Le Monde - 09.10.2019

(Rick Simeone) #1
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MERCREDI 9 OCTOBRE 2019 économie & entreprise| 13

Grand ménage en vue à la tête de Nissan


Les administrateurs du constructeur cherchent un consensus pour désigner le successeur de Carlos Ghosn


tokyo ­ correspondance

U


n grand nettoyage et
une nouvelle ère.
C’est, en résumé, l’or­
dre du jour du conseil
d’administration crucial de Nis­
san qui s’est réuni, mardi 8 octo­
bre, dans l’après­midi, à Yoko­
hama, au siège du constructeur ja­
ponais. Il y a urgence : les tensions
avec son allié et premier action­
naire, Renault, qui possède 43 %
de Nissan, mais aussi les divisions
internes secouent le groupe nip­
pon depuis l’arrestation, le 19 no­
vembre 2018, à Tokyo, pour mal­
versations financières, du prési­
dent de Nissan et patron tout­
puissant de l’Alliance Renault­
Nissan­Mitsubishi, Carlos Ghosn.
Premier enjeu : en finir avec le
chapitre corruption et dissimula­
tion de revenus, qui a fait tomber
le dirigeant il y a onze mois, mais
aussi Hiroto Saikawa, le succes­
seur de M. Ghosn à la tête de Nis­
san, débarqué lors du conseil
d’administration du 9 septem­
bre. Plusieurs cadres supérieurs
sont dans le viseur. L’audit résu­
mant l’ensemble des malversa­
tions présenté à ce conseil indi­
quait que, en plus de MM. Ghosn
et Saikawa, deux anciens admi­
nistrateurs et quatre dirigeants
avaient profité de mécanismes
conduisant à toucher des rému­
nérations indues. Le document
transmis au conseil n’en révélait
toutefois pas les identités.
« Les administrateurs exigent
maintenant d’avoir ces noms », ex­
plique une source proche du con­
seil d’administration. Et le pre­
mier en tête de liste devrait être

celui d’Hari Nada, vice­président
chargé des questions juridiques
et de gouvernance. Le New York
Times a révélé, dimanche 6 octo­
bre, que M. Nada avait aussi béné­
ficié de surrémunérations pour
un montant de 280 000 dollars
(environ 255 000 euros). Circons­
tance aggravante : M. Nada aurait
dissimulé ce fait au conseil en
transmettant des conclusions
partielles de l’audit aux adminis­
trateurs, ce qui a conduit à la dé­
mission de la directrice de l’audit
de Nissan, Christina Murray, juste
avant le conseil.

Ambiance délétère
Si le conseil de Nissan propose
d’écarter Hari Nada, les représen­
tants de Renault voteront en fa­
veur de cette proposition, a indi­
qué au Monde un proche du dos­
sier. C’est un nouveau choc en
perspective pour Nissan. M. Nada
n’est pas tout à fait un cadre
lambda. Ancien homme de con­
fiance de Carlos Ghosn, il a large­
ment contribué à sa chute, ainsi
qu’à celle du bras droit de l’ex­pa­
tron, Greg Kelly, en dénonçant
leurs agissements au procureur
de Tokyo et en collaborant secrè­
tement avec les enquêteurs nip­
pons. M. Nada bénéficie de la pro­
tection judiciaire que le système
japonais accorde aux témoins
qui collaborent avec la justice.
Ce statut est très inconfortable
pour Nissan. Le fait de garder
parmi ses hauts dirigeants l’un
des principaux accusateurs de
M. Ghosn donne des éléments à
la défense de l’ancien patron, qui
crie à la collusion entre le cons­
tructeur et le procureur. Autre ar­

gument en faveur d’une action
rapide et déterminée pour net­
toyer les écuries Nissan : il faut
mettre fin à l’actuelle ambiance
délétère. Il ne se passe pas une se­
maine sans que Jean­Dominique
Senard, président de Renault et
vice­président du conseil d’admi­
nistration de Nissan, et plus lar­
gement les dirigeants actuels de
l’alliance, ne reçoivent des mes­
sages de dénonciation.
Second sujet de tensions, la re­
cherche du futur directeur géné­
ral de la société. Le remplaçant de

M. Saikawa devra être vierge de
tout lien avec l’époque Ghosn.
« Son passé, ses courriels, ses acti­
vités vont être épluchés », précise
un bon connaisseur du monde
japonais des affaires.
« Il doit d’abord être capable de
redresser Nissan, qui va très mal,
insiste une source proche du con­
seil d’administration. Sa capacité
à relancer l’alliance avec des pro­
jets industriels est fondamentale. »
Le nouvel homme fort aura du
pain sur la planche : les premières
données financières pour l’exer­
cice 2019 font état d’un bénéfice
en chute de 95 % et d’une marge
opérationnelle désormais nulle.
Six dirigeants de l’alliance ont
fait acte de candidature, mais
quatre profils émergent. Selon la
presse japonaise, le candidat le
mieux vu du gouvernement est
Jun Seki (58 ans), le responsable
du redressement des performan­
ces de Nissan. En interne, son
passage à la direction de la pro­
duction a plutôt laissé de bons

