«Ilest 0h30et j’ ai malàmavie»;
«Jenevoulaispasêtreriche,jev oulais sim-
plement briller»;«Onm’a ditque j’ allais mou-
rirunjour, alorsj’aidécidé devivrelanuit»...
Surles murs descellules, gravésdansleplâtre
ou peints au feutre ,les graffitis de sdétenus
sont demeurésintac ts. Ils font le bonheurdu
flotdechanceuxqui ont réussi àdécrocher
unevisiteàlapriso ndes Baumettes. Surle
siteInternetAdie uBaumettes commesur la
monumentale ported’entrée en fervert, l’ad-
ministrationpénitentiaireaffichecomplet.
C’estunevéritable «Baumettes-mania»qui
s’estemparée desMarseillaisàl’annoncede
l’ou vertureaupubli c, jusqu’au 30 novembre,
desBaumettes historiques, désertéesilya
environunanpar lesderniers détenus,trans-
férésaux Baumettes2,unnouveau bâtiment,
en bétonetsansâme,construitunpeu pl us
hautsurcevaste siteaupieddumassif des
Calanq ues. En 2020,lesbâtimentsdela
prisonmarseillaise constr uits entre1933
et 1943 parl’architecte Gaston Castelseront
livrés aux démolisseurs. Et,aveceux,une par-
tiedel’histoir ecriminelle deMarseille.
Installés sousLa Gourmandise,l’un deshauts-
reliefsdumur d’enceintequi symbolisent les
sept péchés capitaux,Michel etJoëlle,un
TexteLuc LerouxLesbâtiments historiques dela prison
marseillaise se ront rasésen2020. Le publ ic se
précipiteaux visitesguidées del’établissement
carcéral, prévues jusqu’au 30 novembre.
unefoule veut entrer
auxbaumettes.
couple deseptuagénaires,confientleur
passion pour le patrimoine marseillais.
«Depuistoutepetite,j’entendaisparlerdes
Baumettes,où monpère,quiétaitpolicierà
l’Évêché[l’hôtel depolice],conduisaitles
méchants.»Joëlle agardé enmémoirelenom
de Mémé Guérini, figuredubanditismemar-
seillaisd’après-guerre,maissurtout,explique-
t-elle,«jevoulaisvoirlacellule deGaston
Dominicietcelle deRenucci[sic],celuiqui
avaittuélapetitefille ».Elleneverra ni la cour
de promenadedufameux accusé–dont les
traits de vieillardavaientému Charles de
Gaulle, quil’avait gracié et fait libérer –, ni le
lieu de détention deChri stianRanucci,
condamnéàmortete xécutépourlemeurtre
de la petite Marie-Dolorès.
Pargroupes de vingt, lesvisiteu rs déambulent
dans la prisonvide,volontairement«malme
nés»parlepersonnel quiencadrelesvisites à
coupsde«Avancez!Etrestezengroupe».
Unefaçonamusante d’expliquerlar ègle péni-
tentiairedusas :«Ici,onn’ouvrejamaisune
porteavantquel’autrenesoit fermée»,
explique SabineMoutot, directriceadjoint edu
centrepénitentiairedeMarseille. On s’y
croiraitpresq ue lorsque,danslacourdepro-
menade cernéede barbelésenguirland és devieux vête ments, un guid ehurle :«Réinté
gration descellules!»Dans le flotdes
visiteu rs s’estglissée la greffièrequitenait
leslieux jusqu’en 2015.C’est face àelleque
lespriso nniers troquaient leur identité contre
un numéro d’écrou.
Au fil ducheminement,ont ombesur une
guillotinedressée derrièreune gril le.Celle-ci
atranché destêtes,etn otammentcelle
de HamidaDjand oubi ,unouvrieragricoletuni-
sien ,dernierexécutédeFrance.«Lesbour
reauxracontaientqu’ilstenaientlatêteparce
qu’ils nevoulaientpasl’entendretomber dans
lepanier enosier»,racontel’undes guid es,en
apar té.L’administration aaffichéles notes
de MoniqueMabelly,magistratemarseillaise,
rédigées uneheure aprèsavoir assistéàcette
dernière exécution capitale.Elleparle du
sang,des flots de sang.
Tout estenl ’état, rien n’aété rafraîchi, ni
repe int. Mais, pour compenserun silence
inhabituel,des ambiances sonores sont
diffuséesdanslacour, dans lescoursives
repe uplées pour l’occasion de bruits de clés
et deroulementsdechari ots, d’inte rpellations
entresurveillants.«Toutestvrai»,glisse
au détourdelavisitel’undes rése rvistesde
la pénitentiaire. Beaucoupdesurveillants
profi tent d’Adie uBaumettes pour faire
découvrir àleurs proches l’universdetravail
d’unepriso n, dont lecontrôleurgénéraldes
lieux de privation deliberté av ait, en 2012,
dénoncél’«indignité ».
Dans cettemarée de visiteu rs se glissent
aussid’anciens détenus queseull’œil des
fonctionnaires de la pénitentiairedétecte.
Dire cteurdes services pénitentiaires,chargé
de l’opération AdieuBaumettes,Pierre Raffin
aainsi croiséunancienprisonnier«venuavec
samèrede 90 anspourluimontrerladéten
tion,ellequin’avait connu quelesparloirs
famille ».Certainsont leslarmesaux yeux,
commecet hommequi finitpar confier àun
surveillant:«Monfilsestenprisonetje vou
laisvoircequeçafaisait. »Àlasortie ,les visi-
teurssont«retournés».«J’aiimaginédes
gensvivreici, c’esthorrible»,confieTina,
32 ans, venue spécialement deMontpellier.
Pour Nathalie,conseillèreenassurance,
c’était«unrêved’entrerenprison».Maisàla
sortie,elleconfie ressentir«uncoup au
ventre ».BeaucoupdeMarseillaisregre ttent
quel’onn’ait pa schoisi deconser verces lieux.
«LesBaumettes,c’estpasrien,c’estfort.
Dansquelquesannées,onserendracompte
qu’onafaitunegrossebêtiseenlesrasant.»
Chantal imaginecequ’aurait pu êtreun
«fantastiqueAlcatrazmarseillais ».Lesvisiteurssont accompagnés
par le personnel pénitentiaire,
dans une ambiance sonorefaite
des bruits de la prison.44
lasemaineClaude Almodovar/Divergence