Les Echos - 07.10.2019

(Michael S) #1
Florian Maussion
@Flo_Maussion


  • LA FRANCE ACCUEILLE
    TOUJOURS PLUS, MAIS
    MOINS VITE
    Depuis 2007 et à l’exception de 2011,
    la France a délivré chaque année
    plus de titres de séjour que la précé-
    dente. En 2018, elle en a accordé
    255.956, contre 171.907 onze ans
    plus tôt. Mais le rythme de cette pro-
    gression s’est nettement ralenti l’an
    dernier, après trois années consécu-
    tives d’accélération. E n 2017, le nom-
    bre de titres avait bondi de 7,4 %. En
    2018, il ne s’est accru que de 3,4 %.

  • LE REGROUPEMENT
    FAMILIAL MINORITAIRE
    Ce dispositif, qui permet à un
    étranger non européen détenant
    un titre de séjour de faire venir son
    conjoint et ses enfants, ne repré-
    sente qu’une part très réduite de
    l’immigration légale. En 2018, plus
    de la moitié (53,6 %) des titres de


Pour le volet « humanité », le
texte offre une protection accrue
aux demandeurs d’asile les plus
vulnérables (apatrides, mineurs
victimes de sévices sexuels, etc.),
un accès facilité à l ’emploi p our l es
demandeurs d’asile et des moyens
supplémentaires pour favoriser
l’intégration des nouveaux venus.

Situation critique
en rétention
A peine un an après sa promulga-
tion, difficile de faire un bilan défi-
nitif de cette loi. « On pêche un peu
sur les reconduites à la frontière »,
reconnaît le député LREM Sacha
Houlié. Si les é loignements
contraints ont augmenté de 10 %
sur l’année 2018, c’est selon lui au
niveau international que le proces-
sus est freiné : « Les procédures
accélérées sont efficaces mais on
peine souvent à obtenir des laissez-
passer diplomatiques, d’où la néces-
sité de renforcer notre collaboration
avec les pays vers lesquels sont ren-
voyées ces personnes. »
La politique d’intégration a béné-
ficié de moyens renforcés pour per-
mettre le doublement des heures d e
cours de français et d’éducation
civique. Le budget de la Mission
intégration a augmenté de 104 mil-
lions d’euros, pour atteindre les
280 millions en 2019.
Si le nombre de places d’accueil
pour les demandeurs d’asile a aug-
menté ces dernières années, le

bilan reste toutefois insuffisant
selon Sacha Houlié : « C’est un vrai
problème. Nous avons actuellement
107.000 places pour 123.000 deman-
deurs d’asile. C’est pour ça que cer-
tains se retrouvent à la rue ou dans
des campements », déplore-t-il.
La mesure la plus polémique du
texte reste la durée maximum
d’internement des migrants en cen-
tre de rétention administrative qui
est passée de 45 à 90 jours. Un allon-
gement qui a eu des effets pervers
selon les associations : « Avec ces
nouveaux délais, l’administration
s’est mise à prendre plus de temps
pour traiter les procédures. Depuis
l’application de la loi Collomb, le délai
de rétention moyen est passé de 12 à
16 jours », constate Christophe Del-
tombe, président de La Cimade.
Pour le dirigeant de cette associa-
tion, qui intervient au quotidien
dans les centres de rétention admi-
nistrative, les conséquences sur les
conditions de vie des demandeurs
d’asile sont désastreuses : « On place
en rétention de plus en plus de gens et
pour une durée plus longue. Ça crée
une ambiance très tendue dans ces
centres. D’ailleurs, on y observe une
hausse très importante du taux de
tentatives de suicide ces derniers
mois », dénonce-t-il. « Ce sont des
lieux de privation de liberté. Comme
dans les prisons pour détenus de droit
commun, on y observe des choses
inquiétantes, voire des drames »,
regrette Sacha Houlié.n

