Le Monde - 05.10.2019

(Marcin) #1
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SAMEDI 5 OCTOBRE 2019 dossier spécial| 27

YASMINE GATEAU

LES  DISPOSITIFS 
FINANCIERS

Des allocations existent pour
aider au quotidien les personnes
âgées dépendantes ou
handicapées. Voici les
principales et les conditions
pour les toucher.

L’Allocation personnalisée
d’autonomie (APA). Cette aide
départementale est versée aux
personnes dépendantes de plus
de 60 ans pour financer le main-
tien à domicile ou l’accueil en
établissement. Si elle est accor-
dée sans conditions de ressour-
ces, son montant dépend du de-
gré de dépendance, du mode
d’hébergement et des revenus.
En 2019, cette aide oscille entre
672,26 et 1 737,14 euros par mois
(à domicile). En 2015, un peu
plus de 1,2 million de personnes
percevaient cette allocation.
Où s’informer? Auprès du conseil
général, de la mairie ou au cen-
tre local d’information et de
coordination (CLIC).

Les aides sociales départemen-
tales. Réservées aux personnes
de plus de 65 ans (plus de 60 ans
en cas d’inaptitude au travail)
avec une légère perte d’autono-
mie et qui ne touchent pas l’APA,
elles sont versées à celles dont
les ressources sont modestes
(868,20 euros par mois pour un
célibataire et 1 347,88 euros par
mois pour un couple). Elles
financent partiellement une aide
ménagère à domicile avec un
plafond de trente heures par
mois pour un célibataire (qua-
rante-huit heures par mois pour
un couple devant être aidé).
Ces allocations sont d’un mon-
tant variable selon les départe-
ments. Où s’informer? Auprès
du centre communal d’action
sociale (CCAS) du domicile du
proche aidé.

Les aides de la Caisse nationale
d’assurance-vieillesse (CNAV),
des caisses de retraite
complémentaires et des mu-
tuelles. Attribuées sous condi-
tions de ressources et de patri-
moine aux personnes légèrement
dépendantes qui ne touchent pas
l’APA. Selon les cas, elles pren-
nent la forme d’un capital de
plusieurs milliers d’euros, ou
d’une prise en charge partielle
des frais liés à l’aide à domicile
(soins, ménage, cuisine...).
Où s’informer? Directement
auprès des caisses de retraite
et des mutuelles.

L’Allocation pour adulte handi-
capé (AAH). Cette aide financière
est versée aux personnes dont le
taux d’incapacité permanente est
au moins égal à 80 %, ou à celles
qui justifient d’un taux d’incapa-
cité permanente compris entre
50 % et 79 %, et connaissent une
restriction substantielle et dura-
ble d’accès à un emploi. Pour la
percevoir, il faut avoir plus de
20 ans (ou 16 ans dans certains
cas), résider en France et que ses
ressources ne dépassent pas cer-
tains plafonds (10 320 euros
en 2019 pour une personne
seule). Son montant sera porté à
900 euros dès le 1er novembre
prochain mais elle est réduite
si son bénéficiaire perçoit
des revenus imposables.
Où s’informer? Auprès des Mai-
sons départementales des per-
sonnes handicapées (MDPH)

Les congés et l’aide au répit encore peu utilisés


Les conditions pour bénéficier des différents dispositifs sont trop strictes ou trop contraignantes


Q


uiconque assiste une
personne âgée dépen­
dante ou handicapée
s’épuise forcément peu à
peu. « Un tiers des aidants meurent
avant la personne qu’ils aident,
40 % lorsqu’il s’agit d’un malade
d’Alzheimer », alerte Serge Guérin,
sociologue et spécialiste du vieil­
lissement. Se consacrer nor­
malement à sa vie professionnelle
se révèle aussi très compliqué.
Plus d’un Français sur six soutient
au quotidien un parent, un enfant
ou un proche en situation de
dépendance. Parmi eux, plus de
la moitié travaille.
Si les personnes âgées dépen­
dantes ou handicapées peuvent
toucher des aides financières (al­
location personnalisée d’autono­
mie [APA]...), le dédommagement
des proches aidants est, lui, pres­
que inexistant. Dans de rares cas,
ces derniers peuvent être salariés
par la personne dépendante dont
ils s’occupent (mais cela est im­
possible s’il s’agit de son conjoint,
concubin ou pacsé) ou percevoir
une partie de la prestation de
compensation du handicap (PCH).
Néanmoins, trois congés dis­
tincts existent pour soulager
les aidants qui travaillent. Le
congé de « présence parentale »
permet d’accompagner son en­
fant de moins de 20 ans handicapé
ou malade. Sa durée peut attein­