souvenirs. Il serait apprécié pour
sa franchise et son honnêteté
mais son pedigree pro­indépen­
dance de Nissan n’en fait pas, se­
lon nos informations, le candidat
préféré de M. Senard. Ce dernier
pencherait plutôt pour le direc­
teur des opérations de Mitsu­
bishi, Ashwani Gupta (49 ans), un
Indien passé notamment par les
rangs de Renault.
Les autres candidats sont l’ac­
tuel PDG par intérim, Yasuhiro Ya­
mauchi (63 ans), également admi­
nistrateur de Renault (Nissan pos­
sédant 15 % du groupe au losange),
et le patron de la coentreprise que
Nissan détient en Chine, Makoto
Uchida (53 ans). Si ce dernier n’est
pas dans les tablettes des Japonais,
il est poussé fortement par la par­
tie française, au contraire de Ya­
mauchi, « vu comme trop âgé et
fatigué par les gens de Renault »,
selon un expert de l’entreprise.
On voit donc venir, avec cette
nomination, une autre occasion
d’épreuve de force entre le clan

Renault et le clan Nissan. Cer­
tains, au Japon, n’hésitent pas à
souffler sur les braises : selon une
source proche de Nissan, un con­
flit aurait eu lieu entre Jean­Do­
minique Senard et Jun Seki lors
de leur entrevue, il y a quelques
jours. « C’est faux, rétorque­t­on
dans l’entourage de M. Senard,
l’entretien a été très courtois. »
Ces tensions franco­japonaises
sont compliquées par une frac­
ture qui s’ouvre entre administra­
teurs japonais depuis l’éviction de
M. Saikawa. Selon Reuters, Masa­
kazu Toyoda, à la tête du comité
des nominations, et Hitoshi
Kawaguchi, un proche du gouver­
nement, sont en désaccord sur le
meilleur candidat. « Tant que des
divergences demeurent, et en l’ab­
sence de consensus à la japonaise,
il risque de ne pas y avoir de déci­
sion dès ce conseil sur le nom du
nouveau patron », conclut une
source proche de Renault.
éric béziat (à paris)
et philippe mesmer

Les premières
données pour
l’exercice 2019
du japonais
font état
d’un bénéfice
en baisse de 95 %

Haro sur le plastique. Oubliez ces
petites barquettes noires, ces cel­
lophanes transparents, ces em­
ballages multicolores, vite ache­
tés, vite jetés. D’ici à 2025, beau­
coup devraient avoir disparu.
C’est du moins la promesse
des géants de l’agroalimentaire
et du cosmétique. Nestlé, Da­
none, Coca­Cola rivalisent d’an­
nonces tonitruantes nous pro­
mettant la fin d’une ère. Unile­
ver est le dernier en date et le
premier à s’engager précisément
sur des quantités et des dates. Le
fabricant des thés Lipton, des es­
quimaux Magnum, des soupes
Knorr et des shampooings Dove
promet de baisser chaque année
de 14 % la quantité de plastique
emballant ses produits afin d’ar­
river à en réduire le total de moi­
tié en 2025.
Une révolution considérable eu
égard à la variété de ses produits
et à leur dépendance aux embal­
lages plastiques, dont la légèreté,
l’imperméabilité et la facilité
d’utilisation sont sans égales.
Chaque année, le groupe en uti­
lise 700 000 tonnes, ce qui, selon
le Financial Times, le place en cin­
quième position dans son indus­
trie derrière Coca­Cola (3 mil­
lions de tonnes), Nestlé (1,7 mil­
lion), Danone (750 000) et Tetra
Pak (721 000). Une liste qui ne
comprend que les entreprises
qui ont annoncé des initiatives
dans ce domaine.
La lutte contre les plastiques ne
date pas d’hier. On se désole de­
puis belle lurette des dauphins ga­
vés de sacs de caisse et de ces
mers et paysages enlaidis. Sans
parler des soupçons sur la santé
humaine de l’injection de micro­
particules de plastique. Progressi­

vement, des initiatives ont été
prises par les politiques. Interdic­
tion des sacs et objets à usage uni­
que, imposition du tri sélectif...
Il semblerait qu’aujourd’hui on
change de magnitude. Diminuer
de moitié ses emballages en cinq
ans et promettre que ceux qui
restent seront soit compostables
soit recyclés, comme l’annonce
Unilever, est un pas de géant.
Comme dans le cas du diesel, où
la conjonction de nouvelles étu­
des scientifiques, de la mobilisa­
tion climatique et du scandale
Volkswagen ont fait basculer
l’opinion et les législateurs vers
un monde sans diesel et bientôt
sans carburant.

Le recyclage ne paie pas
Ici, le scandale déclencheur pour­
rait bien être la découverte du
pot aux roses du recyclage. Le
1 er janvier 2018, la Chine a décidé
d’arrêter d’importer des déchets
plastiques en provenance du
monde entier, alors qu’elle en ab­
sorbait 60 %. En un an, le trafic
s’est reporté sur les pays du Sud­
Est asiatique, qui renâclent à leur
tour. Le recyclage ne paye pas et
ne marche pas. Du moins pas à la
hauteur des ambitions.
Alors il faut s’en passer. Un défi
immense qui impose un change­
ment de comportement, un re­
tour à la fourniture en vrac et
l’adieu à de nombreuses com­
modités. Comme dans le cas de
la sécurité routière, de l’interdic­
tion du tabac, puis du diesel, la
société semble désormais prête à
changer, même si personne ne
mesure les conséquences écono­
miques d’un tel acte. Le capita­
lisme s’adaptera, mais on ne sait
pas à quel prix.

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