du FMI a prolongé
d’un an les accords d’emprunts bila-

téraux. Il reste qu’il va f alloir, dans l es
prochains mois, parvenir à une solu-
tion concernant les NAB, qui arri-
vent à échéance d’ici à la fin 2022. Le
FMI a seulement indiqué samedi
qu’il espérait « un doublement des
nouveaux accords d’emprunt et une
nouvelle série d’emprunts bilatéraux
au-delà de 2020 ».

Révision des quotes-parts
La question de la révision des
quotes-parts, malgré l’opposition
des Etats-Unis, reste sur la table.
Mais le Fonds se donne du temps.
L’examen de ce sujet épineux devra
être finalisé pas plus tard que le
15 décembre 2023. D’ici là, l’admi-
nistration américaine aura peut-
être changé de bord. Bref, à court
terme, la capacité d’intervention du
FMI reste intacte. Mais la question
va vite se reposer.n

« Nous espérons
un doublement
des nouveaux
accords d’emprunt
et une nouvelle
série d’emprunts
bilatéraux
au-delà de 2020. »
FONDS MONÉTAIRE
INTERNATIONAL
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