“Nousnenousconsidérons pascomme desdesigners,
maisplutôtcomme desdirecteurscréatifs. Notremétier,
c’estàlafoisdiriger uneéquipededesign, réfléchir
au conceptd’undéfilé et gérernos réseauxsociaux.
Pour cela,nousobservons beaucoup notrepublic,
sa façondes’habiller, de consommer, de fairelafête...”
MarceloBurlon,cofondateur de new Guards Group,société-Mèred'off-whiteet heron preston.
Group, 60 millions d’euros debénéfices en 2018,aégale-
mentlancéles labels County ofMilan, Palm Angels et Kirin, der-
nier-né sous l’égide de la DJ sud-coréennePeggy Gou. Soit des
marques de streetwearhaut de gamme,pointues, qu’on trouve
dans des magasins spécialisés, quivendenttee-shirtscouverts de
logos ousweats àcapucheàplusieurscentaines d’euros pièce.
Cette modeàcapitaux italiensva cependantàreboursdetoutes
les traditions milanaises (Giorgio Armani, Prada ouZegna...). Seul
le siège deNewGuards Grouprappellecetancrage lombard:un
palais avec peinturesclassées au plafond et photoscontempo-
raines accrochées aux murs.
Au milieu du mois d’août, l’entreprise italienne estpassée sous
pavillon américain, le géantdelavente en ligneFarfet ch l’a rache-
téepour 675 millions de dollars(environ 617 millions d’euros).Le
sign ed’un succèscommercial,certes, mais surtout de la modernité
de cescréateursdemode. Abloh, Preston et les autres ontsu, avec
NewGuards Group, se trouverd’excellents hommes d’affaires pour
les promouvoir.«Les créateursdugroupe ontdéfini unbusiness
modeladaptéaustreetwear,une flexibilitédifficileàmettr eenplace
dans des maisons historiques,estimeMario Ortelli, consultantspé-
cialisé dans le luxeetassocié d’ Ortelli&Co.Repérer des designersau
profil différent de celui descouturiers, adapter lafabrication et la
distribution auxdrops [livraisonsponctuelles de produits en édi-
tion limitée],savoircommuniquerave cles millennials...New
Guards est un type d’incubateur detalents assez unique dans
l’industrie.»
Si le modèle économique sembleparfait, c’est qu’il estrodé de
longue date et ce,bien loin descouloirsdes palais milanais ou des
backstages des défilésparisiens... C’est dans lesboîtes de nuit fié-
vreuses et lesconcerts derapque ce typedecréateurss’est mis à
émerger.Notammentausein deBeen Trill, collectifformé en 2012
parVirgil Abloh,HeronPreston etMatthewWilliams–cedernier
àlatêtedelamarque 1017 Alyx 9SM qui défile aussipendantla
semaine de la mode masculine deParis. Àlacréation de BeenTrill
(qui signifie«a étécool» danslejargon hip-hop), en 2012, il
s’agissait simplementde«sortir ettester de nouvelles idées»,dixit
le CalifornienMatthewWilliams. Cette idée decollectif s’inspire
directementdes groupes de hip-hop, oùchacunasapropreexis-
tenceetidentité, etalaliber té de se lancer dans des projets solo
en parallèle. SurInternet, quelques vidéos amateursles montrent
autour d’unetable de mixage, devant une foule en transe.Matthew
Williams (nom de DJ:Pretty Blanco)anotammentréalisé lescos-
tumes depopstars commeLady Gaga;Virgil Abloh (Pyrex Vision,
nom dontilafait une marque)aétudié l’architectureàl’Institut
de technologie de l’Illinois etHeronPreston (aliasMaserati
Flamez) s’estforméàlaParso ns School of DesignàNew York.À
cestrois membres principaux s’ajoutentJustin Saunders(JRS
Rules), quiafondé le blog puis la marque JJJJound, et, enfin, un
membresecretconnu sous le nom de YMP.
Certains connaisseursassurentque lepersonnagemystèr eserait en
fait KanyeWest (le sigle YMP signifieraitYeezy ManPeace et Yeezy
est le surnom durappeur).Quoi qu’il en soit,KanyeWest estcelui
qui aouvertlavoie aux autres membres ducollectif.Ausein de son
studio créatif,baptisé DONDA(du prénom de sa mère), il embauche,
en fonction de sescoups decœur,des talentsàqui il confie la direc-
tion artistique de ses (nombreux) projets.HeronPreston seretrou ve
ainsiàtrav ailler sur sescollaborationsavec Nike,Virgil Abloh sur la
direction artistique du visuel de son albumavec Jay-Z,Watchthe
Throne,nommépour le Grammydelameilleurepochette en 2011,
Matthe wWilliamsréalise sescostumes...
Unesoirée en entraînantune autre,BeenTrill finitparmixer aux
quatrecoins du monde et lancedans lafoulée destee-shirts floqués
de son logo aux lettres dégoulinantespuis d’autres produits dérivés
(comme des lacets dechaussures alorscommercialisés 100 dollars).
Certains raillentles prix et la piètrequalité, mais lesfondateursde
BeenTrill donnentlàune formidable leçon de marketing nouvelle
génération.«Audépart, ils voulaientjustes’amuser et très vite, sans
trop se poser de questions, ils ontlancéces tee-shirts en utilisantles
codes de la pop culture,expliqueHanadiMostefa,rédactriceenchef
deHypebeast,sitedédiéàlastreet culture.Ils onteulachancede David
XPrutting/BFA.com. Matteo
Prandoni/BFA.com