Les Echos - 07.10.2019

(Michael S) #1

06 // FRANCE Lundi 7 octobre 2019 Les Echos


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caud, certaines dans la douleur. Le
taux de conversion pour la bascule
a joué également : du jour au lende-
main, les OPCA qui, en moyenne
« payaient » l’heure de CPF entre 30
et 40 euros en jouant sur les fonds
mutualisés, s’en sont tenus à la
valeur de chaque CPF. A cela se sont
ajoutés des problèmes techniques
avec la Caisse des Dépôts (qui fait
office de banque du CPF).
La situation varie d’un organisme
à l’autre. A l’Afdas, l’opérateur de
compétences (OPCO) des artistes-
auteurs, l’enveloppe de 26 millions a
été consommée aux deux tiers. Chez
Akto, l’OPCO des métiers d e services
à forte intensité de main-d’œuvre
(32 branches professionnelles), il
reste 72 millions sur 120 millions,
soit 60 % de fonds non engagés. Le
taux serait l e même pour l’OPCO des
artisans et professions libérales,
laisse-t-on entendre.
« Les OPCO ont coupé le robinet »,
s’agace Natanael Wright, le prési-
dent de Wall Street English, tout en
reconnaissant que le contexte de
fusion n’a pas aidé. Sauf que cer-
tains ont bien l’intention de rouvrir
les vannes avant de perdre définiti-
vement la main sur le CPF. Com-
ment? Via de généreux abonde-
ments pour ceux qui déposeront
une demande avant le 26 novem-
bre. Alerté par les représentants de
l’Etat dans les conseils d’adminis-
tration des OPCO, le ministère du
Travail a mis le holà pour éviter de
gonfler artificiellement les coûts
des formations.n

Alain Ruello
@AlainRuello


Sauf pépin de dernière minute, c’est
le 2 1 novembre – avec une dizaine de
jours d’avance sur le calendrier –
que 33 millions d’actifs pourront
télécharger l’application mobile
leur donnant accès librement aux
euros de leur compte personnel de
formation (le CPF). Les Français
vont-ils se ruer en masse pour ache-
ter sans intermédiaire de la forma-
tion? On verra. Ce qui est sûr, c’est
que l’argent ne manquera pas : sur
les 900 millions d’euros disponibles
cette année pour le CPF, les deux
tiers, voire moins, seulement ont
été engagés, a-t-on appris de sour-
ces concordantes. « Les sommes dis-
ponibles sont très importantes »,
confirme aux « Echos » un connais-
seur du dossier.
Créé en 2014 et financé par une la
cotisation patronale, le CPF est un
droit individuel q ui suit chaque actif
le long de sa vie professionnelle.
Jusqu’au 31 décembre 2018, il était
alimenté en heures. Pour y avoir
accès, il fallait passer par l’orga-
nisme paritaire OPCA de sa bran-


FORMATION


Sur les 900 millions
d’euros disponibles
pour le CPF, les deux
tiers seulement
ont été engagés.


Compte personnel


de formation : des centaines


de millions non utilisés


Chaque titulaire d’un CPF pourra utiliser librement les euros qui y sont crédités à partir
du 21 novembre. Photo Hamilton/RÉA

Apprentissage : accord en vue avec les artisans


Muriel Pénicaud inaugure ce lundi
à Montpellier le centre de formation
d’apprentis des métiers du sport du club
de football du MHSC. La ministre du
Travail annoncera aussi l’ouverture dans
un mois de celui du groupe Nicollin dédié
aux métiers de l’environnement. Elle pour-
rait aussi annoncer la mise en œuvre
dès cette rentrée du nouveau mécanisme
de financement de l’apprentissage,

donnant satisfaction à une revendication
des artisans. Pour chaque contrat signé
à partir du 1er septembre (date restant
à arbitrer) et jusqu’au 31 décembre, un CFA
pourra choisir entre le nouveau méca-
nisme forfaitaire ou l’actuel (dit des « coûts
préfectoraux »). Au-delà, seul le nouveau
subsistera. Le surcoût de cette décision
est de l’ordre de 350 millions d’euros,
selon nos informations.

Marie-Christine Corbier
@mccorbier

Ne surtout pas raviver la guerre sco-
laire : le nouveau secrétaire général
de l’Enseignement catholique, Phi-
lippe Delorme, s’est montré très pru-
dent, jeudi, sur les nouveaux finan-
cements attendus pour les écoles
maternelles privées. « Il n’y aura pas
de tas d’or dans la cour du secrétariat
général de l’Enseignement catholi-
que », a-t-il insisté lors de sa confé-
rence de rentrée.
L’abaissement de l’âge de l’instruc-
tion obligatoire à trois ans, en
vigueur depuis septembre à la suite
du vote de la loi sur l’école de la
confiance, va néanmoins se traduire
par de nouvelles recettes pour les
écoles privées. Lorsque l’école n’était
obligatoire qu’à partir de six ans, les
communes n’étaient pas contraintes
de financer les écoles maternelles
privées à parité avec les écoles publi-
ques, comme l’exige la loi Debré.
L’obligation ne valait qu’à partir de
l’école élémentaire. Avec la loi Blan-
quer, qui a rendu l’école obligatoire
dès trois ans, cette disposition
s’impose aux écoles maternelles.

