12 |sports JEUDI 10 OCTOBRE 2019
0123
Michel Platini,
grand perdant
d’un ménage
à trois à la FIFA
Mis à l’écart depuis 2015,
l’ancien joueur n’est officiellement
plus suspendu par les instances
internationales du football.
Retour sur les manœuvres
qui ont conduit à sa chute
ENQUÊTE
genève, zurich (suisse)
envoyé spécial
M
aintenant, j’ai Mi
chel par les
couilles. » Ce jour
de janvier 2011,
Sepp Blatter jubile. Le président
suisse de la très puissante Fédéra
tion internationale de football
(FIFA) vient de montrer à un pro
che, dans son bureau, une lettre et
une facture envoyées par Michel
Platini, son homologue à l’Union
des associations européennes de
football (UEFA) depuis 2007.
Dans ces documents, M. Platini
lui réclame 2 millions de francs
suisses (1,8 million d’euros). Cette
somme correspond à un reliquat
de salaires datant de l’époque
(19982002) où le Français était
son conseiller. Neuf ans après le
terme de sa mission, il a demandé
son solde et le patron du foot
mondial lui a proposé d’envoyer
un courrier et une facture à
Markus Kattner, le directeur fi
nancier de la FIFA.
M. Platini l’ignore encore : il s’est
trompé sur la somme mention
née. M. Blatter l’a compris, lui, et il
sait que cette erreur pourrait être
fatale à l’ancien joueur, qu’il per
çoit comme un adversaire politi
que. M. Blatter sait aussi que la jus
tice suisse ne badine pas avec les
factures : le moindre décalage de
montant, même au désavantage
du bénéficiaire (c’est le cas ici),
peut donner lieu à une procédure.
Dans l’immédiat, M. Blatter garde
précieusement ces documents.
Près de huit ans se sont écoulés
depuis cette scène. Huit années
en partie marquées, pour Michel
Platini, par une longue disgrâce.
Radié des instances internationa
les du football depuis 2015, il a vu
cette mise à l’écart prendre fin
lundi 7 octobre à minuit. Pour lui,
le moment est venu de tenter de
comprendre comment il a chuté.
« Ma suspension est due au fait
que Blatter, qui voulait rester, et
quelques administratifs de la FIFA,
qui voulaient défendre leur très
bonne soupe, n’ont pas voulu me
voir président de la FIFA », assure
til au Monde.
De fait, s’il avait soutenu M. Blat
ter lors de son élection à la tête de
l’organisation mondiale, en 1998,
ses rapports avec lui se sont dété
riorés à partir de 2013. Cette an
néelà, M. Blatter fait miroiter au
Français sa succession, mais pré
pare, en réalité, sa reconduction
pour un cinquième mandat. Leur
rupture est consommée le
28 mai 2015, au lendemain d’un
raid anticorruption mené, à la de
mande de la justice américaine,
avant le congrès électif de la FIFA, à
Zurich. M. Platini demande « les
yeux dans les yeux » à son ami
« Sepp » de démissionner. Il refuse.
Seule la pression médiatique et ju
diciaire le contraindra, quelques
jours plus tard, à abdiquer.
Dès lors, un boulevard semble
s’ouvrir à M. Platini pour l’élec
tion de février 2016. Sauf que
M. Blatter entend lui barrer la
route... « Il faut tuer Michel! »,
s’emportetil, lors d’un déjeuner
avec son secrétaire général, Jé
rôme Valcke, et son neveu Phi
lippe Blatter, au restaurant Son
nenberg à Zurich. M. Blatter leur
laisse entendre que le paiement
de 2011 − la fameuse facture erro
née − pourrait nuire à la candida
ture à venir du Français.
Les ambitions de M. Platini sont
foudroyées le 25 septembre 2015,
jour où le Ministère public de la
Confédération helvétique (MPC, le
parquet suisse) ouvre une procé
dure pénale contre M. Blatter et in
terroge Michel Platini comme té
moin assisté sur ce paiement. Le
Français comprend qu’il s’était
trompé sur le montant de la
somme réclamée (2 millions de
francs suisses au lieu de 2,8 mil
lions), quatre ans plus tôt.
