Courrier International - 19.09.2019

(avery) #1

  1. Courrier international — no 1507 du 19 au 25 septembre 2019


Amériques ...... 16
Moyen-Orient ... 20
Afrique ........ 24
France ......... 26
Asie ........... 28

d’un


continent


à l’autre.


europe


UE. Le grand


bluff d’Ursula


von der Leyen


La présidente de la Commission n’a pas fait
l’unanimité en présentant sa nouvelle équipe,
constate la presse européenne. Le redécoupage des
portefeuilles interroge, comme la création d’un
commissaire à la “protection de notre mode de vie”.

—Die Tageszeitung Berlin

S


ur le papier, elle a fière allure, la
nouvelle Commission d’Ursula
von der Leyen. La première femme
au sommet de la puissante autorité de
Bruxelles a exaucé tous les souhaits que
lui ont formulés les chefs d’État et de gou-
vernement de l’Union lors de sa nomina-
tion contestée en juillet.
La Commission est plus féminine, elle
n’a échoué que de peu à atteindre la parité
promise. Sur le plan politique, elle est assez
équilibrée, même si les écologistes [groupe
des Verts/ALE] y ont été à peine inclus, et
la gauche [Gauche unitaire européenne,
GUE/NGL] pas du tout. Et les Européens
du Sud et de l’Est, jusqu’alors négligés, ont
obtenu des postes importants.
Margrethe Vestager, Vera Jourova et
Sylvie Goulard seront les nouvelles “femmes
fortes” de Bruxelles – aux côtés de von der
Leyen, qui tire toutes les ficelles. L’Est est
valorisé avec le Letton Valdis Dombrovskis,
le Sud avec l’Italien Paolo Gentiloni.
Quant à l’Irlandais Phil Hogan, il est
désormais chargé du commerce, un mes-
sage fort à l’adresse des Britanniques. Après
le Brexit – si jamais il a lieu –, ces derniers
comptent négocier un accord de libre-
échange avec l’UE. L’Irlande se retrouve
maintenant au premier rang.

SOurCe

Die TageszeiTung
Berlin, Allemagne
Quotidien, 49 400 ex.
taz.de
Né en 1979 à Berlin,
“le quotidien” s’est
rapidement imposé comme
l’organe de la gauche
alternative, des féministes,
des écologistes, des pacifistes
et des grands débats
de société.

Mais cette “dream team” a un problème :
les postes sont taillés sur mesure indivi-
duellement pour chaque commissaire –
non pour la cause, mais plutôt au profit de
la personne, voire de l’État membre qu’elle
représente. De plus, von der Leyen a inventé
des titres qui sonnent bien, mais qui, consi-
dérés de plus près, s’avèrent n’être qu’un
bluff sur les étiquettes.
Margaritis Schinas en est un exemple
frappant. Le Grec, auparavant porte-parole
en chef du président Juncker, devra s’occu-
per de “protéger notre mode de vie européen”.
Derrière cette appellation ne se dissimule
pas la culture ou l’alimentation, mais la
défense contre les migrants “illégaux”.

Rien d’étonnant à ce que cette nomina-
tion se heurte à une certaine résistance.
Cette étiquette aurait quelque chose d’“ef-
f rayant ”, a écrit Ska Keller, coprésidente du
groupe des Verts au Parlement européen.
Elle dit espérer que von der Leyen “ne voie
pas de contradiction entre l’aide aux réfugiés
et les valeurs européennes”. D’autres députés
ont aussi l’intention de s’y opposer.

La nouvelle vice-présidente pour “les
valeurs et la transparence”, la Tchèque Vera
Jourova, se heurte elle aussi à des vents
contraires. Elle est cofondatrice du parti
populiste ANO, du Premier ministre Andrej
Babis, soupçonné de fraude. Les Tchèques
sont nombreux à considérer que le fait que
Jourova soit justement chargée de l’État de
droit et de la démocratie n’est pas sans une
certaine ironie, et ils ne sont pas les seuls.
“L’économie au service des personnes”
éveille également quelques doutes. Sous
cette description séduisante du poste de
Dombrovskis se cachent des questions
aussi cruciales que la stabilité financière,
les prestations de services financiers et
l’union du marché des capitaux. Il s’agit
plus d’une démocratie conforme aux mar-
chés que de la protection des salariés.
La présidente de la Commission elle-
même alimente une certaine dissonance
cognitive. Elle promet plus d’engagement
pour le climat et la protection sociale, et
son discours devant le Parlement euro-
péen a parfois donné l’impression d’être
tiré d’un programme “rouge-vert” [élaboré
par sociaux-démocrates et écologistes],
mais, dans la pratique, pour chaque nou-
velle loi de l’UE elle veut en abroger une
ancienne, ce qui, par le passé, s’est le plus
souvent traduit par des coupes claires dans
les prestations sociales.

Par ailleurs, elle a fait de la défense,
de l’armement et de la “géopolitique” les
nouveaux centres de gravité de la poli-
tique européenne. L’ancienne ministre
allemande de la Défense veut même créer
une nouvelle direction de “l’industrie de la
Défense et de l’armement” et subvention-
ner les arsenaux européens avec de l’ar-
gent de l’UE. Elle n’en avait rien dit lors
de son audition. Encore aujourd’hui, elle
n’adopte pas une position claire. La devise
de sa Commission est : “Une Union qui veut
réaliser plus.” Reste à savoir quoi.
—Eric Bonse
Publié le 11 septembre

Cette “dream team” est
taillée sur mesure pour
chaque commissaire ou
l’État membre représenté.
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