Le Monde - 05.10.2019

(Marcin) #1

D’habituDe,enarrivantDans la cour De cetimmeuble
haussmannien De lapetite rue las-cases,dans le 7earrondissement
de Paris, on nevoit que lui.Àtrave rs la baie vitrée qui jouxtelaporte
d’entrée dece qui fut,pendantdes décennies, l’atelier de la designer et
architect eCharlottePerriand (1903-1999), figuremajeuredelamoder-
nité, le gigantesque squelettedeglycineacoutume d’impressionner le
visiteuravec ses branchestentaculaires.Mais, cestemps-ci, l’arbremort
rapporté d’uneexcursion enforêtn’est paslà. Il aété déplacédans une
salle de laFondationLouis-Vuitton, letemps de l’exposition«Lemonde
nouveau de CharlottePerriand », ouvertedepuis le2octobre.Dansle
musée dubois de Boulogne, il est présenté au côté des tableaux de
FernandLéger et dePablo Picasso ou d’une pierre, elle aussi transportée
depuis la rueLas-Cases, ramassée près deFontainebleau lorsd’uneran-
donnée.La pierre,comme le squelette de glycine ou encorelerabot
offert parunmenuisierfont partie du décor decetancien garage de
soixante mètres carrés, situé justeenfacedechez elle, que Charlotte
Perriand achèteen1957.Unlieu où elleaconçu la plupartdeses grands
chantiers, notammentlastation de skiLesArcs, quioccuperavingtans
de sa vie, et saMaison de thé éphémèrepour l’Unesco,àParis, l’un de
ses derniersprojets (1993).
Ici, CharlottePerriand étaitchez elle, seule maîtresse de sa création, elle
qui avait d’abordtravaillé dans son appartementduquartier de Saint-
Sulpice,puis chez Le Corbusier,dans le 16earrondissement,avantdepartir
pour leJaponen1940 et nerevenir enFrancequ’en 1946.Dans cetespace,
elle collaboraitparfoisavec un dessinateur,mais gardait la main sur les
projets dans leurtota lité.«Des employés trop nombreux l’auraientéloignée
de la création »,explique sa fille,Pernette, quiadébutéici comme
«grouillot»sur le projet d’aménagementdelastation des Arcs.
«Charlotte»,comme l’appelletoujourssafille, viendraici tous les jours
jusqu’à sa mort.Intouché depuis, le lieuforme unesynth èsedel’esprit
Perriand, dontles meubles sonttoujourséditésparCassina, et quetant
cherchentàimiter aujourd’hui. En arrivant,lac réatriceconserveles deux


pièces séparées quicomposentlel ocal. Côtécour,elle installe une salle
de réunion-cuisine ouvertesurplombéeparune mezzanineavec lit et
douche, très utiles les soirsde«charrette».Onyaccède parde simples
planches enbois fixés au murpardes tubesd’acier.Sans rampeni
cont remarches, cetescalier semble en lévitation. La cuisine ouverteest
équi péed’un four assezvolumineuxpour yfairecuiredes gigots.«Mais
ça relevait plus dufantasme,s’amusePernette.Charlotteneprenait
jamais letemps defairecegenredeplats.»
Face àlaporte d’entrée, une ouverturedonne sur la seconde pièceet
laisse filer la lumièredans tout le studio. Danscettepartieréservée aux
dessins et aux archives, Perriandaconservé la hauteur sous plafond de
quatremètres.«Audébut,sesouvientPernette,elle afait avec les moyens
du bord:elle atendu de grandscâbles au plafond pourysuspendredes
éclairages sommaires. Il luiafallu six ans pour aménagerl’espace, dontun
paraventenboisajouréderriè re lequel elle seréfugiait pour dessiner.»
«Ces différent es hauteurssous plafonds et jeux d’ouvertures, de perspec-
tive permettent de façonner l’espace,comme dans sonchalet deMéribel»,
complèteson gendre, leréalisateur Jacques Bars ac.
Au fil des années, placards et étagères ontdébordé de croquis, dessins,
agendas, calques et carnets.«SiCharlotte revenait, elle serait effrayée du
bazar quirègne ici»,souritPernetteaveclemêmeregardpétillantque
sa mère. Si le lieu estfermé au public etn’accueille que trèsrarement
des visiteurs, il seranimeàchaquefois que le travail de Charlotte
Perriand intéresseles commissaires d’exposition,commecesderniers
tempsavec laFondationLouis Vuitton. Et les nuits de«charrette»de
recommencer,Pernette Perriand etJacq ues Bars ac d’allerfouiller dans
cesarchives, etce faux sanctuairedereprendrevie, comme l’aurait
certainementvoulu CharlottePerriand.

«LeMonde nouveaudeCharLotte Perriand»,àLaFondationLouis-vuitton,
8,avenue du MahatMa-Gandhi,Paris 16 e.jusqu’au24Février.
http://www.FondationLouisvuitton.Fr

Toutes les photos
en noir et blanc
de l’atelier sont
issues des archives
personnelles de
PernettePerriand
et Jacques Barsac.

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leportfolio

Archives Charlotte

Perriand. Adagp

Paris, 2019/photo

Pernette

Perriand-Barsac
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