Comme l’indique alors son por
teparole, le parquet suisse n’a pas
découvert l’existence de ce paie
ment « sur la base d’informations
venant d’institutions bancaires ».
L’information lui est venue de la
FIFA. Le 28 mai 2015, le directeur fi
nancier de la fédération, Markus
Kattner, a fourni, à la demande du
MPC, une masse de documents
lors d’une perquisition au siège de
l’institution. Le travail de tri était
tel que le parquet a eu besoin d’in
formateurs pour l’aiguiller.
Des sources, interrogées par Le
Monde, désignent Marco Villiger,
alors directeur juridique de l’ins
tance et proche de M. Blatter,
comme la personne qui aurait
transmis à la justice suisse l’infor
mation, pour le moins ciblée, sur
M. Platini. Sollicité par Le Monde,
M. Villiger ne peut réagir, car il af
firme être tenu au silence en vertu
d’une clause de confidentialité si
gnée à son départ de la FIFA,
en 2018. Mais il a toujours réfuté
ces accusations et juré qu’il n’a été
informé du paiement fait à M. Pla
tini qu’au 25 septembre 2015.
« Ce paiement n’était un secret
pour personne au sein de la direc
tion de la FIFA », assure pourtant
l’exsecrétaire général, Jérôme
Valcke. « M. Villiger a une expres
sion très libérale de la vérité : il
était au courant », insiste M. Blat
ter, qui l’accuse, dans son auto
biographie (Ma vérité, Héloïse
d’Ormesson, 2018), d’être l’auteur
de cette « dénonciation ».
En mai 2018, M. Platini a été mis
hors de cause dans la procédure
pénale, par une lettre du MPC.
Mais ces soupçons l’ont tout de
même pénalisé. C’est bien l’action
du parquet qui avait conduit la
commission d’éthique de la FIFA à
prendre le relais et à le suspendre,
ainsi que M. Blatter, en 2015.
Quel a été le rôle de M. Blatter
dans cette affaire? Selon plu
sieurs sources, l’expatriarche du
football mondial, aujourd’hui âgé
de 83 ans, aurait été « l’arroseur ar
rosé », en ayant commandité ou
encouragé la fuite de documents
vers la justice. Il aurait ainsi « tué »
le « fils » honni, quitte à chuter
avec lui. Interrogé sur cette thèse
par Le Monde, M. Blatter a tou
jours indiqué n’être « pas assez
fou pour se tirer une balle dans le
pied ». L’un de ses anciens pro
ches avance une analyse diffé
rente : « Blatter a fait une erreur de
calcul : il a pensé que seul le “payé”
serait ciblé par le MPC et non le
“payeur”. Il a été surpris de se pren
dre le boomerang et d’être sus
pendu par la commission d’éthi
que qu’il a mise en place. »
L’étonnant Me Bernasconi
Quels qu’en soient les responsa
bles, le sabotage de la candidature
du Français a bénéficié avant tout
à une autre personne : Gianni In
fantino, élu à la présidence de la
FIFA en février 2016. Surnommé
« Iznogoud » en raison de son am
bition démesurée, il fut l’homme
de confiance et le secrétaire géné
ral de Michel Platini, à l’UEFA. Tout
a basculé en octobre 2015, selon un
scénario qu’il est possible de re
constituer en partie.
A l’époque, les ennuis s’accumu
lent pour « Platoche ». Sa volonté
de briguer la succession de
M. Blatter se heurte au calendrier
des organes disciplinaires de la
FIFA et du Tribunal arbitral du
sport (TAS) de Lausanne, l’instance
supérieure de la justice sportive.
