6 |international MERCREDI 2 OCTOBRE 2019
0123
Donald Trump mis en cause
pour des pressions sur l’Australie
Le président aurait suggéré une contreenquête sur les interférences russes
washington correspondant
A
ux EtatsUnis, la se
conde semaine de la
bataille de la destitu
tion s’est ouverte,
lundi 30 septembre, comme la
première : avec une succession de
révélations. Le Wall Street Journal
a ainsi assuré que le secrétaire
d’Etat, Mike Pompeo, était aux cô
tés de Donald Trump, le 25 juillet,
lors d’une conversation télépho
nique au cours de laquelle le pré
sident américain avait demandé à
son homologue ukrainien, Volo
dymyr Zelensky, d’enquêter sur le
fils de l’un de ses rivaux politi
ques, l’ancien viceprésident dé
mocrate Joe Biden. Hunter Biden
a siégé au conseil d’administra
tion d’une entreprise gazière pri
vée, de 2014 à 2019.
Interrogé à propos de cet
échange téléphonique contro
versé qui est à l’origine de la pro
cédure ouverte par les démocra
tes de la Chambre des représen
tants, le 24 septembre, Mike
Pompeo avait laissé entendre
quelques jours plutôt n’en rien
savoir. Le département d’Etat n’a
fait, lundi, aucun commentaire.
Le Washington Post a affirmé
de son côté que l’attorney géné
ral des EtatsUnis (ministre de la
justice), William Barr, a organisé
des réunions à l’étranger avec
des responsables de services de
renseignement d’autres pays
dans le cadre d’une enquête vi
sant les investigations de la po
lice fédérale (FBI) et de la CIA
en 2016. Elles ont porté sur les
interférences prêtées à la Russie
pendant la présidentielle.
William Barr avait estimé, en
avril, que la campagne de Donald
Trump avait été « espionnée » à
l’époque, une accusation portée
sans la moindre preuve par le
président luimême deux ans
plus tôt. La démarche de l’attor
ney général, confirmée par ses
services, lundi, pourrait consti
tuer une nouvelle utilisation des
moyens de l’Etat fédéral à des fins
politiques, après la conversation
du 25 juillet.
Vindicatif et menaçant
Le New York Times a renchéri,
lundi, en indiquant que Donald
Trump aurait aussi sollicité le
premier ministre de l’Australie,
Scott Morrison, pour enquêter à
propos d’un signalement trans
mis par un diplomate australien
au FBI qui avait déclenché cette
enquête « russe ». Ce diplomate
avait estimé, sur la foi des confi
dences d’un consultant briève
ment membre de l’équipe de
campagne du candidat républi
cain, que la Russie était prête à
partager avec lui des informa
tions compromettantes relatives
à l’adversaire démocrate de
Donald Trump, Hillary Clinton.
Le président américain a régu
lièrement demandé une enquête
sur les investigations conduites
par le procureur spécial, Robert
Mueller, à propos de ces interfé
rences. Il assure contre toute évi
dence avoir été la victime d’une
« machination ». Alors que l’avo
cat du président, Rudy Giuliani,
très impliqué dans l’affaire ukrai
nienne, a été sommé par la Cham
bre des représentants de lui livrer
les documents relatifs à ses ef
forts pour que des enquêtes
soient ouvertes contre Hunter Bi
den, Donald Trump s’est montré
vindicatif et menaçant, lundi. Il
s’est ainsi demandé sur son
compte Twitter si le président de
la commission du renseignement
de la Chambre des représentants,
le démocrate Adam Schiff, qu’il
exècre publiquement, ne devait
pas être « arrêté pour trahison ».
Le président des EtatsUnis s’est
aussi emporté contre le lanceur
d’alerte à l’origine de l’affaire.
