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styles
MERCREDI 2 OCTOBRE 2019
0123
sale temps
pour les
vétérans
Le Renault Espace n’aura pas
de successeur, la Toyota Land
Cruiser est sur un fil...
des concepts vieillissants
qui ne collent plus à l’époque
AUTOMOBILE
A
ux babyboomeurs, el
les évoquent un peu de
leur jeunesse, et bien
des millennials les re
lient à des souvenirs d’enfance,
mais aujourd’hui nombre de
doyennes du marché automobile
voient leur avenir en mode flou.
Appartenir à une vénérable li
gnée n’est certes pas forcément
un handicap. Des modèles aussi
divers que la Renault Clio, la Pors
che 911, la Volkswagen Golf, voire,
aux EtatsUnis, le pickup Ford
F150, sont toujours plébiscités. Il
en va différemment pour les héri
tiers de concepts vieillissants
comme le monospace, le 4 x 4 à
l’ancienne ou le coupé néorétro
qui voient leurs ventes s’éroder et
leur pérennité chanceler.
En 2015, lorsque était (enfin) ap
parue la cinquième génération de
l’Espace, on s’était remis à y
croire. En étirant la silhouette et
en l’habillant de surfaces angu
leuses, Renault donnait à son
vaisseau amiral un sérieux coup
de jeune. Le père de tous les mo
nospaces européens, apparu
en 1984, adoptait les codes du
SUV sans s’y soumettre tout à fait.
A l’intérieur, plus d’instrumenta
tion centrale, mais un poste de
conduite conçu tel un cockpit et
toujours autant de volume dispo
nible avec une modularité audes
sus des standards habituels.
Un crève-cœur
La greffe, de toute évidence, n’a
pas pris. Les ventes, qui attei
gnaient 68 000 en Europe il y a
vingt ans, ne dépassaient pas
12 000 en 2018. Depuis le début de
l’année, la dégringolade s’est am
plifiée avec un repli de 35 %. Les
immatriculations de monospa
ces sont en pleine déconfiture et
le Scénic, lui aussi renouvelé,
tente non sans mal de survivre.
Dans ces conditions, on ne s’éton
nera pas d’apprendre que l’ac
tuelle génération de l’Espace
n’aura pas de successeur.
D’autant que, trop encombré, le
haut de gamme de la firme au lo
sange (qui comprend aussi le SUV
Koléos ainsi que la berline et le
break Talisman) réclame une
réorganisation d’ampleur.
Avouonsle, c’est un crèvecœur.
Elégant, remarquablement con
fortable, impérial sur les longs
trajets où il donne le sentiment
de raccourcir les distances, l’Es
pace ne démérite pas, même s’il
n’est pas exempt de défauts. Un
restylage est prévu en fin d’année
mais ce sera pour la galerie.
D’ailleurs, les années du Citroën
Space Tourer (exC4 Picasso),
autre monospace bien de chez
nous, sont comptées, elles aussi.
Derrière l’échec de l’Espace, qui
tentait d’instiller une once d’origi
nalité architecturale dans la caté
gorie des SUV grands bourgeois,
fautil voir l’expression de l’incor
rigible conformisme du « pre
mium » automobile? Le succès de
modèles tels que le BMW X6 ou le
Mercedes GLC, croisements entre
un SUV et un coupé, suggère que
tous ses représentants ne sont pas
des clones. En revanche, ils parta
gent avec le reste du troupeau une
fascination pour un design ins
piré d’une armoire normande. On
regrettera l’Espace, moins massif
et ouvertement décalé.
Un autre monument apparaît
sur le fil du rasoir : le Land Cruiser.
Fabriqué par Toyota depuis 1951,
ce gros 4 x 4 s’est imposé comme
le porteflambeau du toutterrain
sans concession. Un genre tou
jours d’actualité dans bien des ré
gions du monde mais plus vrai
ment sous nos latitudes, même
s’il s’est notoirement embour
geoisé. Sa commercialisation aux
EtatsUnis, où il est diffusé depuis
soixantedeux ans, est menacée
et le gros diesel qu’abrite son ca
pot ne cadre guère avec la straté
gie de Toyota en Europe, fondée
sur la généralisation de l’hybride.
Les réactions lénifiantes mais lé
gèrement ambiguës du construc
teur n’ont pas rassuré les nostalgi
ques des années 4 x 4.
Ces dernières semaines, beau
coup se sont émus sur les réseaux
sociaux du sort qui risque, à
terme, d’être réservé à cette icône
qui, sur le marché français, se
vend quatre fois moins qu’il y a
vingt ans. Reste qu’il est difficile
de continuer de faire vivre un en
gin à faible diffusion, pénalisé, de
surcroît, par un malus écologique
de 10 500 euros... Ironie de l’his
toire : la Prius, mythe fondateur
de la voiture hybride, pourrait – à
force d’avoir essaimé à travers
toute la gamme du constructeur
japonais – elle aussi avoir à tirer sa
révérence un de ces jours.
Un vaste ménage
Les esthètes ont une nouvelle fois
sursauté en mai, lorsque le patron
d’Audi, Bram Schot, a estimé que
le TT ne serait pas renouvelé. Le
coupé et cabriolet aux allures
néorétro (à ses débuts tout au
moins) lancé en 1999 et qui a ins
tallé la marque aux anneaux à
l’avantgarde du design allait pas
ser à la trappe. Devant le tollé, la
firme a rétropédalé sans pour
autant démentir formellement.