Or, l’application de la loi s’annonce
délicate en certains endroits.
D’autant que l’Etat n’a prévu de com-
penser intégralement que les com-
munes qui, jusqu’ici, ne versaient
aucun forfait aux écoles maternelles
privées. Celles qui finançaient en
partie seulement les maternelles pri-
vées vont devoir verser le différentiel
pour que les sommes versées au
privé et au public, rapportées au c oût
de l’élève, soient les mêmes. Philippe
Delorme insiste pour dire que la
négociation pourra « s’étaler sur
deux ou trois ans » et qu’il ne faut sur-
tout pas « mettre le couteau sous la
gorge aux communes ni les ruiner ».

Elections municipales
Les sommes à payer seront très
variables, car le coût d’un élève d’une
maternelle publique n’est pas le
même pour toutes les communes. Il
varie en fonction du nombre
d’Atsem (agent territorial spécialisé
des écoles maternelles), des sorties
scolaires, etc. Le ministère de l’Edu-
cation a estimé l’impact financier
pour l’Etat à environ 100 millions
d’euros « pour ce qui concerne les
dépenses de fonctionnement supplé-
mentaires des communes suscepti-
bles d’être accompagnées par l’Etat ».
Cette somme, qui sera inscrite au
budget 2021, doit servir à compenser
les communes qui ne versaient rien
aux maternelles privées, et à couvrir
les dépenses des écoles publiques
qui doivent accueillir plus d’enfants
de trois à six ans du fait de l’entrée en
application de l’instruction obliga-
toire à trois ans.
Selon « Le Figaro », la facture
pourrait grimper à 200 millions
d’euros. Damien Berthilier, à la tête
du Réseau français des villes éduca-
trices, estime que « la fourchette
basse est à 150 millions d’euros au
moins ». Il redoute aussi « la pres-
sion » qui va s’exercer sur les maires

ÉDUCATION


La nouvelle loi sur
l’école de la confiance
impose aux communes
de financer les écoles
maternelles privées à
parité avec les écoles
publiques.

L’ Enseignement
catholique se montre
prudent pour ne pas
relancer la guerre
scolaire.

L’enseignement catholique fait


profil bas sur le financement


des maternelles privées


alors que les élections municipales
se profilent. « L’enseignement catho-
lique fait profil bas pour l’instant,
mais cette attitude ne va pas tenir très
longtemps, et le sujet va influer sur la
campagne électorale », estime-t-il.

Un décret attendu
Il redoute aussi que certains organis-
mes de gestion de l’enseignement
catholique (Ogec) en profitent, après
les maternelles, pour « combler le dif-
férentiel sur les forfaits de l’école élé-
mentaire ». Certaines communes
enfreignent la loi Debré en n’appli-
quant pas la parité de financement
entre le public et le privé, avait pointé
l’an dernier la Cour des comptes.
« C’est un vrai jackpot pour l’enseigne-
ment privé », selon Damien Berthilier.

Interrogé sur ce qui se passera si
des communes traînent des pieds
pour appliquer la loi, Philippe
Delorme rétorque : « Dans ce cas, le
préfet peut demander une régularisa-
tion, mais on n’est pas dans cette logi-
que-là. » Et de conclure : « Si les com-
munes devaient accueillir tous ces
élèves dans des établissements
publics, ça leur coûterait plus cher que
ce qu’elles vont nous donner. » Le
décret d’application de la loi Blan-
quer, attendu ce mois-ci et qui doit
définir précisément les règles de
compensation des communes, sera
déterminant pour ne pas rouvrir la
querelle scolaire.n

L’ Etat n’a prévu
de compenser
intégralement
que les communes
qui, jusqu’ici,
ne versaient aucun
forfait aux écoles
maternelles privées.

che professionnelle qui servait
d’intermédiaire avec l’organisme de
formation. Estimant tout cela trop
complexe et peu transparent,
Muriel Pénicaud, la ministre du
Travail, a décidé de passer d’heures
en euros. Tous les CPF ont été con-
vertis au 1er janvier, à raison de
15 euros de l’heure.

Une transition complexe
Depuis cette date et en attendant
l’application mobile, ceux qui vou-
laient utiliser l’argent de leur compte
devaient encore s’adresser à leur
OPCA. Et comme pour toute phase
de transition dans une réforme, cel-
le-ci n’a pas échappé à son lot de tra-
cas, ce qui explique pourquoi il reste
tant d’argent disponible, malgré un
nombre de dossiers validés qui ne
s’est pas écroulé (227.000 contre
250.000 environ à fin septembre).
Les OPCA ont eu d’abord à gérer
le très important flux de demandes
de la fin de l’année dernière du fait
de l’activisme marketing des orga-
nismes de formation. Ils ont dû le
faire en plein mouvement d e
fusions imposé par la réforme Péni-

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MILLIONS D’ACTIFS
pourront télécharger
l’application mobile
de leur compte personnel
de formation le 21 novembre.
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