Courrier International - 19.09.2019

(avery) #1

Courrier international — n 1507 du 19 au 25 septembre 2019 7 JOURS. 11


Revue
de presse

L’esprit
d’ouver-
ture.

En partenariat avec

AFFAIRES ÉTRANGÈRES.


SAMEDI 11H -12H


Christine Ockrent


qui ont commis cet acte, mais les agents de
l’Iran. Peu importe si c’étaient les houthistes
yéménites, une milice pro-iranienne ou le
Hezbollah irakien. Tous sont l’émanation
d’un même mal : Téhéran. Cette menace sur
les approvisionnements de pétrole concerne le
monde entier. Or la ques-
tion qui se pose, surtout
à l’Europe, est de savoir
s’il faut s’habituer à ces
agissements. Au nom de
quoi? Au nom d’un arrangement derrière
lequel les Européens courent, entraînés par
le doux rêveur Macron. [...] Il ne s’agit pas
de partir en guerre fl eur au fusil, mais de
dire qu’à force de fuir ses responsabilités l’en-
nemi se convainc qu’il ne risque jamais de
sanction. C’est pourquoi, de temps à autre,
il faut sortir le bâton.”

Des Saoudiens va-t-en-guerre


mais vulnérables


Les attaques par drones contre des installations pétrolières
ne sont pas les premières du genre. Mais ce sont les plus
graves et elles montrent à quel point la défense du royaume
est défaillante, commente la presse arabe.

J


amais l’Arabie Saoudite n’a été
confrontée à un événement de ce
ge nre”, écrit le grand quotidien
de Djeddah Okaz. “C’est un nouveau
11 septembre. Génération après généra-
tion, on a considéré que le premier ennemi
était Israël, et que Moshe
Dayan, Golda Meir ou
Nétanyahou étaient l’in-
carnation du mal dans la
région. Mais aujourd’hui,
c’est l’Iran qui est notre principal ennemi.”
“Cette attaque révèle à quel point l’apathie
internationale vis-à-vis de l’Iran est dange-
reu se”, écrit pour sa part le grand quoti-
dien international édité par les Saoudiens
Asharq Al-Awsat. “L’Iran dément évi-
demment être derrière, mais tout le monde
sait que ce ne sont pas les Tigres tamouls

La joie de Téhéran


Au lendemain
des attaques contre
deux raffi neries
saoudiennes,
le quotidien iranien
Kayhan ne cache
guère sa joie face
au malheur de Riyad,
le rival sunnite
régional de l’Iran chiite. “La colonne
vertébrale de l’Arabie Saoudite s’est
brisée”, a titré le journal ultraconservateur
en une. En sous-titre, on peut lire :
“Les Al-Saoud et les États-Unis sont en
deuil”, l’Amérique étant un autre ennemi
de la République islamique d’Iran.
Kayhan ne se prive pas de rappeler
“la responsabilité des Saoudiens et de
leurs soutiens occidentaux dans la crise
au Yémen”. “Voilà pourquoi toutes
les conséquences de cette crise leur
reviennent” et “rien ne changera
cette vérité”, assène le quotidien,
tout en rejetant les déclarations
américaines accusant l’Iran
d’être à l’origine des attaques.

Un conlit


inéluctable?


“Les chances d’éviter un confl it
dévastateur s’amenuisent au fi l
des incidents”, prévient le quotidien
britannique The Guardian. Jusqu’à
présent, en arraisonnant des pétroliers
dans le détroit d’Ormuz et en abattant
un drone américain, l’Iran “avait calibré
ses attaques pour éviter une réponse
militaire”. Mais les frappes
du 14 septembre pourraient tout changer


  • “si Téhéran en est bien responsable”.
    Même si l’Arabie Saoudite “n’a pas
    les moyens techniques” de mener une
    guerre et que “la perspective semble
    peu attractive pour leur allié américain”,
    le prince héritier Mohammed ben Salmane
    “ne peut, politiquement, se permettre de
    rester inactif”. En cas de riposte,
    “les Iraniens répondraient encore plus
    fermement. C’est un cercle vicieux. Nous
    sommes dans une situation où personne
    ne veut de guerre mais personne
    ne sait non plus comment l’éviter.”


