Sespremiersmots, j’auraispulesécrire. La
suitemecorrespondmoins, car jenesuispas
dans unesituationaussi grave. Mais jemesuis
retrouvée dansce qu’elledit sur l’accumulation
de détails qui finissent pargénéreruneterrible
chargementale.Quandonest directeur d’école,onchangedemétier àmesurequelesproblèmes
surviennent.Jedeviensinfirmièrepourunenfant
quis’estblessé, gestionnairepouruncolis qui
arriveoupour unenseignantqui aunproblème
dephotocopieuse...Heureusement,j’aimoins la
casquetted’assistante socialeque descollèguescommeChristineRenon:jenerencontre ces
problèmes-là que deuxoutroisfoispar an.Pour
certains, c’esttouslesjours qu’ilfaut gérerles
signalements etlesconflitsaveclesparents...
Moi, jevoudrais justequ’onmeprêteun
escabeaupourremettreenplace lesrideaux
occultants que j’ai dû déplacer enurgencependantlacaniculedejuin et qu’onretrouvema
commande de matérielde soins quiaété perdue
–mapharmacieest videàforce d’attendre.Ce
métier,c’est êtreprisenpermanence dans des
injonctionscontradictoires.Je doisorganiser
lesclassespour la canicule, maisle personnel
censé intervenir nepourrapas se déplacer avantle début desfortes chaleurs.Je dois assurer
la sécuritédes élèves, maislesgensentrent et
sortentdel’école –malgréleplanVigipirate–
sans se signaler.Celamemet uneépéedeàtitre personnel
le 23 septembre,Christine renon se donnait la mort.
Cette direCtriCed’une éCole maternelle depantin,enseine-
saint-denis,avait expliqué son gestedans une lettre.JohannaC., direCtriCe d’éColeenSeine-MaritiMe.
proposrecueillisparViolaineMorinQuandj’aidécouvert le suicide
de ChristineRenon, sa lettre d’adieuétait
déjà en ligne. Je l’ai luesur Twitter, mon
principalcanal d’information avec la radio.
Damoclès au-dessus de latête:lejouroùil
yauraunproblème, ce sera de mafaute.Au
fond,ilyauneidée qui se dégagedelalettre
deChristinepournoustous, lesdirecteurs:est-
ce que çavaut lapeinedecontinuer?Onachoisi
d’exercercettefonction,maison lepaie trèscher.Je suis déchargéedemes heures d’enseignement
qu’unejournéeparsemaine,monécole n’ayant
que sixclasses. Etpourtant,jen’aipas envie
derenoncer àmaclasse.Quandmes élèves
de CPréalisent qu’ils savent lire, ilsontdes
étincelles dansle regard.Quandils écriventleur premièrephrase sansfaute, qu’ilsréussissent
àsecorriger seuls... J’ai lachance delesavoir
àl’âgedespremières fois!
Hier,j’aipassé ma journéeàpenseràChristine,
enmedisant, au fur etàmesureque ma journée
s’envenimait, que jen’étaispasaupoint où
elle enétait.Onmerépète souventquemonécolen’estpasàplaindre, carellen’estpasen
éducation prioritaire.Mais unechose est sûre:
la bouledans lagorgequeChristineévoque
dans soncourrier,jelaconnais.Lemêmejour,
descollègues se sont disputéesàproposdu
café. J’ai essayéderelativiser:si onse disputeà
propos du café, c’est qu’onn’apas deproblèmeplus important...oubienpeut-être
est-ontellementsouspression
quemêmela pause-cafédevient
unproblème?52
lasemaine