Le bilan mitigé de la loi Collomb


Alexandre Rousset
@Alex_Rousset


Un an tout juste après la promulga-
tion de la controversée loi asile et
immigration, portée par le ministre
de l’Intérieur d’alors, Gérard Col-
lomb, l’immigration s’invite à nou-
veau à l’Assemblée nationale, où
commence ce lundi un débat sur
ce sujet sensible qu’Emmanuel
Macron a souhaité remettre en tête
de l’agenda politique. L’occasion de
faire le point sur la loi Collomb, qui
a attisé les critiques des associa-
tions de défense des droits des
migrants mais aussi d’une partie de
l’opposition et même de l’aile gau-
che de la majorité.
Ce texte avait été présenté par le
gouvernement comme une loi équi-
librée, entre « fermeté » et « huma-
nité ». Un volet « fermeté » dont les
principales mesures sont une réduc-
tion du délai de traitement des
demandes d’asile, une simplification
des r econduites à la frontière des per-
sonnes déboutées et un allongement
de la durée maximum en centre de
rétention administrative (CRA) de 45
à 90 jours pour les migrants.


Un an après sa promul-
gation, la loi asile
et immigration affiche
des résultats contrastés.
Les reconduites
à la frontière restent
en deçà des objectifs.


même est posée la question d’un
délai de carence pour les deman-
deurs d’asile avant de bénéficier de la
Protection universelle maladie
(PUMa). Et si Emmanuel Macron a
jugé « ridicule » de vouloir suppri-
mer l’Aide médicale d’Etat réservée
aux étrangers en situation irrégu-
lière, il a laissé ouverte la porte à l’éva-
luation de son panier de soins. « La
majorité n’est pas prête, donc Emma-
nuel Macron ne va pas y aller à la hus-
sarde. Le débat, c’est aussi pour pous-
ser la majorité silencieuse à se
positionner. Le groupe est scindé en
deux, il y a ceux qui ont vu LREM arri-
ver en tête dans leur circonscription
aux européennes et ceux qui ont vu le
RN. Il emmène sa majorité sur un che-
min initiatique, analyse un ministre.
Evidemment il y aura des décisions
importantes. »n

séjour délivrés pour un motif fami-
lial ont concerné des membres de
famille de ressortissants français.
Le regroupement familial, qui a
fait l’objet de 11.282 titres de séjour
l’an dernier, ne représente que 12 %
de cette catégorie.


  • DEMANDES D’ASILE
    EN HAUSSE, ACCEPTATIONS
    EN BAISSE
    Si le nombre de demandes d’asile a
    bondi de près de 23 % en 2018, le
    nombre de demandes acceptées ne
    s’est quant à lui accru que de 4 %
    l’an passé. Parmi les nationalités
    représentées, les Afghans ont été
    les plus nombreux en 2018 avec
    9.455 demandes déposées. Suivent
    les Guinéens (6.188 demandes) et
    les Albanais (5.793).

  • DES EXPULSIONS DE PLUS
    EN PLUS NOMBREUSES
    Alors que les mesures d’« éloigne-
    ment » avaient très fortement
    reculé entre 2012 et 2016, passant de
    36.822 à 24.707, elles sont reparties
    à la hausse ces deux dernières
    années. Après une première aug-
    mentation de 8,4 % en 2017, leur
    nombre a de nouveau progressé de
    13 % en 2018. Si les éloignements
    « forcés » se sont accrus de 10,1 %
    puis de 9,9 % en deux ans, ce sont
    surtout les éloignements « aidés »
    qui ont bondi : + 40 % en 2017 et



  • 41 % en 2018.n


Alors que les parlementai-
res s’attaquent ce lundi
au débat sur l’« orientation
de la politique d’immigra-
tion, d’asile et d’intégra-
tion », les chiffres officiels
montrent un tassement
des arrivées sur le sol
français l’an passé.