dre 310 jours (soit 14 mois maxi­
mum) et peut être étalée sur 3 ans.
Le parent touche alors une allo­
cation journalière, versée par
la Caisse d’allocations familiales,
s’élevant à 43,70 euros s’il vit en
couple ou à 51,92 euros s’il vit seul.
Le congé de « solidarité familiale »
permet quant à lui de cesser de
travailler si l’un de ses proches est
en fin de vie. Sa durée est de
3 mois, renouvelable une fois. Là,
une allocation journalière est ver­
sée par la Sécurité sociale. Elle
s’élève à 56,10 euros dans la limite
de 21 jours (pour un temps plein)
ou à 28,05 euros dans la limite de
42 jours (temps partiel).

Manque de lisibilité
Enfin, le congé du « proche
aidant » permet de cesser son acti­
vité pendant 3 mois (renouvela­
bles jusqu’à un an) pour aider un
proche handicapé ou dépendant.
Il peut être posé par un membre
de la famille ou toute personne
qui apporte une aide régulière au
quotidien. Plus de 4 millions
d’aidants actifs sont ainsi concer­
nés. Pour en bénéficier, il faut jus­
tifier d’une ancienneté d’un an
minimum dans son entreprise.
Or, ce congé n’était jusqu’à présent
pas indemnisé. Une mesure figu­
rant dans le projet de loi de finan­
cement de la Sécurité sociale pour
2020 prévoit néanmoins qu’il le

soit dès l’an prochain. Son mon­
tant pourrait atteindre entre 43 et
52 euros par jour selon la composi­
tion du foyer, mais il doit encore
être fixé par décret. « C’est une
bonne nouvelle, car ce congé était
le seul à ne pas être indemnisé, ce
qui limitait franchement son effi­
cacité », estime Benoit Durand, di­
recteur général de l’association
France Alzheimer & maladies
apparentées. Cette indemnité
pourra être versée pendant une
durée de 3 mois maximum pour
l’ensemble de la carrière de
l’aidant, qu’il soit salarié, fonction­
naire ou indépendant. Il sera pos­
sible, avec l’accord de l’employeur,
de transformer ce congé en temps
partiel ou bien de le fractionner.
Ces aménagements vont­ils
améliorer l’efficacité de ce dispo­
sitif? Il faut l’espérer car, s’ils ont
le mérite d’exister, « peu d’aidants
y ont recours en réalité », constate
Benoit Durand. Par exemple, se­

lon le rapport du Haut Conseil de
la famille, de l’enfance et de l’âge,
seules 545 personnes ont bénéfi­
cié du congé de solidarité fami­
liale en 2016. « Ces congés sont
encore méconnus et mal indemni­
sés, ce qui explique leur faible utili­
sation », commente Guillemette
Leneveu, directrice générale de
l’Union nationale des associa­
tions familiales (UNAF).
Ils manquent aussi de lisibilité.
« Les délais pour prévenir les em­
ployeurs sont variables selon les
congés demandés », relève Mme Le­
neveu. Enfin, ils ne sont pas tou­
jours évidents à poser. « Certains
aidants n’osent pas en parler à leur
employeur, car ils craignent d’être
stigmatisés. Ils n’ont donc parfois
pas d’autres choix que de poser
des RTT ou un arrêt maladie lors­
que l’épuisement est trop grand »,
note Marie­Jeanne Richard, prési­
dente de l’Union nationale de fa­
milles et amis de personnes mala­
des et/ou handicapées psychiques
(Unafam).

