Libération - 05.10.2019 - 06.10.2019

(Steven Felgate) #1
Près de la
préfecture
de police
de Paris après
l’attaque, jeudi.

L


a grande cour d’honneur
était pleine à craquer. De-
bout, visages fermés et
­fatigués, en civil ou en uniforme,
les agents de la préfecture de police
de Paris étaient nombreux vendredi
matin, dans la cour du 19-Août,
pour rendre hommage à leurs qua-
tre collègues Damien (50 ans), Brice

(37 ans), Anthony (38 ans) et Aurélia
(39 ans), tués à l’arme blanche la
veille par un fonctionnaire de la
maison, lui-même abattu. «Un mo-
ment de recueillement et d’émotion
intense», a déclaré sur son compte
Twitter l’institution meurtrie et at-
teinte de façon inédite.

«Terrible». Si les motivations de
Mickaël Harpon, informaticien de-
puis seize ans au sein de la très sen-
sible Direction du renseignement
de la préfecture de police de Paris
(DRPP), restent troubles, le Parquet
national antiterroriste s’est finale-
ment saisi de l’enquête vendredi en
fin de journée (lire ci-contre). Au
côté du personnel endeuillé, le mi-
nistre de l’Intérieur, Christophe
Castaner, et son secrétaire d’Etat,
Laurent Nuñez, ancien de la «PP»
particulièrement touché, ainsi que
le préfet de police Didier Lallement
ont observé une minute de silence.
«Cette tragédie est d’autant plus ter-
rible qu’elle est parvenue à l’inté-
rieur de la préfecture et qu’elle a été
portée par l’un d’entre nous», a sou-
ligné le haut fonctionnaire lors

d’un point presse. Le teint pâle et le
ton solennel, Didier Lallement a
adressé ses «pensées» et toute «sa
solidarité» envers les familles des
victimes.
C’est dans cette même cour d’hon-
neur que Mickaël Harpon a été
abattu jeudi, à l’issue de son par-
cours meurtrier, par un policier lui
ayant sommé en vain de lâcher son
arme blanche. L’employé de 45 ans
venait de tuer au couteau en céra-
mique deux collègues policiers de
la DRPP avec lesquels il était chargé
de travailler sur un programme in-
formatique interne, un agent admi-
nistratif de la DRPP et une em-
ployée de la direction de la sécurité
de proximité de l’agglomération
parisienne. Quant à la fonction-
naire des ressources ­humaines
blessée à l’épaule et transportée en
urgence absolue à l’hôpital, elle a
reçu vendredi matin la visite d’Em-
manuel Macron, Christophe Casta-
ner et Laurent Nuñez.

«Devoir». «Je voudrais souligner
que c’est un jeune fonctionnaire qui
a fait cette neutralisation. Un gar-

çon qui était là depuis six jours», a
salué Didier Lallement, insistant
sur «l’excellence» et le «sang-froid»
de ses hommes. «Nous avons été
touchés au cœur, mais nous sommes
toujours debout. [...] Face à ce
drame, nous sommes soudés», a as-
suré le haut fonctionnaire, qui a
longuement remercié autorités,
élus et citoyens ayant manifesté
«leur amour de la police». «Nous en
avions besoin. Ces marques de
­confiance ont été essentielles.»
Deux recueils de condoléances ont
été mis à disposition : un à l’exté-
rieur de l’enceinte, un autre à l’inté-
rieur, pour le personnel. ­Depuis sa
mise en place dans la foulée du
drame, la cellule de prise en charge
psychologique a ­accueilli 179 per-
sonnes, a précisé ­Didier Lallement.
En prévision du week-end, une li-
gne téléphonique a été ouverte
pour que les agents puissent
­continuer à trouver une écoute.
­Invoquant le «devoir», le préfet a
déclaré : «Demain, les agents seront
là, quelle que soit notre peine, quels
que soient les sentiments personnels
que nous traversons, ce qui compte,
c’est le service public.» Debout, quoi
qu’il ­arrive.
Mais quarante-huit heures après
une mobilisation historique, les po-
liciers encaissent. «Ça m’a foutu un
coup de massue», dit Marie (1), une
fonctionnaire parisienne, ayant tra-
vaillé une dizaine d’années dans
ce sanctuaire au cœur de la
­capitale. A son commissariat, ses
collègues et elle ont eux aussi gardé
le silence une minute vendredi
­matin. «Je connais parfaitement les
lieux. C’est vraiment un endroit où
tu te dis qu’il ne peut rien t’arri-
ver...» La veille du drame, Marie
avait ­justement participé avec des
camarades de la «PP» à la «marche
de la colère» qui avait mobilisé, se-
lon les syndicats, 27 000 fonction-
naires. Depuis la tuerie, une
­bannière est venue remplacer les
photos de ­profil Facebook de
­nombreux policiers : «Forces de
­l’ordre en deuil».
Chloé Pilorget-Rezzouk

(1) Le prénom a été modifié.

«C’est un


endroit où


tu te dis qu’il


ne peut rien


t’arriver»


A la préfecture
de police de Paris,
où quatre personnes
ont été tuées jeudi,
les fonctionnaires
sous le choc ont rendu
hommage, vendredi,
à leurs collègues.


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