Le Monde - 09.10.2019

(Rick Simeone) #1

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RENDEZ-VOUS
LE MONDE·SCIENCE & MÉDECINE
MERCREDI 9 OCTOBRE 2019

DES FILAMENTS
DANS LE COSMOS

Certaines simulations cosmologiques
prédisent que l’Univers est traversé
par un réseau de filaments de gaz
qui relient les galaxies entre elles et
les nourrissent de matière. L’observa-
tion de ces filaments s’est cependant
révélée difficile. Selon la revue
Science du 4 octobre, une équipe
dirigée par Hideki Umehata (Institut
d’astronomie de l’université de
Tokyo) y est parvenue grâce à l’ins-
trument Muse du Very Large Teles-
cope de l’Observatoire européen aus-
tral (ESO, Chili). Pointé vers SSA22,
un amas de galaxies en formation
dans la constellation d’Aquarius,
tellement lointain que sa lumière a
mis 12 milliards d’années pour
parvenir jusqu’à la Terre, il a permis
de repérer de l’hydrogène rendu
fluorescent sous l’effet de photons
émis par ces galaxies. Dans la simula-
tion du phénomène ci-contre, on
observe ces filaments dont les points
de convergence correspondent à l’as-
semblage d’un amas galactique alors
que l’Univers était encore tout jeune.
(PHOTO : JOSHUA BORROW/C-EAGLE)

E. BUSSER, G. COHEN ET J.L. LEGRAND © POLE 2019 [email protected]

Le jeu de Nîmes


Lors de leur séjour dans la ville de Nîmes, Alice et Bob ont inventé une variante d’un jeu connu.
Ils disposent au départ d’un certain nombre de pions.
Lors de chaque partie, Bob annonce d’abord un nombre B compris entre 2 et 9, puis Alice un nombre A compris
entre 2 et 9, mais différent de B. Chacun d’eux, à son tour, enlève alors, à son choix, 1 pion, A pions ou B pions.
Celui qui prend le dernier pion a gagné.


  1. Partie 1 : 150 pions. Bob joue en premier. Qui gagnera si chacun joue au mieux de ses intérêts?

  2. Partie 2 : 210 pions. Alice joue en premier. Qui gagnera?


Solution du problème 1114



  1. 32761 = 105^3 – 104^3.
    On le trouve aisément par tâtonnements en remarquant
    que (P+1)^3 – P^3 = 3P^2 + 3P + 1.
    On cherche donc P légèrement inférieur à la racine carrée
    du tiers de 32761, environ égale à 104,5.

  2. Alice a raison. Si la différence de deux cubes consécu-
    tifs est le carré d’un entier, cet entier est la somme de
    deux carrés consécutifs.
    Supposons qu’il existe des entiers P et M tels que
    (P+1)^3 – P^3 = M^2 , ce qui s’écrit : 3P^2 + 3P + 1 = M^2.
    En multipliant par 4 et en enlevant 1, on obtient
    12P^2 + 12P + 4 – 1 = 4M^2 – 1 ,
    soit 3(2P + 1)^2 = (2M + 1)(2M – 1).
    On remarque que 2M + 1 et 2M – 1 sont premiers entre eux.
    Si 3 divisait 2M – 1, il existerait donc A et B tels que
    2M – 1 = 3A^2 et 2M + 1 = B^2 , avec A^2 B^2 = (2P + 1)^2.
    On aurait alors 2M = B^2 – 1 = 3A^2 + 1, d'où B^2 = 3A^2 + 2.
    D’où une contradiction, car le reste dans la division par 3
    d'un carré ne peut être que 0 ou 1.
    3 divise donc 2M + 1. On en déduit l’existence de A et B
    (impairs et premiers entre eux) tels que
    2M + 1 = 3A^2 et 2M – 1 = B^2.
    Ainsi, 2M = (B^2 + 1) = (B – 1)^2 + 2B.
    En posant C = (B – 1)/2, et donc B = 2C + 1, on a :
    2M = 4C^2 +4C + 2
    M = 2C^2 + 2C + 1 = C^2 + (C^2 + 2C + 1) = C^2 + (C + 1)^2.
    Question subsidiaire : sauriez-vous trouver le nombre M
    suivant qui a cette propriété?


DEUX KAFEMATH À POITIERS
ET PARIS, LES 12 ET 21/10
Le Kafemath se délocalise à Poitiers samedi
12/10 à 20 h 30 au Café des Arts, 5, place
Charles-de-Gaulle. François Dubois, l’un des
fondateurs de ces cafés mathématiques, y
présentera « Pi tout rond », une exploration
du célèbre nombre « utile au sage ».
Peu de temps après, lundi 21 octobre à 19 h,
aura lieu, à Paris (café La Commune libre
d’Aligre), « Gathering 4 Gardner », l’événe-
ment qui se tient chaque année simultané-
ment dans de nombreux pays pour
commémorer le célèbre ludologue améri-
cain Martin Gardner. Animée par Pierre Ber-
loquin, la soirée permettra de rendre un
hommage joyeux et jubilatoire à ce person-
nage hors-normes qui a tant fait pour la
popularisation des mathématiques.
Informations sur http://www.kafemath.fr