Mobilisation nationale
Par ailleurs, un certain nombre de
proches aidants, qui ne sont pas
salariés, sont laissés au bord de la
route. « Rien ou presque n’existe
pour les plus jeunes qui accompa­
gnent au quotidien un parent ou
un frère malade ou en situation de
handicap », rappelle Françoise El­

lien, présidente de l’association
nationale Jeunes AiDants Ensem­
ble (JADE). Même constat pour le
droit « au répit », qui ne décolle
pas. Instauré lors de la loi d’adap­
tation de la société au vieillisse­
ment de 2015, il finance l’accueil
ou l’hébergement de la personne
aidée dans une structure adaptée,
et permet ainsi aux aidants de
prendre un peu de repos. Son
montant s’élève, en 2019, à
506,71 euros maximum par an.
« C’est une aide indispensable et
fondamentale mais les conditions
pour en bénéficier sont trop limi­
tées », constate Benoit Durand.
Elle est pour l’heure réservée aux
aidants de personnes âgées per­
cevant l’APA et qui ont atteint son
plafond d’éligibilité.
Le rapport de Dominique Libault
sur la concertation Grand âge et
autonomie de mars 2019 appuie
ce constat : « La loi a créé une aide
au répit et un relais en cas
d’hospitalisation de l’aidant. Mais
ces dispositifs, dont les critères d’ac­
tivation sont restrictifs et dont la
mobilisation s’avère complexe,
sont peu utilisés. » Ils sont pour­
tant incontournables et devraient
être au cœur des réflexions lors
du plan de mobilisation natio­
nale en faveur des proches aidants
présenté cet automne par le
gouvernement.
pauline janicot

Des initiatives


en faveur des salariés


Certaines entreprises accompagnent de plus
en plus leurs employés aidants

L


es dispositifs légaux de sou­
tien aux aidants progres­
sent et l’indemnisation
du congé réservé au proche
aidant représente une avancée.
Ces mesures restent pourtant in­
suffisantes, tant la charge qui pèse
sur cette catégorie de salariés
est importante. Dans un sondage
réalisé en juin 2019 par la plate­
forme Yoopies en partenariat
avec le LabRH, auprès de 1 300 sa­
lariés aidants, 97 % reconnais­
sent qu’ils gèrent au travail leurs
problématiques personnelles,
comme les démarches adminis­
tratives liées à leur proche dépen­
dant ou les urgences qui font suite
à une maladie ou à un accident.
Depuis quelques années, cer­
tains grands groupes tiennent
compte de ces difficultés et
accompagnent davantage leurs
salariés qui s’occupent d’un pro­
che malade ou âgé. Reste encore à
sensibiliser les entreprises de plus
petite taille qui, elles, n’ont pas
toujours les moyens de se
mobiliser. L’accent a surtout été
mis sur l’information délivrée aux
aidants qui peuvent rapidement
se perdre face au nombre de struc­
tures et à la complexité des
démarches à accomplir pour son
proche dépendant ou malade.
Certaines entreprises ont donc
mis en place plusieurs actions
destinées à mieux informer leurs
salariés aidants en éditant par
exemple un guide (BNP Paribas,
Crédit agricole assurances...).
D’autres ont développé des sites

d’information et des groupes
de parole anonymes (La Poste,
Macif...) ainsi que des plates­for­
mes destinées à les aiguiller (Da­
none, Bayard, AG2R...).

Don de jours de repos
En revanche, les aides financières
réservées à ces salariés sont plus
rares. Un accord de branche ou
d’entreprise peut d’ailleurs pré­
voir des dispositions plus favora­
bles que celles du code du travail
sur les conditions des congés
spécifiques (proche aidant...).
Certains groupes vont plus loin en
maintenant la rémunération de
leurs salariés dans le cadre du
congé de l’aidant ou en pro­
posant une indemnisation com­
plémentaire (Casino, ProBTP...).
D’autres facilitent l’aménage­
ment de leur temps de travail en
autorisant un télétravail (Macif,
Matmut...) ou des jours d’absence
rémunérés (Novartis...).
Des sociétés, enfin, encouragent
le don par leurs employés de jours
de repos au profit de collègues
aidants. Un salarié a par exemple
la possibilité de renoncer anony­
mement et sans contrepartie à
tout ou partie de ses jours de re­
pos non pris – RTT, récupération
ou congé, à l’exception des quatre
premières semaines de congés
payés – au profit d’un collègue
dont l’enfant est gravement ma­
lade. Ce don permet au salarié qui
en bénéficie d’être rémunéré pen­
dant son absence.
p. ja.

« CERTAINS AIDANTS 


N’OSENT PAS EN PARLER 


À LEUR EMPLOYEUR, 


CAR ILS CRAIGNENT 


D’ÊTRE STIGMATISÉS »
MARIE-JEANNE RICHARD
présidente de l’Unafam

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