Les entrées légales


ralentissent


Les responsables de la droite ont
immédiatement exigé des « actes ».
Marine Le Pen, qui s’exprimera
dans l’hémicycle et lors d’une confé-
rence de presse, s’est tout de suite
placée dans la perspective de 2022.
« Elle s’est sentie attaquée sur son
édredon de confort », glisse un pro-
che d’Emmanuel Macron. Des
associations d’aide aux migrants
présenteront ce lundi des « mesures
alternatives » tout comme le pre-
mier s ecrétaire d u PS, Olivier Faure.
Objectif pour l’exécutif, au-delà de
la volonté d’Emmanuel Macron de
ne pas négliger les sujets régaliens
d’ici à la présidentielle de 2022?
« Définir une stratégie en matière
d’immigration », a rappelé Edouard
Philippe dimanche dans le « Journal
du dimanche ». Ce dernier prendra
la parole tout comme les ministres

Christophe Castaner, pour l’Inté-
rieur, Jean-Yves Le Drian, pour les
Affaires étrangères et européennes
et Agnès Buzyn, aux Solidarité et à la
Santé. « Nous voulons examiner
l’ensemble des données du problème,
de la question des pays d’origine jus-
qu’à celles de l’intégration ou du
retour », assure le Premier ministre,
qui dit raisonner en termes « de
droits et de devoirs ».

Plan d’action
Le sujet reste sensible dans la majo-
rité qui devait se voir proposer avant
le débat un plan d’action avec vingt-
cinq mesures. Mais devant la diver-
sité des sensibilités et le potentiel
éruptif du dossier, Matignon a finale-
ment transmis un document de syn-
thèse – « la politique migratoire de la
France et de l ’Europe, 10 faits,

10 actions engagées » – pour partager
un diagnostic puis préparer le ter-
rain à de futures mesures, dont cer-
taines pourront intervenir à l’occa-
sion des débats budgétaires, et
d’autres, dans les mois à venir. « Le
président a à cœur que cela n’aille pas
trop vite », assure un proche qui
plaide comme d’autres pour la nomi-
nation future d’un « haut commis-
saire » pour « incarner » ce dossier.
En attendant, le gouvernement va
présenter plusieurs axes de travail,
sur l’augmentation de la demande
d’asile, et en particulier celle de res-
sortissants issus de pays dits « sûrs » ;
sur le bilan de la loi asile immigra-
tion, sur « l’harmonisation des procé-
dures et des conditions d’accueil en
Europe », précise Edouard Philippe,
sur l’aide publique au développe-
ment – et sa conditionnalité –, mais

lC’est ce lundi qu’a lieu à l’Assemblée le débat sans vote sur la politique migratoire de la France.


lLe gouvernement souhaite définir une stratégie en matière d’immigration, malgré les réticences de sa majorité.


Immigration : l’exécutif déterminé à avancer


Isabelle Ficek
@IsabelleFicek


C’est ce lundi qu’aura finalement lieu
à l’Assemblée nationale l e débat sans
vote sur la politique migratoire
voulu par Emmanuel Macron,
reporté en raison du décès de Jac-
ques Chirac. Mais de fait, depuis que
le chef de l’Etat a annoncé au prin-
temps vouloir cette discussion cha-
que année au Parlement, et plus
encore depuis qu’il a secoué sa majo-
rité, mi-septembre, en affirmant
qu’il fallait « regarder en face » ce
sujet, le débat, à coups de tribunes,
de déclarations mais aussi de multi-
ples réunions avec les ministres, a
déjà commencé.


POLITIQUE


« Avec ces nouveaux
délais, l’administration
s’est mise à prendre
plus de temps pour
traiter les procédures.
Depuis l’application
de la loi Collomb,
le délai de rétention
moyen est passé
de 12 à 16 jours. »
CHRISTOPHE
DELTOMBE
Président de la Cimade
Photo La Cimade

aussi « l’attraction des talents ». Si le
Premier ministre affirme que des
quotas sur l’asile et le regroupement
familial n’ont « aucun sens », il avance
qu’il faut en revanche « débattre de
nos besoins de main-d’œuvre étran-
gère » et « se fixer des objectifs ambi-
tieux pour l’accueil des étudiants ».

Ces pistes ouvrent la possibilité de
réduire l’aide aux demandeurs
d’asile, l’ADA, dont le montant est,
pour une personne seule, de « 50 %
supérieur à celui versé en Allema-
gne », souligne-t-on à Matignon. De

Le Premier ministre
souhaite « débattre
des besoins de main-
d’œuvre étrangère ».

Il a dit


FRANCE


Lundi 7 octobre 2019Les Echos

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