LA VIE DE GALILÉE À PARIS
À LA COMÉDIE-FRANÇAISE
La pièce de Berthold Brecht La Vie de Galilée,
près de trente ans après sa première repré-
sentation à la Comédie-Française, sera à
nouveau à l’affiche de ce théâtre de réfé-
rence, salle Richelieu (place Colette), jus-
qu’au 19 janvier 2020. Mise en scène par
Eric Ruf, elle dresse le portrait de l’astro-
nome mathématicien Galileo Galilei, navi-
guant sans cesse dans un monde qui hésite
entre obscurantisme et lumière. A force
d’observations et de calculs, Galilée, qui
cherche des preuves d’un système où la
Terre n’est plus le centre de l’Univers,
ébranle les certitudes, passionne les scien-
tifiques qui prennent le risque de le suivre.
L’Inquisition finira cependant par avoir
raison de lui, mais non de sa science.
Informations sur http://www.comedie-francaise.fr

EXPOSITION À LYON
« SOUS LA SURFACE, LES MATHS »
Après une présentation au Musée des arts
et métiers à Paris en 2018, c’est au tour de
la ville de Lyon d’accueillir, du 05/10/2019
au 27/06/2020, à la MMI (Maison des
mathématiques et de l’informatique,
1, place de l’Ecole) l’exposition « Sous la sur-
face, les maths ». Cette exposition interac-
tive, conçue par l’Institut Henri Poincaré,
présente la face cachée des jeux vidéo, des
films d’animation et autres créations 3D
derrière lesquelles se cachent bien des
mathématiques. Elle invite les visiteurs, à
partir de 12 ans, que ce soit en famille ou
dans un cadre scolaire, à entrer dans la
conception des univers virtuels et à toucher
du doigt les notions mathématiques des
surfaces et les prouesses qu’elles offrent.
Infos : http://www.sous-la-surface-les-maths.fr

N° 1115

A R T S & S C I E N C E S
Le campement scientifique
Comment chercher? Telle est la question
qui anime les comédiens du Groupe n + 1,
entraînant avec eux mathématiciens,
physiciens, neurobiologistes ou encore
sociologues. Du 10 au 13 octobre, ils investi­
ront la ville d’Apt (Vaucluse) pour un campe­
ment scientifique, en partenariat avec le Vélo
Théâtre. Au programme, des conférences
spectaculaires et des expéditions scientifi­
ques invitant les participants à parcourir
la ville en se coulant dans la peau du neuro­
biologiste, du physicien ou de l’archéologue.
> Lecampementscientifique.fr

LE LIVRE


Mediator : montrer 


le scandale humain


Le photographe


Marc Dantan est allé


à la rencontre de patients


victimes du médicament


du laboratoire Servier


S


ur le Mediator, beaucoup a été écrit. Les
années de prescription aveugle, les pre­
mières alertes ignorées et, finalement,
les centaines de décès. Beaucoup écrit, mais
peu montré. Parce que la mort par insuffi­
sance cardiaque n’est pas très photogénique,
et parce que les victimes vivantes préfèrent
souvent rester discrètes. C’est en voyant le
film d’Emmanuelle Bercot, La Fille de Brest,
tiré du récit de la pneumologue Irène
Frachon, que le photographe Marc Dantan a
décidé d’incarner ce scandale sanitaire. « Il
fallait que je fasse quelque chose, utiliser ma
colère comme une force et agir avec mes
moyens – mon appareil photo », écrit­il. Il a
contacté la lanceuse d’alerte et lui a proposé
un voyage à travers la France du Mediator, à la
rencontre de ceux que le poison a meurtris.
Des visages, donc. Cinquante visages. Beau­
coup de femmes, quelques hommes, âgés de
40 à 70 ans, au jugé. Quelques sourires, beau­
coup de gravité et de profondeur. Sous leur
portrait, une légende, clinique : « Monique,
10 ans de Mediator, 2 valves cardiaques opé­
rées » ; « Soizic, 2 ans de Mediator, 1 valve car­
diaque opérée » ; « Paquita, 1 valve cardiaque
opérée, puis une greffe cardiaque »...

« Une grande injustice »
Gérard, Michèle, Claudie... Devant ces traits
éprouvés, ces regards doux, on est pris de
vertige. Quelques témoignages, extraits des
courriers reçus par Irène Frachon, rappellent
l’irresponsabilité des institutions, l’ignoran­
ce de nombreux médecins, le cynisme du la­
boratoire Servier. La violence, surtout, des si­
tuations éprouvées par les victimes. Marc
Dantan ne cache rien. Ni ces immenses cica­
trices, surgies des décolletés. Ni ces opéra­
tions de la dernière chance, captées au bloc
opératoire. « Mais quel paradoxe, écrit­il, lors­
que la chirurgie salvatrice inflige une blessure
pour sauver un cœur détruit par un poison,
sciemment commercialisé. »
Au fil de son année de pérégrinations, de
ses 10 000 km sur les routes, le photographe
s’était imposé une règle : après chaque por­
trait, il fixait le paysage. « Un moment de
paix », indispensable après le témoignage.
Mais aussi une interrogation sur la société.
« Comment vivre ensemble dans l’harmonie
quand certains tolèrent et permettent l’exis­
tence d’une grande injustice? » Alors que se
poursuit le procès du Mediator, ce livre
tente, à sa manière, de rendre justice aux vic­
times. Mais aussi de s’interroger sur la place
de l’individu dans une société ou la santé
même semble souvent otage des profits fi­
nanciers. Nul hasard, donc, si l’ouvrage est
édité par la revue Prescrire, qui lutte contre
le pouvoir de l’industrie pharmaceutique.
Dans la préface de l’ouvrage, Irène Frachon
décrit ses années de combat auprès de mil­
liers de victimes, souvent de simples noms
sur des rapports d’expertise. « Au­delà de
l’histoire médicale, j’ai toujours tenté d’ima­
giner leur visage, leur village, leur vie brisée. »
La France du Mediator.
nathaniel herzberg