Tropique
du Cancer É.A.U.

OMAN

SOUDAN
YÉMEN
ÉRYTHRÉE

ÉTHIOPIE

TURQUIE

JO.

KO.

IS.

LI.

ARABIE
ÉGYPTE SAOUDITE

IRAK

SYRIE

QA.

BA.

IRAN

Mer Rouge

Go
lfe

(^) Ar
abo-
Persique
Détroit
d’Ormuz
Mer
d’Oman
Aden
Sanaa
Riyad
Khurais
Régions contrôlées
par les rebelles houthistes
pro-iraniens, qui ont revendiqué
ces deux attaques
Téhéran
“Croissa
nt^ ch
iite

Abqaiq
Abou Dhabi
500 km
Les deux
attaques
du 14
septembre
contre
les sites
pétroliers
saoudiens
Abréviations :
BA. Bahreïn,
É.A.U. Émirats
arabes unis,
IS. Israël,
JO. Jordanie,
KO. Koweït,
LI. Liban,
QA. Qatar
COURRIER INTERNATIONAL
Mais si la presse saoudienne se montre
plus que jamais va-t-en-guerre contre l’Iran,
la réalité est que ces attaques “montrent la
fragilité de la politique saoudienne”, comme
le titre le quotidien panarabe Al-Quds
Al-Arabi, qui souligne que “c’est la plus grave
atteinte à la sécurité nationale que ce pays ait
jamais subie”. Qui plus est, “cela intervient
après les événements d’Aden, qui avaient déjà
montré à quel point l’agenda saoudien était
contraint, puisque Riyad avait dû s’incliner
devant la nouvelle politique de son allié émi-
rati, en sacrifi ant des alliés sur le terrain yémé-
nite [en août, dans la grande ville du sud du
Yémen, les deux voisins, jusqu’alors alliés, se
sont déchirés sur le statut futur du pays]. Et
pour ce qui est des États-Unis, tout le monde a
compris que la politique de Trump consiste à
chercher des deals et non pas à faire la guerre.
En résumé, les pseudo-alliés des Saoudiens,
de Washington à Abou Dhabi en passant par
l’Europe, les laissent seuls pour encaisser les
coups et subir leurs échecs patents.”
Failles. Pour Rai Al-Youm, autre journal
panarabe et franchement antisaoudien,
cette “opération de haut niveau de précision
menée avec succès” relance “les migraines
chroniques que provoque la question de la
sécurité de l’Arabie Saoudite. Comment ces
drones ont-ils pu atteindre leurs cibles, avec
précision, dans une zone qui était censée être
la plus protégée du pays, en raison de son
importance stratégique, puisqu’elle concentre
l’essentiel de la richesse du pays? Comment
se fait-il qu’ils n’aient pas été interceptés ?”
Avant l’évocation par les Saoudiens et les
Américains de la piste d’une milice chiite
irakienne, les houthistes yéménites avaient
revendiqué ces attaques. Pour le journal,
ils font partie de ces groupes chiites qui
“forment un front dirigé par l’Iran, avec un
haut degré de coordination, très opération-
nels et complémentaires. [...] Le message qu’ils
envoient est qu’ils peuvent frapper l’Arabie
Saoudite n’importe où, même dans des endroits
reculés, et que Riyad peut tuer toujours plus
de Yéménites, mais qu’ils ne se rendront pas.”
Et Rai Al-Youm de rappeler que ce sont les
troisièmes attaques depuis un an qui visent
des installations pétrolières d’Aramco,
et ce au moment où le géant fi nalise son
entrée en Bourse : “Qui va bien vouloir ache-
ter maintenant des parts de cette compagnie
pétrolière saoudienne que le prince héritier
Mohammed ben Salmane avait promis d’ou-
vrir à des investisseurs privés ?”
— Courrier international

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