« Nous essayons de découvrir un
dénonciateur », a assuré Donald
Trump, alors que l’avocat de cette
personne, Andrew Bakaj, a rap
pelé qu’elle a, selon la loi, « droit
à l’anonymat ». « Elle ne doit pas
être l’objet de représailles, ce serait
une violation du droit fédéral », a
til ajouté. Le lanceur d’alerte a
reçu le soutien de l’inspecteur gé
néral de la direction du rensei
gnement national, Michael
Atkinson, nommé en 2018 par
Donald Trump. En réponse aux
critiques du camp républicain,
selon lesquelles le signalement
du lanceur d’alerte reposerait sur
des informations dont la fiabilité
serait sujette à caution, Michael
Atkinson, qui l’avait jugé crédible
lorsqu’il l’avait reçu, a répété qu’il
répond aux critères en vigueur.
L’énervement de Donald
Trump n’a pu qu’être accentué
par la publication de deux enquê
tes d’opinion, qui montrent une
nette progression, au cours des
derniers jours, du pourcentage
de personnes interrogées favora
bles à la procédure de destitu
tion. Un nombre égal de sondés
(47 %) la soutiennent ou s’y oppo
sent, selon la Quinnipiac Univer
sity, alors que les adversaires de la
destitution étaient nettement
majoritaires le 25 septembre
(57 % contre 37 % d’avis opposés).
Une enquête de CNN le con
firme. Pour la première fois, une
majorité relative de personnes
interrogées (47 % contre 45 % qui
sont d’un avis opposé) estiment
que Donald Trump devrait être
mis en accusation et qu’il devrait
quitter ses fonctions. La chaîne
avait posé la même question
pour la dernière fois en mai. Ces
deux sondages font état de fluc
tuations qui correspondent aux
révélations publiées ces derniers
jours, toutes défavorables au
président.
gilles paris
Deux sondages
montrent une
nette progression
du pourcentage
de personnes
favorables
à la destitution
A Bruxelles, petit jeu de massacre entre
eurodéputés sur le dos de la Commission
Les élus conservateurs et socialistes sont furieux après l’invalidation de deux candidats
bruxelles bureau européen
A
vant même que les audi
tions par le Parlement
européen des commissai
res dont souhaite s’entourer Ur
sula von der Leyen aient com
mencé, la future présidente de la
Commission a déjà dû renoncer à
deux d’entre eux. La commission
des affaires juridiques (JURI) de
l’Assemblée législative, chargée de
se prononcer sur les éventuels
conflits d’intérêt des différents
candidats, a invalidé, lundi 30 sep
tembre, les nominations du Hon
grois Laszlo Trocsanyi et de la Rou
maine Rovana Plumb, respective
ment pressentis pour les porte
feuilles de l’élargissement et des
transports.
L’ancien ministre (PPE, groupe
conservateur) de la justice de Vik
tor Orban, dont les liens avec son
excabinet d’avocats ont été jugés
trop flous, a été mis hors jeu par 12
voix contre 9. Le vote des eurodé
putés contre l’exministre rou
maine (S&D, groupe socialdémo
crate), dont deux prêts posaient
question, a été encore plus franc
(13 contre 7). Si M. Trocsanyi a dé
noncé « une collection de menson
ges » et menacé d’aller en justice, le
premier ministre Viktor Orban n’a
pas joué la surenchère, ce que cer
tains redoutaient à Bruxelles. Non
seulement il n’a pas tardé à faire
une proposition alternative à Mme
von der Leyen, mais, en plus, il lui a
soumis un nom – Oliver Varhelyi,
l’actuel représentant permanent
hongrois à Bruxelles – qui ne fait a
priori pas polémique. « Son CV fait
bonne impression », a commenté
le porteparole de la présidente de
la Commission.
Avec Bucarest, « nous sommes
encore en discussion », atil ajouté.
La première ministre roumaine,
Viorica Dancila, a regretté « une
campagne de dénigrement » con
tre Mme Plumb mais assuré qu’elle
ferait une autre proposition. Elle a,
au passage, dénoncé le « rôle joué
par Dacian Ciolos », l’ancien pre
mier ministre roumain désormais
à la tête du groupe libéral Renew.
L’affaire, en tout cas, n’ira pas
sans laisser de traces. Elle a ra
vivé des tensions entre les diffé
rents groupes politiques du Par
lement, dont Mme von der Leyen
pourrait faire les frais. Et particu
lièrement énervé son propre
camp, les conservateurs du PPE,
qui n’ont pas encore digéré que la
tête de l’exécutif européen ait
échappé, en juillet, à Manfred
Weber, le président de leur
groupe à Strasbourg.