Visages du Mediator, de Marc Dantan
et Irène Frachon (Prescrire, 208 p., 24,50 €).

L’AGENDA


DIX MILLE PAS ET PLUS


SPORT SUR ORDONNANCE :


UN DÉBUT MODESTE DE FINANCEMENT


Par PASCALE SANTI


U


n premier pas, timide, a été franchi vers le
financement du sport sur ordonnance. De­
puis la loi du 20 janvier 2016, les médecins
peuvent prescrire de l’activité physique à leurs pa­
tients souffrant d’une affection de longue durée
(ALD), soit près de 11 millions de Français. Sauf que
cette mesure n’est pas financée. Or, « si l’on veut que
cela fonctionne, il faut un système organisé et fi­
nancé », martèle sans cesse le docteur Alexandre Feltz,
adjoint à la santé à la mairie de Strasbourg, qui a mis
en place le sport sur ordonnance dans sa ville depuis


  1. D’autres communes ont suivi, des associations,
    des hôpitaux, proposent du sport à des patients, des
    mutuelles financent en partie, mais les médecins
    peinent à le prescrire, et rien n’est coordonné.
    La ministre de la santé, Agnès Buzyn, vient d’an­
    noncer la création prochaine d’un forfait de soins,
    remboursé par la Sécurité sociale, pour l’accompa­
    gnement des patients après un cancer, comprenant
    un suivi psychologique et diététique, et... de l’acti­
    vité physique. La mesure figure dans le projet de loi
    de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2020,


qui a été présenté le 30 septembre. Les femmes
souffrant d’un cancer du sein – 58 459 cas en 2018 –
seront les premières concernées : « On leur propo­
sera un bilan personnalisé et une orientation vers
une activité physique », a indiqué la ministre des
sports, Roxana Maracineanu, lors d’une Rencontre
des solutions sport­santé, jeudi 3 octobre, au Creps
de Wattignies (Nord). « La mesure a vocation à s’appli­
quer à tous les cancers, dès lors qu’ils sont pris en
charge au titre des ALD, indique la direction de la
Sécurité sociale. L’objectif est bien de créer un parcours
d’accompagnement vers l’après­cancer. »
Les preuves scientifiques sont formelles : une acti­
vité physique adaptée, pratiquée de manière régu­
lière, permet de limiter les rechutes d’environ 40 %, et
d’améliorer la survie de 40 %. Et c’est le seul traite­
ment ayant prouvé son efficacité pour réduire la fa­
tigue. En outre, ce sont aussi des économies pour
l’Assurance­maladie, le recours aux soins diminuant
chez les patients ayant recours à l’activité physique.
Concrètement, les agences régionales de santé fi­
nanceront des organismes sélectionnés afin qu’ils or­
ganisent un parcours en ville spécifique, une fois les
traitements terminés (chimiothérapie, radiothérapie,

chirurgie). Mais sur le financement, à hauteur de
10 millions d’euros pour 2020, « seul un bilan d’acti­
vité physique sera financé, aucune séance d’activité
physique adaptée ne sera remboursée », précise la
direction de la Sécurité sociale.
« C’est une avancée pour les patients, mais l’enve­
loppe globale semble a priori insuffisante », regrette
Aude­Marie Foucaut, maître de conférences en Staps
et membre du laboratoire Educations et pratiques de
santé (université Paris­XIII­Sorbonne­Paris­Cité). Elle
s’est prêtée à un rapide calcul. En prenant un tiers des
3 millions de personnes touchées par le cancer, cela
représenterait entre 1 euro et 5 euros par patient.
Une étude conduite par Lionel Perrier, du Centre
de lutte contre le cancer Léon­Bérard, à Lyon, a mon­
tré que le coût moyen du programme, dès le début
des traitements adjuvants du cancer du sein, re­
vient à 412 euros en moyenne à l’établissement par
patient. De même, pour Axel Kahn, président de la
Ligue contre le cancer, « c’est une annonce qu’on ne
peut que saluer, mais il faudra regarder dans le dé­
tail ». La Ligue propose déjà gratuitement des soins
de support, dont la majorité d’activité physique, à
quelque 40 000 personnes.

AFFAIRE DE LOGIQUE – N° 1115

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