Les Echos - 07.10.2019

(Michael S) #1

30 // FINANCE & MARCHES Lundi 7 octobre 2019 Les Echos


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autres, a critiqué la Commission en
juillet. Et depuis le scandale de blan-
chiment présumé à 200 milliards
d’euros de Danske Bank, chaque
autorité concernée, au niveau natio-
nal et supranational, se renvoie la
responsabilité.
« Le blanchiment et le financement
du terrorisme sont des risques signifi-
catifs [...] qui peuvent, in fine, affecter
la réputation du système financier de
leur pays », a déclaré il y a quelques
jours à Malte Andrea Enria, le prési-
dent du conseil de supervision de la
BCE. Une façon de faire porter la
charge de la lutte anti-blanchiment
au niveau national, la BCE n’enten-
dant pas l’endosser. Il sera ainsi
question jeudi de créer un supervi-
seur européen spécial.
Cette hypothèse est aussi évoquée
pour les agences de renseignement
nationales spécialisées en Europe
dans la lutte contre la fraude, le blan-

Anne Drif
@Anndrif


Le scandale des « Panama Papers »,
les déboires de Danske Bank en
Estonie ou l’amende infligée en 2014
par la justice américaine à BNP Pari-
bas n’ont pas fondamentalement
changé la donne : le secteur ban-
caire ne contrôle pas toujours assez
ses filiales à l’étranger en matière de
lutte anti-blanchiment et de finance-
ment du terrorisme (LCB-FT). C’est
le constat adressé par le gendarme
bancaire français, l’Autorité de con-
trôle prudentiel et de résolution
(ACPR), aux grands groupes fran-
çais, à l’issue d’une série de contrôles
opérés entre 2016 et 2018. « Compte
tenu des insuffisances relevées [...], les
contrôles opérés ont conduit l’ACPR à
mettre en demeure certaines têtes de
groupe de se mettre en conformité
dans des délais resserrés avec les obli-
gations leur incombant », indique le
superviseur dans son rapport.
Et d’ajouter : « Si les actions correc-
trices engagées n’étaient pas mises en
œuvre selon les délais prescrits ou se
révélaient insuffisantes, le collège de
l’ACPR pourrait être amené à ouvrir
des procédures disciplinaires. » Dans
plusieurs implantations à l’étranger,
pointe notamment l’autorité, les
contrôles étaient assouplis : un
client pouvait ouvrir un compte
sans avoir fourni tous ses éléments
d’identification, le banquier ne
recherchait pas les bénéficiaires
finaux d’une opération ou d’un
compte, ou encore les vérifications
étaient moins exigeantes lors d’une
entrée en relation avec une per-
sonne politiquement exposée. Ce
coup de semonce du gendarme
français intervient quelques jours
avant que les ministres européens
des Finances se penchent, jeudi, sur
la supervision européenne du con-
trôle du blanchiment. Certains
Etats, parmi les 28, appliquent les
directives moins strictement que les


BANQUE


Olivier Tosseri
—Correspondant à Rome

Le pape François avait évoqué
dans un discours « le fumier du
diable, le désir sans retenue de
l’argent qui commande ». Il respire
encore son odeur d’après une note
de la gendarmerie vaticane publié
par l’hebdomadaire « L’Espresso »
rapportant la « suspension par

précaution » de cinq personnes
travaillant au Vatican. Parmi elles,
un prélat influent, Mgr Mauro
Carlino, qui dirige depuis deux
mois le bureau d ’information et d e
documentation de la secrétairerie
d’Etat, l’organe de gouvernance du
Saint-Siège. Mais surtout Tom-
maso Di Ruzza, directeur de
l’Autorité d’information finan-
cière (AIF). Il s’agit d’une autorité
indépendante anti-blanchiment
instituée par Benoît XVI pour met-
tre à jour et mettre un terme aux
opérations opaques de l’Institut
pour les œuvres de religion, l’IOR.
La banque de l’Etat pontifical a été
éclaboussée ces dernières années
par de nombreux scandales de
malversations et de blanchiment
d’argent sale.