« La commission JURI a empêché
le Hongrois d’être commissaire
sans preuve. Pour des raisons exclu
sivement politiques », juge une
source au PPE. « Le conflit d’intérêt
était bien plus avéré pour Mme
Plumb », reconnaît un eurodéputé
membre de la commission des af
faires juridiques, peu suspect de
sympathie envers le PPE et les
Hongrois. Mais les sociauxdémo
crates refusaient d’être les seules
victimes de ce processus.
« Le travail de JURI, c’est deux
poids, deux mesures », poursuit un
conservateur. Il est vrai que les re
commandations des eurodéputés
ne sont pas toujours cohérentes.
Ainsi l’Espagnol Josep Borrell
(S&D), nommé haut représentant
à la Commission, peut conserver
son portefeuille d’actions, quand
l’Autrichien Johannes Hahn (PPE,
budget et administration) a été
sommé de le vendre.
« Forte amertume »
Aujourd’hui, les élus du PPE sont
plus remontés contre Mme von
der Leyen, pourtant issue de leurs
rangs, que leurs collègues de gau
che. Certes, les sociauxdémocra
tes n’ont pas apprécié que la prési
dence de la Commission leur
échappe – ils revendiquaient la
place pour leur chef de file, Frans
Timmermans – mais l’exminis
tre de la défense d’Angela Merkel
a su leur faire oublier un peu de
leur rancœur : elle leur a donné
dix postes de commissaire (si l’on
ne la compte pas, le PPE en a eu
neuf) et a gauchi son programme.
Ce qui lui a permis d’obtenir – de
justesse (à neuf voix près) – l’aval
des eurodéputés le 16 juillet.
Dans ce contexte, la décision de
la commission JURI de déclarer
« inapte » le commissaire hongrois
a particulièrement fâché le PPE.
« Si la chasse est ouverte, il y aura
certainement d’autres victimes »,
lance le porteparole du groupe. Et
la commissaire française Sylvie
Goulard (marché intérieur) pour
rait en faire les frais, plus que tout
autre. « Weber conçoit encore une
forte amertume à l’égard de Ma
cron, qui a tout fait pour qu’il ne
soit pas président de la Commis
sion », commente un fin connais
seur de la vie politique euro
péenne. Par ailleurs, le parti prési
dentiel, qui est la principale com
posante du groupe libéral Renew,
n’a jusqu’ici laissé aucune plume
dans l’examen de la commission
des affaires juridiques.
De surcroît, Sylvie Goulard reste
la seule membre de l’équipe von
der Leyen à être aux prises avec la
justice. Sous le coup de deux en
quêtes dans l’affaire des emplois
présumés fictifs du MoDem,
l’une en France, l’autre par l’Olaf
(Office européen de lutte anti
fraude), l’éphémère ministre des
armées de M. Macron devra aussi
s’expliquer sur les plus de
10 000 euros par mois que lui a
versés l’Institut Berggruen (un
cercle de réflexion américain) en
tre 2013 et 2015 quand elle siégeait
à Strasbourg.
Une enquête sur des accusations
de corruption à l’encontre du
Belge Didier Reynders (nommé
commissaire à la justice) a en re
vanche été classée sans suite ven
dredi. Ce même jour, l’Olaf a clô
turé ses investigations concernant
le Polonais Janusz Wojciechowski,
pressenti pour l’agriculture.
virginie malingre
« Si la chasse est
ouverte, il y aura
certainement
d’autres
victimes »,
affirme la porte-
parole du PPE
Maroc : un an de prison
pour Hajar Raissouni
Les proches de la journaliste, jugée pour
avortement, dénoncent un procès politique
rabat correspondance
L
a tension est palpable, ce
30 septembre, dans la salle
d’audience du tribunal de
Rabat où le procès de Hajar
Raissouni, accusée d’« avorte
ment illégal » et de « débauche »,
approche de la fin. Le jugement
tombe : un an de prison ferme
pour la journaliste de 28 ans, ainsi
que son fiancé. Deux ans pour le
médecin, ainsi que l’interdiction
d’exercer son métier pendant
deux années supplémentaires.