M. Infantino en profite pour sortir
du bois juste avant la date limite
du dépôt des candidatures, le
26 octobre 2015. En théorie, il n’est
qu’un « plan B », un remplaçant
censé s’éclipser avant l’élection, au
cas où M. Platini serait blanchi à
temps par le TAS. « C’était clair :
Gianni devait se retirer si Michel re
venait et pouvait se présenter », as
sure le Grec Theodore Theodori
dis, actuel numéro deux de l’UEFA.
Pourtant, il semble que M. In
fantino avait déjà l’assurance que
M. Platini ne reviendrait pas dans
la course et allait perdre son re
cours devant le TAS. Il faut dire
que M. Infantino est un familier
du tribunal en question, où il sur
veille de près les procédures con
cernant l’UEFA. « Il avait l’habitude
de rendre visite au TAS et de se tenir
très au courant des dossiers en
cours, avec l’aide de l’avocat suisse
Michele Bernasconi », souligne
William Gaillard, exdirecteur de
la communication de l’UEFA.
Etonnant personnage que
Me Bernasconi... A la fois arbitre au
TAS et conseil juridique externe de
l’UEFA, il a géré le dossier de
M. Platini jusqu’au 1er octobre 2015
et sa première audition par la com
mission d’éthique de la FIFA. Jus
qu’au 15 octobre, il était même en
copie, comme... Gianni Infantino,
des emails échangés par les avo
cats du Français. MM. Bernasconi
et Infantino avaient tous les élé
ments en main pour expertiser le
« cas » Platini et mesurer ses fai
bles chances de conquérir la FIFA.
« A l’automne 2015, c’est Bernasconi
qui dit à Michel de ne pas aller de
vant la justice civile et de suivre le
chemin de la justice sportive : il a
conduit Platini à l’abattoir », af
firme un interlocuteur au siège de
l’UEFA, à Nyon (Suisse).
M. Infantino disposait d’un
autre allié : le juriste italien Luigi
Fumagalli. « Lorsque j’étais prési
dent de l’UEFA, Infantino m’avait
proposé le nom et les services de
Luigi Fumagalli pour mes affaires
familiales en Italie », se souvient
M. Platini. M. Fumagalli connaît
très bien M. Bernasconi : entre
2004 et 2014, ils ont siégé ensem
ble au TAS en moyenne deux fois
par an. C’est encore M. Fumagalli
qui a présidé, en mai 2016, le pa
nel arbitral qui a ramené à quatre
ans la suspension de M. Platini.
Afin d’être réélu sans opposant
en juin 2019 à la tête de la FIFA,
M. Infantino estil intervenu, en
agitant ses réseaux au TAS, pour
que la suspension de M. Platini
dure assez longtemps? Sollicité
par Le Monde, il a fait répondre,
par la FIFA, que « le TAS est un or
ganisme indépendant ». « Aucune
intervention d’un quelconque tiers
n’a eu lieu, réagit pour sa part
M. Fumagalli. Une pareille hypo
thèse n’est pas seulement complè
tement dépourvue de tout fonde
ment, mais est même offensante. »
Quant à M. Bernasconi, dont
plusieurs sources pointent le rôle
dans cette manœuvre supposée,
il n’a pas donné suite à nos de
mandes, mais demeure très lié à
M. Infantino : son étude, Bär
& Karrer, est mandatée pour dé
fendre les intérêts de la FIFA. Reste
à connaître, maintenant, l’avenir
de Michel Platini. Libre de revenir
dans l’arène, il confie : « Je ne m’in
terdis rien. » Une manière sibyl
line de dire qu’il n’écarte pas com
plètement de vouloir prendre sa
revanche.
rémi dupré
Le président
de la FIFA,
Sepp Blatter
(à gauche),
et Michel
Platini,
le 29 mai 2015,
à Zurich
(Suisse).
MICHAEL BUHOLZER/AFP
« Ma suspension
est due au fait
que Blatter, qui
voulait rester,
n’ait pas voulu
me voir président
de la FIFA »
MICHEL PLATINI
« Une pareille
hypothèse n’est
pas seulement
dépourvue de
tout fondement,
mais est même
offensante »
LUIGI FUMAGALLI
juriste proche d’Infantino
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