Libération - 05.10.2019 - 06.10.2019

(Steven Felgate) #1
2 Meute
C’est aux Trans Musicales de
Rennes en 2016 que cette fanfare
techno fxormée à Hambourg un an
plus tôt et mariant la tradition de
l’orchestre de cuivres et de la musi-
que déambulatoire a fait ses pre-
miers pas en France. S’ils ne sont
pas les premiers à adapter les classi-
ques de la musique électronique en
version brass band, les onze musi-
ciens de Meute ont une approche
moins conceptuelle que Jeremy
Deller et son Acid Brass. Leurs uni-
formes rouges à boutons dorés, di-
gnes d’une harmonie municipale de
village, ont probablement contribué
au succès de ces hurluberlus dont
chaque apparition provoque l’eu-

phorie. ­L’expérience Meute étant
tout de même plus forte en direct,
leur premier album, Tumult (2017),
se double aujourd’hui d’une version
Live in Paris endiablée, enregistrée
au printemps dans un Trianon en
surchauffe. Pour info, Laurent Gar-
nier, dont ils reprennent le déjà très
cuivré The Man With The Red Face,
est un de leurs plus grands fans.

3 Electrochic
Alors que le répertoire de
Meute est fait de reprise d’Âme,
Laurent Garnier ou Trentemøller,
celui de leurs homologues français,
ou devrait-on dire de dire de leurs
imitateurs, est beaucoup moins
chic. Contrairement à ce que leur

nom voudrait laisser entendre, les
membres d’Electrochic ont des
goûts plutôt cheap puisqu’ils re-
prennent, sans étincelles, du David
Guetta, du Bob Sinclar ou du Bruno
Mars. Version française fauchée de
Meute – six musiciens au lieu de
onze, des Perfecto en skaï rouge à la
place des uniformes, et d’atroces
perruques iroquoises –, cette fan-
fare «electro house» anime sur de-
mande férias et fêtes foraines.
­Possibilité d’adjoindre deux dan-
seuses et quatre échassiers tout en
jouant une version très personnelle
du Happy de Pharrell Williams.

4 Too Many Zooz
Ils ont débuté dans le métro,
mais c’était à New York et ils n’ont
jamais massacré El cóndor pasa. Re-
marqué par Questlove, le batteur de
The Roots, qui contribua grande-
ment à leur popularité en postant
en 2013 une de leurs vidéos sur
Twitter accompagnée de commen-
taires dithyrambiques, ce trio formé
par Matt Doe (trompette), Leo P
(saxophone) et le percussionniste
vétéran King of Sludge joue une mu-
sique éruptive qu’ils qualifient eux-
mêmes de «brass house», soit de la
house pour des cuivres. Composés
d’enregistrements originaux volca-
niques et non de reprises, Subway
Gawdz, leur unique album à ce jour,
date de 2016. Depuis, ils ont déserté
les souterrains (et le métro de Ren-
nes, où ils avaient joué pour les
Trans Musicales 2014) pour mettre
le feu aux scènes du monde entier.
Ils se font malheureusement plus
discrets depuis un amusant EP de
reprise de chants de Noël publié
en 2018.

5 TechnoBrass
Ils n’ont que cinq petits ti-
tres à leur actif, mais ces garçons
qui viennent du Brésil (on compte
aussi dans leur rang des Français)
sont une alternative rafraîchissante
aux fanfares de reprises. Ce sep-
tette, qui a rodé sa formule à São
Paulo et Rio de Janeiro (en particu-
lier pendant le carnaval, où il a par-
ticipé au «techno bloco», une
énorme fête de rue où les fanfares
se confrontent aux DJ), est une
­véritable hydre. Responsables de
­concerts incendiaires où on re-
trouve toute l’énergie des mégapo-
les brésiliennes (ils viennent d’ef-
fectuer une tournée estivale
française qui a fait son petit effet),
leurs rares productions studio sont
plus bien versatiles : festives (Dark
Bejo), piquantes (Praia), sombres
(Palhaço) ou radicales (Pedra). De
quoi éveiller la curiosité dans l’at-
tente d’un éventuel album.
Alexis Bernier
et Benoît Carretier

Les onze musiciens de la fanfare allemande Meute, qui vient de sortir un album live à Paris euphorisant. photo Steffi Rettinger


Clubs et cuivres, même combat!


Fanfarons


techno


A


lors qu’elles dis­-
paraissent de nos vil-
lage s, qui n’ont
plus toujours les
moyens d’entretenir leur harmonie
municipale ou ne trouvent plus as-
sez de musiciens, les fanfares sem-
blent ­renaître dans les clubs des
grandes villes. Démonstration en
cinq actes.


1 Acid Brass
La mère de toutes les fanfa-
res techno. Né dans la tête de
­Jeremy Deller, le projet Acid Brass
est d’abord un immense dia-
gramme intitulé The History of the
World («l’histoire du monde»),
où l’artiste
c o n t e m p o -
rain anglais
d e s s i n e à
main levée les
liens sociaux,
musicaux et politiques entre la
house music et la fanfare britanni-
que. Muni de cette carte, qui dans
son esprit résume également le
passage du royaume de l’ère indus-
trielle (symbolisé par les brass
bands) à l’ère postindustrielle (la


house), il contacte le leader du Wil-
liams Fairey Band, l’une des plus
anciennes fanfares britanniques,
pour lui proposer de reprendre les
t u b e s h o u s e d u d é b u t d e s
­années 90. Le résultat de cette col-
laboration in-
congrue, ma-
térialisé par
l’album Acid
Brass (1997),
o ù l ’o n r e -
trouve des titres de KLF, 808 State,
Derrick May ou Todd Terry, rem-
portera un franc succès. Sa suite,
Acid Brass 2. In Yer Face, publié
en 2011 sans Jeremy Deller aux ma-
nettes, sortira dans l’indifférence
générale.

Cinq sur Cinq


HMLTD
Loaded
On aime ce quintette londonien pour
son outrance entre glam rock et big
beat tapageur. «Faust, Satan et nous»
pourrait être le sous-titre de ce
morceau qui démarre par un riff
saignant et embraie sur le rugissement
de basses electro-acid. Furieux.

Cyril Mokaiesh
Beyrouth
Prophète incompris d’une chanson
française qui vibre souvent à côté de
ses pompes, ce flamboyant auteur-
compositeur offre une ode à la ville
des vacances de sa jeunesse.
L’habillage mi-orientalisant mi-
electro est une réussite. Brillant.

playlist


38 u Libération Samedi 5 et Dimanche 6 Octobre 2019

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