Courrier International - 19.09.2019

(avery) #1

Courrier international — no 1507 du 19 au 25 septembre 2019 EUROPE. 15


SOBRE ET POIGNANT
Causette

UNE BELLE
DÉCOUVERTE
L’Obs

DESACTRICESETACTEURS
MAGISTRAUX
LesFichesduCinéma

—Il Messaggero Rome

C


’est scandaleux. C’est si scan-
daleux que les apôtres du poli-
tiquement correct ont dû faire
front commun contre ce qu’ils ont pris
comme une attaque envers leur hégé-
monie, qui semblait pourtant incon-
testable. Le fait est que la présidente
de la Commission européenne, Ursula
von der Leyen, a confié au commissaire
chargé des Migrations, le conservateur
grec Margaritis Schinas, le portefeuille

soit selon nos propres règles, nos propres
valeurs. Des règles et des valeurs des-
quelles nous ne devons pas avoir honte.
Benoît XVI lui-même affirmait que
pour survivre l’Europe avait besoin
de s’accepter elle-même. Peut-être ses
positions trouvent-elles un écho chez sa
compatriote allemande Ursula von der
Leyen, dont la décision fait tant enrager
les bien-pensants. Mais ne nous attardons
pas sur le pape et son fameux discours
de Ratisbonne [prononcé en 2006], de
peur que quelqu’un ne lance l’anathème
“c’est un réac !”.
Le mode de vie européen interdit à
un père d’imposer un mari à sa fille, que
ce soit pour des raisons religieuses ou
familiales. Il permet à chacun de se vêtir
comme il l’entend, de suspendre une
croix au mur, sans que celle-ci ne dicte
la loi. Dans son ouvrage De la France,
Emil Cioran affirme : “Qui trop embrasse
falsifie le monde.” Certes, Cioran était un
pessimiste notoire, mais pourquoi ne pas
nous embrasser nous-mêmes, ne serait-ce
qu’un petit peu plus? L’histoire montre
bien que nous le méritons.
—Mario Ajello
Publié le 12 septembre

Pourquoi il faut


protéger notre


mode de vie


européen


Vu d’Italie. Selon
le quotidien romain
Il Messaggero, l’intitulé
du commissariat chargé
des questions migratoires
est tout à fa it lég it i me.

↓ Emmanuel Macron, Angela Merkel
et Viktor Orbán entourent Ursula
von der Leyen. Dessin de Hachfeld
paru dans Neues Deutschland, Berlin.

“Protéger contre
les populistes”

●●● À la suite des polémiques
qui ont accompagné la nomination
du commissaire chargé de “protéger
notre mode de vie européen”,
Ursula von der Leyen a précisé
sa pensée. La future présidente
de la Commission a affirmé que
“protéger le mode de vie européen”
signifie “construire une UE faite
d’égalité, où tout le monde a les mêmes
opportunités, l’instruction et les
compétences nécessaires pour vivre
et travailler avec dignité”.
Il ne s’agit donc pas de se “protéger”
des migrations, mais plutôt
“des antieuropéistes”. “Nous avons
vu des puissances extérieures
interférer avec nos élections,
et des populistes essayer de
nous déstabiliser. Nous ne devons
pas permettre à ces forces
de s’approprier la définition
de mode de vie européen
et d’en changer la signification.”

de “protection du mode de vie euro-
péen”. La décision a suscité l’indigna-
tion : “c’est de droite”, voire “d’e x t rê me
droite”, “c’est du racisme”, “du néocolo-
nialisme”, “de la xénophobie”.
Les réactions outrées d’Amnesty
InternationaI, de Human Rights Watch,
du Parti socialiste européen et de LREM
n’ont pas tardé, tout comme celles du

peuple des réseaux sociaux et d’ONG de
tout acabit. Car oui, parler d’un “mode
de vie européen” cacherait, allez savoir
pourquoi, un irrépressible besoin d’im-
poser l’apartheid aux migrants. C’est ce
dont sont persuadés les indignés, en tout
cas. L’impérialisme serait de retour. Les
chantres du multiculturalisme se doivent
donc de monter au créneau pour répa-
rer cet affront. Comme si chaque civi-
lisation n’avait pas son propre mode de
vie (mais a-t-on encore le droit de dire
“civilisation” ?).

L’UE en perte de vitesse. Les plus
modérés se contentent de dire qu’on ne
sait pas vraiment ce que c’est, ce “mode
de vie européen”. On ironise : “Plutôt bière
ou plutôt vin? Porc ou poulet ? Patates ou
choucroute? Tongs ou sandales ?” Mais il
n’y a rien de plus facile à définir que le
mode de vie européen. C’est un mode de
vie fondé sur la démocratie, la liberté,
l’État providence, la culture, le droit,
la modernité, l’Antiquité, la laïcité, et
la sécurité. L’Europe est le continent
le plus riche de tout cela, et elle entend
bien le rester. Et l’on nous dit qu’il ne
faudrait pas défendre ce patrimoine que
l’on a construit à grand-peine, depuis la
Rome antique en passant par le siècle
des Lumières, entre grandes guerres et
grands idéaux? Bien sûr que si!
La souveraineté de l’Europe, c’est avant
tout la volonté de défendre son identité.
C’est une façon de prouver que l’Europe
n’est pas “gouvernée par des poules mouil-
lées”, comme l’ont dit Salvini et bien
d’autres. C’est peut-être peine perdue,
et la Soumission décrite par Houellebecq
et le politiquement correct auront peut-
être raison de la Commission euro-
péenne, mais il ne faut pas perdre espoir.
Changeons de ton (sans s’arrêter à l’éti-
quette d’un commissariat européen, à
supposer qu’elle survive à ce tollé), pre-
nons au sérieux ceux qui parlent d’une
perte de vitesse de l’Europe et faisons
en sorte que la conscience de la force
culturelle et la glorification de ce “moi”
européen puissent devenir des leviers
pour accueillir et intégrer... mais que ce

La souveraineté
de l’Europe, c’est avant
tout la volonté
de défendre son identité.
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