Huit mois et un an avec sursis
pour la secrétaire et l’anesthésiste.
La décision du juge à peine pro
noncée, des proches fondent en
larmes avant de crier le prénom
de « Hajar » et de lever leurs bras,
les doigts en V. C’est ce même si
gne qu’adressera Hajar Raissouni
à sa famille et aux journalistes,
entre la porte de sortie du tribu
nal et le véhicule des forces de l’or
dre qui la ramène en prison. Une
photo de ce moment fera le tour
des réseaux sociaux marocains,
où s’exprime un large soutien
pour la jeune femme.
La défense avait plaidé la libéra
tion des prévenus. Me Abdel
moula El Marouri, avocat de la
journaliste, sort de la salle
d’audience les yeux humides.
C’est avec la même amertume
que Me Myriam Moulay Rchid,
avocate du médecin, part du tri
bunal de Rabat, sans vouloir com
menter l’affaire tant qu’elle n’a
« pas consulté le jugement ». La se
maine dernière, elle avait pré
senté des éléments médicaux, ex
pliquant que Hajar Raissouni ne
pouvait pas être enceinte au mo
ment de la consultation gynéco
logique. Les deux avocats annon
cent qu’ils feront appel dès mardi.
« Le jugement est dur et injuste »,
estime Souleymane Raissouni,
oncle de la journaliste et rédacteur
en chef du quotidien indépendant
Akhbar Al Yaoum, dans lequel la
jeune femme travaille. La reporter
a raconté ne pas avoir avorté mais
avoir consulté pour une hémorra
gie interne, confirmée par son gy
nécologue. Elle a aussi maintenu
avoir été « contrainte à faire un
examen médical sans son accord »
à la suite de son interpellation. Un
acte que ses avocats assimilent à
de la « torture ». « Pourquoi ontils
forcé une femme à ouvrir ses jam
bes devant un médecin pour
fouiller son vagin? C’est atroce! »,
s’indigne Khouloud, proche de la
jeune femme.
« Lois misogynes »
Pour Souleymane Raissouni, la ré
ponse est simple : c’est une affaire
politique. « L’opinion publique ma
rocaine et internationale dit que
Hajar est accusée à cause de ses
opinions, de ses positions, de celles
du journal et de sa famille. Le juge
ment l’a aujourd’hui confirmé »,
lancetil. Même constat chez un
autre oncle de Hajar Raissouni,
membre de l’Association maro
caine des droits humains. « Ce ver
dict s’inscrit dans un contexte ma
rocain caractérisé par un nonres
pect des lois et des libertés », analy
setil, une fois l’émotion passée.
Pour Ibtissame Lachgar, mili
tante féministe, ce procès va au
delà du volet politique, « qui est
indiscutable ». « C’est le procès
d’une journaliste, mais aussi d’une
femme, qui encore une fois est vic
time de lois rétrogrades et misogy
nes », expliquetelle, en évoquant
les lois qui pénalisent l’avorte
ment ainsi que les relations
sexuelles hors mariage.
Pendant cette dernière audience,
pratiquement personne ne s’était
déplacé devant les grilles du tribu
nal pour manifester un soutien à
Hajar Raissouni. L’affaire fait
pourtant polémique, notamment
après la publication, le 23 septem
bre, du « manifeste des 470 » hors
laloi, parmi lesquels de nombreu
ses personnalités marocaines, qui
demandent une abrogation des
lois « obsolètes » et « liberticides ».
Un appel auquel peu de responsa
bles politiques ont répondu pour
le moment.
théa ollivier
Le Hongrois
Trocsanyi
dénonce « une
collection de
mensonges »
Trophées
MGEN EdTech
Récompenseret soutenirdesinitiatives
quirendentlatechnologieutile
auxacteursdel’éducation
et dela formation
En partenariatavec
Découvrez
les lauréats
del’édition
lorsdela
cérémonie deremise
desTrophées
Lundi 14 octobre à 18h
Suivez la soirée en direct surmgen.fr/trophees-edtech/
Retrouvez-noussurTwitter#MGENEdTech@groupe_mgen