Priorité du pontificat
L’enquête en cours, qui n’en est
qu’à ses débuts, en ajoutera sûre-
ment un nouveau à la longue liste.
Elle porte, d’après « L’Espresso »,
sur « des opérations c oncernant des
biens immobiliers de luxe à l’étran-
ger » remontant à 2011, en particu-
lier à Londres mais aussi à Paris,
avec la participation de sociétés
britanniques. Le Vatican se refuse
à tout commentaire mais précise
que des « documents et appareils
électroniques » ont été saisis dans
des bureaux de la secrétairerie
d’Etat et de l’Autorité d’informa-
tion financière. Les enquêteurs
procèdent en outre à des analyses

Blanchiment : les banques


françaises mises en garde


meilleure collaboration entre instan-
ces nationales. » La mise en confor-
mité des banques, y compris à
l’étranger, ne résout d’ailleurs pas
tout le problème, explique-t-il : « En
France, une information venant d’un
pays étranger vaut déclaration de
soupçon et peut déclencher une inves-
tigation sur notre sol. Mais ce n’est pas
le cas de nombreux pays, en particu-
lier hors de l’Union. » En clair, à
l’étranger, la déclaration d’une filiale
de banque française ne donnera pas
forcément lieu à une enquête. Mais
c’est leur intérêt commercial de se
mettre en ordre de marche : « A
l’étranger, comme en Afrique ou au
Moyen-Orient, si vous perdez trop de
temps en vérifications, le client change
d’établissement, indique Antoine
Rizk, le CEO de Flaminem pour qui
« les banques ont un vrai enjeu à met-
tre en place des procédures digitali-
sées ».n

lMalgré les scandales, le contrôle des filiales étrangères des établissements


français reste insuffisant, pointe le superviseur bancaire français.


lPlusieurs établissements ont été mis en demeure.


des mouvements financiers de
comptes sur lesquels circulent les
dons des fidèles faits à l’Eglise
(comme le denier de Saint-
Pierre). En 2015 le scandale Vati-
leaks II avait révélé que ces som-
mes destinées à l’assistance aux
plus pauvres dormaient sur des
comptes où elles atteignaient le
chiffre record de 400 millions
d’euros.
Le pape François était au cou-
rant des saisies qui ont été effec-
tuées suite à des signalements au
début de l’été sur des « opérations
financières faites dans le passé ». Il a
fait savoir son désir que l’enquête
aille jusqu’au bout. Cette affaire
jette une nouvelle ombre sur sa
réelle capacité à réformer les
finances du Vatican pour les con-
former aux normes internationa-
les. C’est pourtant l’une des priori-
tés de son pontificat initié en
mars 2013.
Il aura fallu attendre le 10 août
dernier pour voir publier un
décret approuvant les nouveaux
statuts de l’IOR pour renforcer le
contrôle des comptes et promou-
voir une dimension éthique au
sein de l’institution. Un effort de
transparence qui repose notam-
ment sur la désignation d’ un com-
missaire aux comptes externe
(une personne physique ou une
société) pour contrôler les bilans
financiers de l’IOR gérés jusqu’ici
par trois auditeurs internes à la
banque.n

Transactions financières illégales


présumées au Vatican


Cinq dignitaires de la Cité
de l’Etat du Vatican ont été
suspendus, des documents
et des ordinateurs ont été
saisis. Les enquêteurs se
penchent sur des opéra-
tions immobilières à
l’étranger, notamment à
Londres et à Paris, mais
aussi sur l’usage des dons
des fidèles.

Depuis le scandale de blanchiment présumé à 200 milliards d’euros de Danske Bank, chaque autorité concernée, au niveau national
et supranational, se renvoie la responsabilité. Photo Mads Claus Rasmussen/AP/Sipa


facture de la fraude présumée,
le juge Simon Bryan a toutefois
pointé la responsabilité impor-
tante d’Access World dans les
pertes engendrées.

Fraude « sophistiquée »
« Nous sommes satisfaits que le
juge reconnaisse la négligence
d’Access World et sa responsabi-
lité pour une “grande partie des
torts” », a réagi Marex Spectron
dans un communiqué. « Cela
confirme notre analyse. Nous
sommes victimes de cette fraude
qui touche le secteur et nous exa-
minons actuellement d’autres
options, dont le recours en appel
de ce jugement », a précisé le
broker. Les récépissés d’entre-
pôt peuvent être endossés d’un
titulaire à l’autre, et, dans cette
affaire, les documents ont été
transférés entre plusieurs par-
ties avant qu’elles ne se révèlent
fausses, expliquait Reuters
en 2017.
Pour la Haute Cour de Lon-
dres, Access World n’a pas
réussi à identifier assez vite les
faux papiers. Elle a donc auto-
risé Marex à récupérer partiel-
lement ses pertes auprès de la
filiale de Glencore. Mais, les
conditions générales de presta-
tion de services de l’entreprise
limitant sa responsabilité (à
100.000 dollars par récépissé),
Marex ne récupérera probable-
ment qu’une infime partie des
32 millions de dollars qu’il d oit à
Natixis. « Les accusations de
fraude et de conspiration de
Marex [à notre encontre] sont
sans fondement », a assuré
Access World cité par Bloom-
berg, rappelant que « la Cour
avait noté le niveau de sophisti-
cation de la fraude ».n