Aujourd’hui, ses représentants
expliquent la nécessité « d’évaluer
le potentiel de chaque segment et
d’adapter leur politique produit en
conséquence ». Un argumentaire
pas très rassurant pour le TT, qui
appartient à une catégorie, celle
des petits coupés sportifs de luxe,
dont les ventes ne sont plus au
beau fixe.
Pour d’autres grandes figures de
l’automobile, elles aussi en déli
catesse avec les contraintes qui
pèsent sur leur rentabilité, la so
lution retenue consiste à se con
vertir sans autre forme de procès
à la traction électrique. Ce sera le
cas de la Fiat Panda (qui sera
d’abord disponible en version hy
bride), de la Renault Twingo, de
toute la famille Smart ou encore
de la Jaguar XJ, voire de l’Audi A8.
Ce passage d’office sous pa
villon « zéro émission » de modè
les emblématiques constitue la
partie la plus visible du chambar
dement en préparation au sein du
catalogue de la plupart des cons
tructeurs. Un vaste ménage opéré
sous la pression du passage au
mode de calcul des consomma
tions dit « WLTP », plus réaliste,
qui attire davantage les foudres
du malus écologique, mais aussi
de l’épouvantail auquel ressem
ble l’entrée en vigueur, dès 2020,
des nouvelles normes d’émission
de CO 2 en Europe.
jeanmichel normand
D’AUTRES GRANDES
FIGURES AUTOMOBILES
COMME LA FIAT PANDA,
LA RENAULT TWINGO,
LES SMART SERONT,
ELLES, CONVERTIES À
LA TRACTION ÉLECTRIQUE
Avec le Kamiq, Skoda continue sa montée en gamme
Le petit SUV tchèque marche sur les platesbandes du TRoc et de sa maison mère, Volkswagen
I
l y a encore une petite décen
nie, comparer une Volkswa
gen à une Skoda de gabarit
équivalent aurait tourné à l’avan
tage de la marque allemande. Fi
nitions plus soignées, meilleure
insonorisation, confort moins
rustique, les voitures de Wolfs
burg l’emportaient sur leurs alter
ego tchèques sauf sur un point :
le prix.
Le renouveau de ce qui fut une
marque prestigieuse avant
guerre et dans le giron du groupe
Volkswagen depuis le début des
années 1990 a pris du temps.
Mais, aujourd’hui, s’installer à
bord d’une Skoda, c’est monter en
gamme sans (tout à fait) en payer
le prix. Ainsi, les modèles sortis
ces dernières années, de la grande
routière Superb aux SUV Karoq et
Kodiaq, en passant par la récente
compacte Scala, se caractérisent
par un impressionnant saut qua
litatif. A bord, tout est propre, so
bre, bien ajusté.
Et comme ces voitures bénéfi
cient des fiables moteurs de la
maison mère VW ainsi que de la
boîte automatique DSG si agréa
ble à utiliser, on se demande
pourquoi acheter une Volkswa
gen alors qu’une Skoda de même
catégorie en offre un peu plus
pour (un peu) moins cher. Cette
question se révèle d’autant plus
d’actualité sur le dernier modèle
commercialisé, le Kamiq. Un SUV
long de 4,24 m que son gabarit
installe en concurrence frontale
avec le Volkswagen TRoc.
Un parapluie sous l’accoudoir
Avec ses plastiques souples et ses
éléments de confort inédits dans
la catégorie (la possibilité par
exemple de s’offrir en option le
réglage électrique du siège con
ducteur), la Skoda est plus confor
table et mieux finie que la Volk
swagen dont les plastiques durs
et l’impasse faite sur quelques dé
tails (l’absence de poignées de
maintien latéral, en particulier)
ont été totalement assumés par
les dirigeants allemands. Leur ar
gument? Cette VW est moins cos
sue que les modèles précédents
mais elle vous est proposée à un
tarif plus abordable. Du côté de
Mlada Boleslav, on adopte une
tactique inverse : rouler en Skoda
n’est plus vraiment donné mais,
en revanche, le rapport qualité
prix est presque imbattable.
Dans ce segment des petits SUV
où la bataille fait rage tant les mo
dèles sont nombreux alors que
les deux vedettes françaises (nou
veaux Renault Captur et Peugeot
2008) ne sont pas encore com
mercialisées, ce Kamiq peut avan
cer des arguments percutants.
Son court rayon de braquage ap
paraît fort efficace en milieu ur
bain, son coffre dispose d’une ca
pacité de chargement correcte
(400 dm^3 ) et la tradition d’habita
bilité record de la marque est res
pectée.
Bien équipée, cette voiture se
montre, aussi, agréable à con
duire, même avec le « petit » mo
teur essence trois cylindres 1.0 TSI
de 116 chevaux. On retrouve éga
lement les menues attentions si
glées Skoda comme le parapluie
dissimulé sous l’accoudoir de la
portière conducteur, le grattegi
vre dans la trappe à carburant ou
la lampetorche dans le coffre. Le
Kamiq n’est pas bradé. Pour s’of
frir la finition supérieure bapti
sée « Style », il faut compter un
peu plus de 26 000 euros. Cela
reste moins cher qu’un TRoc à fi
nition équivalente.
alain constant
Un Renault
Espace Initiale
de 2017.
ANTHONY BERNIER
Le Kamiq
s’étire
en longueur
à 4,24 m.
SKODA AUTO