Il n’est pasrareque lesévolutions du
monde s’accompagnent,chez certains, d’incompréhen-
sion, de crispation, depeur.Latentation est grande
alorsdeselaisser alleràdes mouvementscont raires car
il n’est jamaisfacile d’accepter que lescodes changent,
queles repèressebrouillent, que l’ordredes choses se
modifie.Etque vacille tout ce àquoi on s’est habitué et
que l’on croyait éternel. Celapeut secomprendre, c’est
presque naturel. Et c’est sans douteainsi qu’ilfaut lire
l’incroyable torren tdehaine qui déferle sur la militante
écologisteGreta Thunberg, 16 ans. Dece pointdevue,
la Francesemble êtreenpointe.Des intellectuels
comme Alain Finkielkraut ouPascal Brucknerrelayés
parune nuée d’éditorialistes de droites’enprennentà
peuprèsàtout ce qui la caractérise:saj eunesse, son
genre, son physique, son handicap (elle est autiste
Asperger), sesparents, soncourage, qualifié d’arro-
gance, son mode d’action–lagrève scolaire–etmême,
pour certains, sa nationalité, dontelle ne seraitpas
digne carpasassez conformeàl’idée que l’on sefait
«des petites Suédoises»...Inutile de détailler la violence
et l’outrancedes propos de ses ennemis quiparlentde
manipulation et defanatisme, allantmême jusqu’à
convoquer le souvenir desJeunesses hitlériennes ou des
gardesrouges. Signalons justeque, le samedi 28 sep-
tembre, un demi-million depersonnes, dont le premier
ministreJustinTrudeau (d’ailleurspris àpartieparla
foule), défilaientavecelle àMontr éal. Pass ons aussi sur
l’inqualifiable discoursprononcélemême jourparÉric
Zemmouràla«convention de la droite»retransmis,
sans filtre,parLCI. Discoursqui luivaut l’ouverture
d’une enquêtepar leparquet deParis pour «injures
publiques»enversles musulmans et«provocation
publiqueàladiscrimination, la haine ou la violence».
Lesmots deraciste, d’homophobeetdemisogyne
Auprogramme
semblenttroplégerspour qualifierce délinquantqui
venait d’êtrecondamnépour desfaits similaires et pro-
phétisaitce jour-là«ladisparition des hommes blancs
hétérosexuels de plus de 50 ans».Ils ontpeur,ces
hommes–etces quelquesfemmes –, c’estcertain. Et
ils necessentdelehurler,enprécisantàchaquefois
qu’aujourd’hui«onnepeut plus rien dire».
Pourtant,ilyadansce numérodeMquelquesexemples
pass ionnants dece monde quiévolue et despersonnages
qui port entcemouvement.Avec d’abordleportrait que
dresse Stéphanie ChayetdeJeremyO.Harris, jeune dra-
maturgeaméricain.Homosexuel, afro-américain,parlant
sans détour du désir et descorps, pointant avec force
l’absencedes Noirsdans la cultured’un pays qui n’est
jamaistout àfait sorti de sonpasséescla vagiste,Harris
secoueBroadway.Ilyaaussi, dans notrenouvelle
séquenceLeGoût, lecompterendu de la semaine des
collectionsàNew York.Nouveau présidentduCFDA
(Council ofFashion DesignersofAmerica), le créateur
TomFordafait entrer dans lecomitédedirection trois
créateursafro-américains, dontVirgil Abloh, premier
directeur artistique noir nomméparVuittonàlatêtede
sa mode masculine.La marque PiperMoss,elle, fait défi-
ler un castingexclusivementafro-américain et affirme
dans le programme :«Nous racontons notrehistoire
désormais.»QuantàlajournalisteVicky Chahine, elle
retrac eleparcoursducollectifBeen Trill, des artistes
issus du hip-hop. Ses membres, dontVirgil Abloh juste-
ment, s’installentaujourd’hui enbonne placedans le
calendrier de la mode masculineparisienne et dans l’in-
dustrie, notammentenItalie. Quesepasse-t-il?Rien.
Justelemonde quichange. Etavance. C’est dans l’ordre
des choses. C’est presque naturel.
Illustration Helena Kadji Marie-PierreLANNELONGUE
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