Muryel Jacque
@MuryelJacque

Le courtier britannique en
matières premières Marex
Spectron va d evoir verser
32,1 millions de dollars à
Natixis. La banque française
vient de remporter le procès
qu’elle avait intenté en 2017 ,
après avoir été victime d’une
affaire de faux récépissés
d’entrepôt de métaux en Asie. A
l’époque, Natixis avait expliqué
avoir payé Marex Spectron
pour un stockage de n ickel dans
des entrepôts d’une filiale de
Glencore, Access World, mais
que les certificats fournis par le
courtier s’étaient révélés faux.
Le métal servait de garantie
pour des p rêts bancaires.
Marex s’était à son tour
retourné contre Access World.
Si le courtier britannique se
retrouve aujourd’hui à payer la

MATIÈRES
PREMIÈRES

Le courtier Marex
Spectron doit payer
32 millions de
dollars à la banque
qui le poursuivait,
à Londres, dans une
affaire complexe
de faux récépissés
d’entrepôt en Asie.

Le juge a toutefois
pointé la négligence
dont a fait preuve la
filiale de Glencore
chargée du stockage
des métaux.

Fraude aux métaux :


Natixis remporte


un procès


de vue économique, dans un
financement monétaire des
dépenses gouvernementales, ce
qui est interdit par les traités
européens ». Conséquence,
selon les signataires : « Les
soupçons que derrière cette
mesure se cache la volonté de
protéger d’une hausse des taux
des gouvernements lourdement
endettés, semblent de plus en
plus fondés. »

Le clan des « faucons »
Les signataires font partie de la
« vieille garde » de la BCE.
On compte ainsi parmi eux
l’Allemand Otmar Issing, pre-
mier économiste en chef de la
jeune histoire de l’institut
monétaire. Tout comme son
compatriote et successeur, Jür-
gen Stark, qui avait claqué la
porte de la banque centrale en
2011, pour marquer son opposi-
tion aux premiers rachats de
dette d’Etats européens.
De fait, cette lettre ouverte
émane principalement du clan
des « faucons », les tenants
d’une orthodoxie monétaire
stricte, venant de pays du Nord.
Dont d’anciens patrons des
banques centrales d’Autriche
ou des Pays-Bas. Mais l’ex-sous-
gouverneur de la Banque de
France, Hervé Hannoun, signe
aussi le texte, qui bénéficie éga-
lement du soutien de Jacques
de Larosière, à la tête de l’insti-
tution française de 1987 à 1993.
Ce dernier avait récemment fait
part, dans « Les Echos », de sa
préoccupation face aux effets
des taux négatifs.n

Guillaume Benoit
@gb_eco

La charge est violente. Un
groupe d’anciens banquiers
centraux européens a rédigé
vendredi une tribune au vitriol
sur la politique monétaire
menée par Mario Draghi.
Dans ce document publié par
Bloomberg, ils accusent n otam-
ment la Banque centrale euro-
péenne de se fourvoyer en
optant pour une politique
accommodante sur le long
terme, alors que celle-ci s’est
révélée inefficace à leurs yeux.
Et ils mettent en doute l’objectif
réel poursuivi par l’institution
de Francfort et son président,
Mario Draghi.
Pour les auteurs, la politique
de taux négatifs menée par la
BCE est contre-productive, et
l’institution n’a pas montré sa
capacité à gérer l’évolution de
l’inflation. Ils accusent égale-
ment la banque c entrale,
en rachetant la dette des Etats,
« d’être déjà entrée, d’un point

BANQUE
CENTRALE

D’anciens membres
de la Banque cen-
trale européenne ou
de banques centra-
les nationales ont
publié vendredi une
tribune au vitriol
contre la politique
actuelle de la BCE.

La BCE critiquée


par d’anciens


banquiers centraux


chiment et le financement du terro-
risme. Ce qui aurait des répercus-
sions pour les banques. « Créer un
organisme supranational, un Tracfin
européen, présente des risques,
notamment sur la façon dont nous

protégerions nos sources et les décla-
rations des banques à cette échelle,
explique aux « Echos » Albert Allo,
le directeur adjoint de l’agence fran-
çaise. Il faut surtout garantir une

Dans plusieurs
implantations
à l’étranger, un client
pouvait ouvrir
un compte sans avoir
fourni tous
ses éléments
d’identification.
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