Courrier International - 26.09.2019

(Tina Sui) #1

Trump,


l e va u T o u r


Déçue par son attitude
passive vis-à-vis de l’Iran,
la presse saoudienne n’hésite
plus à critiquer ouvertement
le président américain.

Courrier international — no 1508 du 26 septembre au 2 octobre 2019 les sCénarios du pire. 15


Revue
de presse

L’Arabie Saoudite,


surarmée et impuissante


Les titres de la presse arabe critiquent les Saoudiens à la suite des frappes
contre deux installations pétrolières. Et l’attitude désinvolte du prince
héritier Mohammed ben Salmane n’aide nullement, analysent-ils.

D


es dépenses militaires énormes, mais incapable
de défendre son territoire”, titre le site qatari
Arabi21. “Les attaques contre deux installa-
tions pétrolières samedi 14 septembre soulèvent
des questions sur la capacité des Saoudiens à
se défendre. Mais aussi sur l’intérêt de leurs
dépenses militaires”, souligne l’article, rappelant
que le pays “arrive en troisième position dans le
monde, après les États-Unis et la Chine, pour ses
dépenses militaires”.
En effet, selon le rapport
annuel de l’Institut inter-
national de recherche sur la
paix de Stockholm (Sipri), ces
dépenses ont été de 67,6 milliards de dollars en


  1. Or, quand on rapporte cette somme au pro-
    duit intérieur brut (PIB), cela fait 8,8 %. Ce qui
    place l’Arabie Saoudite en première place, et de
    très loin, dans le monde.
    Selon le journal qatari Al-Araby Al-Jadid, qui
    revient sur les attaques du 14 septembre, ces der-
    nières n’ont pas seulement une portée “immédiate
    pour la sécurité des Saoudiens, mais aussi une portée
    symbolique” à plus long terme. “Non seulement ils
    ne sont pas en mesure de défendre leur propre pays,
    mais en plus le président américain Donald Trump
    a clairement dit qu’il fallait qu’ils paient désormais
    s’ils veulent que les États-Unis le fassent à leur place.
    Aussi les Saoudiens sont-ils coincés entre les frappes
    iraniennes et le chantage américain.”


—Okaz (extraits) Djedda

L


a Maison-Blanche est réputée pour être un
repaire de faucons. Or le président amé-
ricain Donald Trump s’est débarrassé du
plus féroce d’entre eux : son conseiller à la
Sécurité nationale, John Bolton. Il s’avère
donc qu’il n’y a de place à Washington que
pour un seul rapace, Donald Trump lui-même.
S’il appartient à la grande famille des oiseaux
de proie, il s’apparente surtout à un vautour.
Il avait entamé son mandat en faisant preuve
d’agressivité, avec des valeurs proches de celles
des néoconservateurs. Il a commencé par piéti-
ner les alliés traditionnels que sont les membres
de l’Otan, les pays liés par des traités de défense
tels que le Japon et la Corée du Sud, ainsi que les
pays avec lesquels Washington avait une longue
tradition de protection au Moyen-Orient. Et
voilà qu’il finit par se comporter en bandit qui
cède sa protection au plus offrant, demandant
que [les Saoudiens] lui paient rétroactivement
le prix de la protection américaine.

Un révélateur. Dans le même temps, Trump
s’est rapproché de manière effarante des
ennemis traditionnels de Washington, que
les Américains considèrent comme des pays
voyous. Vis-à-vis de la Corée du Nord, il ne
s’est pas non plus comporté en faucon. Peut-
être parce qu’il espérait ainsi obtenir le prix
Nobel de la paix, comme Barack Obama. Tout
cela s’est soldé par un échec.
Mais rien n’a mieux révélé la vraie nature de
Trump le Vautour que le dossier iranien. Son
problème est qu’il tient à apparaître comme
un dur, mais qu’il ne se donne pas les moyens
de son discours. Au lieu de sortir les griffes,
il use des sanctions économiques à l’excès. Et
quand ces sanctions montrent leur inefficacité,
il en reste là. Téhéran a compris qu’il n’irait pas
plus loin, qu’il n’userait jamais de la force, et
que la voie était libre pour poursuivre l’esca-
lade. Le limogeage de John Bolton n’en était
que le signal ultime. Les Iraniens l’avaient déjà
compris quand ils ont abattu un drone amé-
ricain, sans que Trump ne lance de frappes
militaires en représailles. En réalité, Trump
est un vautour qui ne supporte pas la présence
de faucons autour de lui.
—Dr Talal Saleh Bannan
Publié le 18 septembre

sourCe

Okaz
Djedda,
Arabie Saoudite
Quotidien, 60 000 ex.
okaz.com.sa/
Créé en 1960, Okaz
est l’un des premiers
médias du royaume
saoudien et
le deuxième quotidien
quant à la diffusion.
Ses articles reflètent
le point de vue
du pouvoir et des
milieux d’affaires.
Le site est clair et offre
une navigation simple.

“Donald Trump s’est vanté un jour d’avoir vendu
des centaines de milliards de dollars d’armes aux
Saoudiens. Aujourd’hui, il se présente de nouveau
en représentant de commerce. Il laisse entendre que
les Américains n’ont pas besoin du pétrole saoudien
et envoie son chef de la diplomatie, Mike Pompeo, à
Riyad pour dire qu’il faut chercher une ‘solution
pacifique’ avec Téhéran”, écrit Al-Quds Al-Arabi,
quotidien panarabe édité à Londres. Le journal
revient sur une vidéo de pro-
pagande de 2017. “Elle présen-
tait l’armée saoudienne comme
invincible vis-à-vis des Gardiens
de la révolution. Le scénario,
réalisé à la manière d’un jeu vidéo, montrait com-
ment elle allait réagir en cas d’agression iranienne :
par une invasion de l’Iran et par l’occupation de
Téhéran. Et à Téhéran, la population allait bran-
dir des portraits de Mohammed ben Salmane, le
commandant en chef de l’opération militaire ron-
dement menée”, se moque Al-Quds Al-Arabi. Et
de conclure : “À la lumière de l’humiliation subie
par Riyad, beaucoup de gens, y compris parmi les
Saoudiens, doivent penser que leur pays est géré à
peu près de la même manière qu’a été tournée la
vidéo [...] et que Mohammed ben Salmane pensait
pouvoir traiter avec le monde comme s’il jouait à la
console. Il faudrait que quelqu’un lui enlève son jeu.
Le pays ne peut se permettre une telle désinvolture.”
—Courrier international

↑ Dessin d’Emad
Hajjaj paru dans
Al-Araby Al-Jadid,
Londres.

caggle cartoon

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